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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 3
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Cook, Herbert Frederick: L' exposition Rembrandt à Londres: correspondance d'Angleterre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0267

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252

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

technique, elle est le plus triomphant modèle de maîtrise suprême dans l’art de
distribuer la lumière et l’ombre qui caractérise le génie de Rembrandt.

Il n’est pas nécessaire de décrire par le détail cet admirable fragment de
nature ; la reproduction que nous en donnons suftit à en faire connaître la com-
position; mais ce qu’elle ne peut rendre, c’est la magique harmonie du ton et de
la couleur, c’est l’entente de l’atmosphère et de .la lumière, qui éveillent dans
l'esprit du spectateur des sensations analogues à celles que certains accords de la
musique procurent à l’ouïe. Nous sentons réellement la fraîcheur du soir, à
l’heure où les vapeurs s’élèvent au-dessus du sol. T.es ailes du moulin arrêtent le
reflet des derniers feux du soleil qui se couche derrière la colline. Le ciel, grâce
au sombre effet des nuages de tempête qu'il roule, exalte la solennité de la
scène, tandis que l’eau tranquille qui coule autour du bateau invite nos sens au
repos. La vraie peinture de paysage ne vise pas seulement à exprimer en per-
fection l’air ambiant, à étudier à fond les jeux de la lumière et de l’ombre,
et tout ce que l’habileté ou la science peuvent traduire à, force d’observation
scrupuleuse, mais encore à réveiller cette impression physique de l’espace qui,
lorsque le peintre réussit pleinement, nous fait respirer l'air et goûter le charme
divers du lieu qui s’ouvre devant nous. Et qui dira que Rembrandt a échoué dans
l’évocation de toutes ces sensations en peignant ce merveilleux Moulin*'!

Une couche de vernis jaune dénature quelque peu les effets de lumière du
ciel. La toile est, d’ailleurs, bien conservée. Elle faisait jadis partie de la collec-
tion d'Orléans et fut achetée, en 1792, au prix de 12.120 francs. Elle est aujour-
d’hui assurée pour une valeur de 750.000 francs par son propriétaire actuel, le
marquis de Lansdowne. Mais comment estimer le prix mercantile d’un tel
chef-d’œuvre, sorti de la main d’un de ces rares artistes qui ont le secret de la
quintessence de l’art ?

Sa Majesté la Reine a contribué à l’Exposition par l'envoi de neuf toiles splen-
dides, provenant des galeries royales de Buckingham Palace, Windsor et Hampton
Court. Trois de ces tableaux ont figuré à Amsterdam : la Dame à l'éventail, le
Portrait cl'un Rabbin et le soi-disant Bourgmestre Pancrace et sa femme, dans lequel
la plupart des autorités s’accordent à reconnaître des portraits de fantaisie du
peintre lui-même et de son épouse Saskia. Mais les six autres doivent nous
occuper davantage et nous en reproduisons un ici.

C’est d’abord le Portrait de la mère clc Rembrandt, envoyé du château de
Windsor par Sa Majesté. Bien que simplement désigné dans le catalogue comme
portrait de vieille femme « connue sous le nom de comtesse de Desmond »
(appellation absolument erronée), il représente, on le sait maintenant, la mère
de l’artiste ; il tlt d’après elle plusieurs eaux-fortes et d’autres œuvres peintes,
et notre exposition possède deux de ces dernières : la Vieille Usant, apparte-
nant au comte de Pembroke et le petit portrait prêté par le DrBredius. La bonne

1. On ne saurait guère douter que ce tableau n’ait été suggéré à Rembrandt par le
moulin de son père, situé sur un des saillants du rempart de la ville de Leyde. 11 suffit
de comparer le tableau au dessin exécuté par Bisschop Episcopus), en 1660, d'après la
maisoir natale de Rembrandt — - dessin reproduit par Charles Blanc dans son Œuvre
complet de Rembrandt (p. 15) — pour que cette hypothèse devienne une certitude.
 
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