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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
ture, qui porte, par suite de confusions établies par les éditeurs, le
numéro 3, est donc en réalité la seconde. Celle qui porte aujourd’hui
le numéro 2 est la première que Beethoven ait écrite. Quant à l’ouver-
ture désignée comme première, qui porte le numéro d’œuvre 138, elle
ne fut composée qu’en 1807 : c’est la véritable ouverture numéro 3.
En 1814, Beethoven reprit pour la dernière fois ses travaux
sur Fidelio. La direction du théâtre An der Wien, mettant à profit
le succès obtenu par ses productions symphoniques d’alors, la Ba-
taille de Vittoria entre autres, songea à reprendre l'opéra injuste-
ment oublié et chargea le régisseur du théâtre, Treitschke, de revoir
l’adaptation de Sonnleithncr. Il résulta de ce travail une réfection
très importante de l’ouvrage, qui prit alors la forme sous laquelle
nous le possédons aujourd’hui. Les morceaux supprimés en 180C
furent remplacés. Les deux linales furent l’objet de très sérieuses
additions. L’air de Florestan dans la prison fut entièrement récrit.
Nous donnons ici deux spécimens des esquisses de Beethoven
pour sa nouvelle partition. Ce sont des feuilles détachées que le
maître emportait en promenade et sur lesquelles il crayonnait à la
hâte ses inspirations. La première, qui figure en tète de cet article, se
rapporte à l’ouverture : elle montre qu’à l’origine Beethoven voulait
reprendre l’ouverture de 1807 et la récrire dans le ton de mi majeur
au lieu du ton d'ut. S’il avait achevé ce travail, nous eussions pos-
sédé cinq ouvertures pour le même ouvrage ! Mais il abandonna
cette idée et composa l’ouverture en mi majeur qui est connue
aujourd’hui sous le titre d’ouverture de Fidelio. Le second fragment
dont nous donnons la reproduction est une ébauche ayant trait à la
fin de l’air de Florestan. Ces documents nous ont été communiqués
par M. Charles Malherbe, qui a bien voulu les tirer pour nous de sa
riche collection d’autographes musicaux.
Ce fut le 23 mai de cette année 1814 que Fidelio prit définiti-
vement sa revanche. Cette fois, le succès fut éclatant, unanime et
dédommagea le maître de la manière la plus complète. Depuis lors,
l’ouvrage s’est répandu dans toute l’Allemagne; il fait aujourd’hui
partie du répertoire des scènes musicales de l’Europe entière. Il fut
joué en France, pour la première fois, en 1827, par une troupe
allemande dont faisait partie la célèbre Schrœder-Devrient.
Il me reste à dire quelques mots de la récente exécution de
Fidelio dans la nouvelle salle de l’Opéra-Comique.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
ture, qui porte, par suite de confusions établies par les éditeurs, le
numéro 3, est donc en réalité la seconde. Celle qui porte aujourd’hui
le numéro 2 est la première que Beethoven ait écrite. Quant à l’ouver-
ture désignée comme première, qui porte le numéro d’œuvre 138, elle
ne fut composée qu’en 1807 : c’est la véritable ouverture numéro 3.
En 1814, Beethoven reprit pour la dernière fois ses travaux
sur Fidelio. La direction du théâtre An der Wien, mettant à profit
le succès obtenu par ses productions symphoniques d’alors, la Ba-
taille de Vittoria entre autres, songea à reprendre l'opéra injuste-
ment oublié et chargea le régisseur du théâtre, Treitschke, de revoir
l’adaptation de Sonnleithncr. Il résulta de ce travail une réfection
très importante de l’ouvrage, qui prit alors la forme sous laquelle
nous le possédons aujourd’hui. Les morceaux supprimés en 180C
furent remplacés. Les deux linales furent l’objet de très sérieuses
additions. L’air de Florestan dans la prison fut entièrement récrit.
Nous donnons ici deux spécimens des esquisses de Beethoven
pour sa nouvelle partition. Ce sont des feuilles détachées que le
maître emportait en promenade et sur lesquelles il crayonnait à la
hâte ses inspirations. La première, qui figure en tète de cet article, se
rapporte à l’ouverture : elle montre qu’à l’origine Beethoven voulait
reprendre l’ouverture de 1807 et la récrire dans le ton de mi majeur
au lieu du ton d'ut. S’il avait achevé ce travail, nous eussions pos-
sédé cinq ouvertures pour le même ouvrage ! Mais il abandonna
cette idée et composa l’ouverture en mi majeur qui est connue
aujourd’hui sous le titre d’ouverture de Fidelio. Le second fragment
dont nous donnons la reproduction est une ébauche ayant trait à la
fin de l’air de Florestan. Ces documents nous ont été communiqués
par M. Charles Malherbe, qui a bien voulu les tirer pour nous de sa
riche collection d’autographes musicaux.
Ce fut le 23 mai de cette année 1814 que Fidelio prit définiti-
vement sa revanche. Cette fois, le succès fut éclatant, unanime et
dédommagea le maître de la manière la plus complète. Depuis lors,
l’ouvrage s’est répandu dans toute l’Allemagne; il fait aujourd’hui
partie du répertoire des scènes musicales de l’Europe entière. Il fut
joué en France, pour la première fois, en 1827, par une troupe
allemande dont faisait partie la célèbre Schrœder-Devrient.
Il me reste à dire quelques mots de la récente exécution de
Fidelio dans la nouvelle salle de l’Opéra-Comique.