238
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
être le trait qui, sur notre planche, révèle le plus clairement la fac-
ture des écoles du Nord. L’exécution, à cette place, est d’une délica-
tesse et d’une minutie que nous retrouvons dans le tableau signé
et daté de 1504 du musée d’Augsbourg, une Nature morte repré-
sentant une paire de gantelets de mailles, une caille morte et un
couteau de chasse b
C’est vers cette même époque de 1504 qu’il faut placer l’exécu-
tion du portrait de Vienne, bien que, par sa conception, il se rapproche
étroitement d’une autre œuvre de Barbarj, le superbe Héraut décoratif
peint à fresque au-dessus du tombeau Onigo, à Saint-Nicolas de
Trévise, qui a été exécutée dans les cinq dernières années du xv° siè-
cle. Si l’on tient compte de la différence d’âge et de caractère qui
existe entre les deux personnages représentés, on trouve dans Lun
et l’autre un dessin identique des yeux et de la bouche et une façon
de traiter la chevelure singulièrement semblable, tandis que les
ornements du rideau de brocart blanc, dans le portrait de Vienne.,
sont non seulement peints de la même façon que la tunique portée par
le Héraut, mais encore tracés d’après un patron très analogue. Pour
quiconque a suivi les évolutions du style de Barbarj, depuis ses ori-
gines sous la direction de Bartolommeo et d’Alvise Vivarini, jusqu’à
sa chute finale dans une facture qui rappelle si étrangement Dürer
et les écoles du Nord1 2, il est évident que le Héraut est l’œuvre qui
se rapproche davantage de l’art de Vivarini, et le portrait de Vienne
celle qui s’en écarte le plus.
U est peu de portraits anciens où il soit plus difficile de distin-
guer la part qui revient, dans Peffet d’intense et persuasive person-
nalité qu’il produit sur nous, d’un côté au caractère du modèle
lui-même, de l’autre à la conception du peintre, quelle est enfin la
part d’intérêt qui n’est due ni au caractère du modèle ni à la con-
ception de l'artiste, mais bien aux maniérismes inconscients de ce
dernier.
Tels sont, en effet, les éléments divers, souvent en contraste et
même en conflit, qui entrent en ligne dans la composition d’un
portrait. En quelque proportion qu’ils soient ici rapprochés, une
chose est certaine : c’est que le résultat total,, dans le Portrait de
jeune homme du Musée de Vienne, est singulièrement sympathique
et attrayant.
B. BERENSON
1. Nous avons public- ce tableau dans la Gazette (2epér., I . XVIÏ, p. 12a).
2. On me permettra dé renvoyer à mon étude sur Lorenzo Lotto, p. 34-50.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
être le trait qui, sur notre planche, révèle le plus clairement la fac-
ture des écoles du Nord. L’exécution, à cette place, est d’une délica-
tesse et d’une minutie que nous retrouvons dans le tableau signé
et daté de 1504 du musée d’Augsbourg, une Nature morte repré-
sentant une paire de gantelets de mailles, une caille morte et un
couteau de chasse b
C’est vers cette même époque de 1504 qu’il faut placer l’exécu-
tion du portrait de Vienne, bien que, par sa conception, il se rapproche
étroitement d’une autre œuvre de Barbarj, le superbe Héraut décoratif
peint à fresque au-dessus du tombeau Onigo, à Saint-Nicolas de
Trévise, qui a été exécutée dans les cinq dernières années du xv° siè-
cle. Si l’on tient compte de la différence d’âge et de caractère qui
existe entre les deux personnages représentés, on trouve dans Lun
et l’autre un dessin identique des yeux et de la bouche et une façon
de traiter la chevelure singulièrement semblable, tandis que les
ornements du rideau de brocart blanc, dans le portrait de Vienne.,
sont non seulement peints de la même façon que la tunique portée par
le Héraut, mais encore tracés d’après un patron très analogue. Pour
quiconque a suivi les évolutions du style de Barbarj, depuis ses ori-
gines sous la direction de Bartolommeo et d’Alvise Vivarini, jusqu’à
sa chute finale dans une facture qui rappelle si étrangement Dürer
et les écoles du Nord1 2, il est évident que le Héraut est l’œuvre qui
se rapproche davantage de l’art de Vivarini, et le portrait de Vienne
celle qui s’en écarte le plus.
U est peu de portraits anciens où il soit plus difficile de distin-
guer la part qui revient, dans Peffet d’intense et persuasive person-
nalité qu’il produit sur nous, d’un côté au caractère du modèle
lui-même, de l’autre à la conception du peintre, quelle est enfin la
part d’intérêt qui n’est due ni au caractère du modèle ni à la con-
ception de l'artiste, mais bien aux maniérismes inconscients de ce
dernier.
Tels sont, en effet, les éléments divers, souvent en contraste et
même en conflit, qui entrent en ligne dans la composition d’un
portrait. En quelque proportion qu’ils soient ici rapprochés, une
chose est certaine : c’est que le résultat total,, dans le Portrait de
jeune homme du Musée de Vienne, est singulièrement sympathique
et attrayant.
B. BERENSON
1. Nous avons public- ce tableau dans la Gazette (2epér., I . XVIÏ, p. 12a).
2. On me permettra dé renvoyer à mon étude sur Lorenzo Lotto, p. 34-50.