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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 2
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Dukas, Paul: "Fidelio"
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0145

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

n’était pas, à ses yeux, ce qui importait le plus. C’est qu’il cherchait,
dans un texte d’opéra, quelque chose que, sans doute, il ne trouva
pas en ceux-ci, et qu'il avait reconnu dans celui de Fidelio, avec la
sûre intuition du génie : l’intensité de la vie musicale qu’il contenait
en puissance.

La donnée de Fidelio est, en effet, très riche d’éléments lyriques,
et l’on s’expliquera qu’elle ait été l’objet de la prédilection de
Beethoven, en considérant que la faiblesse même du texte et le
manque de variétés des épisodes rejetaient, ici, le drame tout
entier dans la musique. Que la logique fît défaut au poème, que la
mise en œuvre en fût assez malhabile : en vérité, peu importait au
maître ; il ne voulut apercevoir que la beauté psychologique de
l’action. Celle-ci, très réelle, répondait à merveille à la haute idée
qu’il se faisait de 1 Art et de l’Amour : Lun ayant mission d’ennoblir,
d’épurer, de garder, même au théâtre, une dignité souveraine,
susceptible d’élever les âmes, l’autre ne devant être que l’expression
idéale et chaste des sentiments les plus sublimes que l’homme puisse
concevoir : dévouement porté jusqu’à l’oubli de soi-même, fidélité
gardée jusque dans la tombe.

Il est donc, en somme, presque heureux que Fidelio soit un
sujet admirable et un méchant livret. Si Bouilly, l’auteur de la
version primitive, avait eu le génie de Shakespeare, il n’aurait
laissé à faire, aux trois compositeurs qui se sont partagé l’honneur
de traiter son opéra, en français, en italien et en allemand, que des
entr’actes et des mélodrames. Au lieu de cela, cet excellent paro-
lier, ayant imaginé une intrigue puérile et compliquée, se préoc-
cupa de la disposer en airs, duos, trios et quatuors, à la mode ordi-
naire des opéras, bien persuadé, sans doute, qu’il avait, de la
sorte, épuisé la matière et qu’il ne restait à Caveaux, son collabora-
teur, qu’à renforcer de musique cette tragique anecdote pour que
tous deux eussent dit leur dernier mot. Léonore ne fut ainsi qu’un
mauvais libretto, jusqu’au moment où, traduit en italien et mis en
musique par Paër, Beethoven l’entendit à Vienne et en découvrit la
beauté. 11 eut la révélation soudaine du drame profond, éternelle-
ment humain, qui se jouait devant lui, par delà le sens des mots et
des notes, de ce drame musical dont ni le librettiste ni le musicien
ne semblaient avoir eu conscience. Il éprouva alors le désir ardent,
impérieux, de lui donner une voix. Dans l’enthousiasme où le
plongea sa découverte, on sait le mot célèbre dont il apostropha
Paër ébahi : « Cher ami, votre opéra est admirable ! Il faut absolu-
 
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