210
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Cette interprétation paraît justifiée par la physionomie de la
victime : ce n’est pas la figure d’un chef de troupes régulières, même
d’un grade inférieur, mais plutôt celle d’un homme du peuple.
Il semblera peut-être invraisemblable que, parmi les principales
actions militaires du duc de Guise, on ait choisi un sujet aussi peu
relevé ; mais il suffit d’examiner de près la vie de Claude de Lor-
raine pour reconnaître l’importance exceptionnelle de cette campagne.
Le dernier et remarquable historien des Guises, tout enta condamnant,
pour des raisons inutiles à rapporter ici, reconnaît qu’elle eut un
grand retentissement. Il faut citer quelques lignes de son récit, pour
en donner une juste idée : « Le duc de Guise se vit acclamé comme
un sauveur par la Lorraine et l’Alsace », et si « la Régente ni le
Conseil de France ne trouvèrent bonne cette entreprise, le duc reçut
les félicitations du Parlement et du Pape ; il acquit au milieu de la
chrétienté une situation si importante que François Ier, à son retour
de captivité, crut devoir le traiter comme un prince du sang et lui
conférer le rang de duc et pair, qui n'appartenait encore qu’à trois
princes : les ducs de Nemours, de Longueville et de Vendôme. C’était
la première fois qu’un simple gentilhomme se trouvait, par la vo-
lonté du monarque, élevé à ce rang et investi des mêmes droits que
les pairs symboliques qui étaient représentés dans les cérémonies du
sacre, à Reims1. »
L’inscription qu’Antoinette de Bourbon et ses fils avaient fait
placer sur le monument vient à l'appui de ces observations et forti-
fie notre thèse ; elle ne rappelle qu’un des faits militaires du duc de
Guise, et c’est précisément celui-là; elle l’énonce, en outre, dans des
termes qui proclament le grand retentissement produit par cette
expédition, aussi bien en Europe qu’en France : « Pcitris Patriae
iiomen culepto, parta insigni Victoria de haereticis hostibus, ad
Savernmn, Alsatiae oppidum, et Burgondis ac Belges civibus conser-
vât is. r
Dans cette expédition, le duc de Guise n’eut pas à faire le siège
de Saverne ; il semble donc nécessaire d’écarter l’interprétation
qu’on a donnée du plus grand des bas-reliefs acquis par M. Peyre2.
Le second bas-relief représente le duc de Guise, encore accom-
pagné de guerriers vêtus,, comme lui, à la romaine. Debout, coilïé
1. H. Forneron, ouvr. cité, t. Ier, p. 38-39.
2. Article de M. Bonnaffé. — M. Letellier pense qu’il s’agit du siège de Calais,
mais il reconnaît que Calais fut pris par le Balafré.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Cette interprétation paraît justifiée par la physionomie de la
victime : ce n’est pas la figure d’un chef de troupes régulières, même
d’un grade inférieur, mais plutôt celle d’un homme du peuple.
Il semblera peut-être invraisemblable que, parmi les principales
actions militaires du duc de Guise, on ait choisi un sujet aussi peu
relevé ; mais il suffit d’examiner de près la vie de Claude de Lor-
raine pour reconnaître l’importance exceptionnelle de cette campagne.
Le dernier et remarquable historien des Guises, tout enta condamnant,
pour des raisons inutiles à rapporter ici, reconnaît qu’elle eut un
grand retentissement. Il faut citer quelques lignes de son récit, pour
en donner une juste idée : « Le duc de Guise se vit acclamé comme
un sauveur par la Lorraine et l’Alsace », et si « la Régente ni le
Conseil de France ne trouvèrent bonne cette entreprise, le duc reçut
les félicitations du Parlement et du Pape ; il acquit au milieu de la
chrétienté une situation si importante que François Ier, à son retour
de captivité, crut devoir le traiter comme un prince du sang et lui
conférer le rang de duc et pair, qui n'appartenait encore qu’à trois
princes : les ducs de Nemours, de Longueville et de Vendôme. C’était
la première fois qu’un simple gentilhomme se trouvait, par la vo-
lonté du monarque, élevé à ce rang et investi des mêmes droits que
les pairs symboliques qui étaient représentés dans les cérémonies du
sacre, à Reims1. »
L’inscription qu’Antoinette de Bourbon et ses fils avaient fait
placer sur le monument vient à l'appui de ces observations et forti-
fie notre thèse ; elle ne rappelle qu’un des faits militaires du duc de
Guise, et c’est précisément celui-là; elle l’énonce, en outre, dans des
termes qui proclament le grand retentissement produit par cette
expédition, aussi bien en Europe qu’en France : « Pcitris Patriae
iiomen culepto, parta insigni Victoria de haereticis hostibus, ad
Savernmn, Alsatiae oppidum, et Burgondis ac Belges civibus conser-
vât is. r
Dans cette expédition, le duc de Guise n’eut pas à faire le siège
de Saverne ; il semble donc nécessaire d’écarter l’interprétation
qu’on a donnée du plus grand des bas-reliefs acquis par M. Peyre2.
Le second bas-relief représente le duc de Guise, encore accom-
pagné de guerriers vêtus,, comme lui, à la romaine. Debout, coilïé
1. H. Forneron, ouvr. cité, t. Ier, p. 38-39.
2. Article de M. Bonnaffé. — M. Letellier pense qu’il s’agit du siège de Calais,
mais il reconnaît que Calais fut pris par le Balafré.