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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 2
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Montrosier, Eugène: Jean-Paul Laurens, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0160

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

que son succès ne fut pas une usurpation, mais bien l’ascension
logique d’un tempérament à qui chaque heure écoulée, chaque jour-
née remplie, ajoutaient une force nouvelle.

Jean-Paul Laurens n’est pas seulement un décorateur fastueux et
un historien véhément. Sa brosse puissante s’est amusée à des jeux
plus frivoles, s’est essayée dans des aquarelles où le mélange de cou-
leurs et d’eau était compris à la manière des peintres de fresque.

On sait que ce procédé de l'aquarelle, si florissant au siècle der-
nier et depuis si longtemps tombé en désuétude, a été repris, surtout
depuis vingt ans ; on sait les phases diverses qu’il traversa, de quelles
difficultés matérielles il subit les assauts, et comment, en mêlant la
chimie aux matériaux employés autrefois, l’on était arrivé à une
sorte de compromis. La préparation des dessous, les emprunts à la
gouache, dénaturaient un peu le genre, tout en le vivifiant; et comme,
en somme, les résultats se lisaient dans des pages exquises, d’une
saveur agréable, d’un piquant spirituel, d’une coloration harmo-
nieuse, cette dernière poussée parfois jusqu’à la rudesse, les puristes
seuls s’en émurent, mais les amoureux d’imprévu s’eu réjouirent.
Je fus de ceux-là, estimant que la cuisine ne fait rien à la chose si
le mets est savoureux.

Les aquarelles de Jean-Paul Laurens portent donc bien la
marque distinctive de son tempérament. L’artiste qui a passé une
partie de sa vie à se nourrir de la moelle des livres et du suc un
peu empoussiéré des chartriers, et l’autre moitié à traduire ou à
paraphraser ce que ces livres ou ces chartriers révélaient, laissera
plus que des œuvres d’une belle maîtrise. Il aura véritablement fait
entrer la psychologie dans le domaine de la peinture, car il n’a pas
seulement dessiné des masses et cerné des contours, mais il a mis
aussi à nu des esprits et laissé deviner des âmes. J’en veux fournir
la preuve en rappelant deux de ses aquarelles : Thomas d’Aquin et
Sur les Ruines du passé1.

« On ne connaîtrait pas Thomas d’Aquin, on ne saurait pas quel
grand rôle il joua, en dépit de sa modestie ; on n’aurait aucune don-
née sur l’influence qu’il put exercer autour de lui, même parmi les
plus élevés, papes ou rois., que le portrait que nous en donne M. Lau-
rens suffirait pour attirer l’attention et éveiller la curiosité. Quand je
dis portrait, il faut s’entendre. C’est un portrait moral et une sorte
de restitution du caractère secret. Thomas d’Aquin vit dans ses
écrits, palpite dans ses doctrines, s’affirme dans ses controverses.

I. Exposition des Aquarellistes, années 1887 el 1888.
 
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