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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
les objets d’art les plus précieux. Cet ordre fut apporté à M. Lavallée par M. de Flahaut,
aide de camp de l'empereur. En exécution de cet ordre, un grand nombre de tableaux
furent cachés.
Après la capitulation de Paris, les ennemis demandèrent que les tableaux fussent
remis en place et manifestèrent l’intention de reprendre ceux dont la victoire nous avait
enrichis. M. Denon, directeur général, et M. Lavallée refusèrent d’obéir à leur injonction.
« Les tableaux que vous demandez sont dans l’alcôve du roi, derrière son lit: allez-les-y
chercher, si vous l’osez, répondit le secrétaire général. »
Au cours de notre récit, on verra comment il sut résister aux prétentions des
alliés et à leur menace d’être conduit, ainsi que Denon, dans la forteresse de
Graudenz, sur la Vistule.
J’ai vu, rapporte son fils, j’ai vu mon père arracher des tableaux du brancard où les
commissaires étrangers les avaient placés, les y reprendre jusqu’à quatre fois lorsqu’on
les y avait placés de nouveau, les faire remonter dans la galerie et les conserver ainsi à
force de persévérance et d’énergie.
Et Eudoxe Marcille ajoute :
Quand les ennemis voulurent reprendre le grand Paul Potter, M. Lavallée s’opposa
vivement à ce qu’il fût enlevé. Le débat dura plusieurs jours. Enfin, les commissaires
étrangers voulant en finir, donnèrent l’ordre d’aller chercher des soldats à la grand’garde,
qui était établie au Louvre, pour les prendre à main armée. Alors M. Lavallée fit fermer
les portes et déclara qu'il se défendrait. Ce jour encore, le tableau nous resta; mais le
lendemain, le poste de la garde nationale qui gardait le Musée fut relevé par les Bavarois.
Toute résistance devint impossible, et le tableau fut emporté.
Tant de zèle ne pouvait que le rendre suspect auprès du gouvernement delà
Restauration. Il fut destitué le 31 mai 1816 et mourut peu après, le 5 février 1818,
dans sa cinquantième année.
Sa mort fut annoncée en ces termes dans la Gazette de France du 7 février 1818 :
Tous les artistes savent combien Lavallée avait puissamment contribué à élever le
Musée à ce point de splendeur où il est encore à présent. Son zèle pour ce bel établis-
sement ne s’est jamais démenti, et c’est surtout à des époques difficiles qu'il a su le faire
éclater.
(La suite prochainement.)
CHARLES SAUNIER
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
les objets d’art les plus précieux. Cet ordre fut apporté à M. Lavallée par M. de Flahaut,
aide de camp de l'empereur. En exécution de cet ordre, un grand nombre de tableaux
furent cachés.
Après la capitulation de Paris, les ennemis demandèrent que les tableaux fussent
remis en place et manifestèrent l’intention de reprendre ceux dont la victoire nous avait
enrichis. M. Denon, directeur général, et M. Lavallée refusèrent d’obéir à leur injonction.
« Les tableaux que vous demandez sont dans l’alcôve du roi, derrière son lit: allez-les-y
chercher, si vous l’osez, répondit le secrétaire général. »
Au cours de notre récit, on verra comment il sut résister aux prétentions des
alliés et à leur menace d’être conduit, ainsi que Denon, dans la forteresse de
Graudenz, sur la Vistule.
J’ai vu, rapporte son fils, j’ai vu mon père arracher des tableaux du brancard où les
commissaires étrangers les avaient placés, les y reprendre jusqu’à quatre fois lorsqu’on
les y avait placés de nouveau, les faire remonter dans la galerie et les conserver ainsi à
force de persévérance et d’énergie.
Et Eudoxe Marcille ajoute :
Quand les ennemis voulurent reprendre le grand Paul Potter, M. Lavallée s’opposa
vivement à ce qu’il fût enlevé. Le débat dura plusieurs jours. Enfin, les commissaires
étrangers voulant en finir, donnèrent l’ordre d’aller chercher des soldats à la grand’garde,
qui était établie au Louvre, pour les prendre à main armée. Alors M. Lavallée fit fermer
les portes et déclara qu'il se défendrait. Ce jour encore, le tableau nous resta; mais le
lendemain, le poste de la garde nationale qui gardait le Musée fut relevé par les Bavarois.
Toute résistance devint impossible, et le tableau fut emporté.
Tant de zèle ne pouvait que le rendre suspect auprès du gouvernement delà
Restauration. Il fut destitué le 31 mai 1816 et mourut peu après, le 5 février 1818,
dans sa cinquantième année.
Sa mort fut annoncée en ces termes dans la Gazette de France du 7 février 1818 :
Tous les artistes savent combien Lavallée avait puissamment contribué à élever le
Musée à ce point de splendeur où il est encore à présent. Son zèle pour ce bel établis-
sement ne s’est jamais démenti, et c’est surtout à des époques difficiles qu'il a su le faire
éclater.
(La suite prochainement.)
CHARLES SAUNIER