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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

DOI issue:
Nr. 3
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Leclercq, Julien: Alfred Sisley
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0249

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236

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

qu’ont eues, d’ailleurs, tous les impressionistes de l’initiation et
qu’ont malheureusement négligées souvent les jeunes peintres
qui les ont suivis. Il doit à ses premières admirations d’avoir toujours
tenu compte des éléments de densité variée qui s’offrent au paysa-
giste : les ciels, les eaux, les terrains, les feuillages. Quand la cou-
leur l’a séduit et pris, sa longue expérience lui crée une spécialité.
S’il n’atteint pas à la maîtrise de Monet, s’il est moins fleuri que
Renoir, il a le don de faire circuler l’atmosphère jusque dans les
branchages des arbres. C’est d’une sincérité d’impression absolue.

Ce dernier aspect est évidemment le plus tranché. Il date d’en-
viron 1884 et se poursuit sans repentir jusqu’à la mort de l’artiste,
pendant quinze ans. Quelquefois, l’influence de Monet est accusée,
comme lorsque Sisley peint, en 1893, après la série de la cathédrale
de Rouen, la vieille église de Moret; mais souvent la personnalité
reste intacte. Nous en citerions maints exemples s’il était aisé de
citer des paysages, entre autres certaine-eau bleue, azurée, limpide et
courante entre des rives orangées; puis, ce chemin, au bord du fleuve,
que nous reproduisons, si original, si choisi avec ses hauts trembles
espacés, gracieux,, légers. Ce sont là des œuvres où règne cette paix
d’âme, cette pureté et cette clarté dont, jeune homme, le peintre
avait eu le pressentiment. C’est un art libre, franc, poétique, où
l’esprit rêve, où l’œil a du plaisir, où la main est intelligente.

La mort l’a enlevé avant que soit venue la vieillesse, mais il
axait accompli son œuvre. La postérité lui sera meilleure que le
présent qui, tout de même, vers la fin, avait apporté des satisfac-
tions. Il s’était installé définitivement à Moret, et il n’est pas un coin
de ce pays charmant où il n’ait posé son pliant et son chevalet. Le
nombre des toiles qu’il y a peintes dans cette dernière étape de sa
vie est considérable et, déjà, il y avait travaillé autrefois. Comme
l’école impressionniste tiendra une grande place dans l’histoire de la
peinture de ce siècle et qu’elle a déterminé un mouvement universel,
il est bien certain que Sisley ne sera pas oublié. Le musée du Luxem-
bourg ne possède de lui que les études du legs Caillebotte; mais il en
sortira d’autres des belles collections modernes pour combler une
lacune, lorsque, dans un lointain avenir, l’heure du Louvre aura
sonné pour quelques impressionnistes.

JULIEN LECLERCQ
 
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