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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 4
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Lechat, Henri: Quelques vues sur l'évolution de la sculpture grecque, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0333

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L’ÉVOLUTION DE LA. SCULPTURE GRECQUE

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cette matière, par la finesse de son grain, la douceur de son poli et
la complaisance avec laquelle elle se prête aux caresses de la lumière,
est la plus propre à rendre la morbidesse des chairs et la cadence des
attitudes ployantes, et il faut avoir palpé de ses doigts l’épiderme de
Y Hermès d’Olympie pour connaître quelle indéfinissable volupté
peut tenir dans les lignes tournantes1 et le fin modelé d’une chair de
marbre taillée par Praxitèle. — La séduction d’un tel maître pénétra
pour longtemps l’école attique de sculpture; elle propagea plus tard
son effet jusque dans les ateliers d'Alexandrie2; et c’est encore le
charme des œuvres de Praxitèle qui nous sourit dans le petit peuple
fragile des figurines de Tanagra.

Nous connaissons moins bien que Praxitèle un de ses contem-
porains, Scopas, qui semble pourtant avoir pris dans l’art une place
non moins considérable, mais différente. Si l'on peut dire (sans
d’ailleurs insister sur une telle comparaison) que Praxitèle a fait
régner dans ses ligures de marbre cette souplesse harmonieuse et
cette cadence charmante que Platon, presque au même moment,
introduisait dans la prose attique, c’est plutôt aux orateurs de la
Pnyx qu’il faudrait comparer l’artiste fougueux et passionné que
paraît avoir été Scopas. La sculpture, avec lug devient moins sobre
de gestes, moins économe de mouvements; il aime l’énergie, et la
violence ne lui répugne pas; ses tètes, aux yeux enfoncés, n’expri-
ment pas seulement la vie, mais l’âme, une âme ardente, enfiévrée
par l’extase ou écrasée de douleur ; car il court, comme par gageure,
d’une extrémité à l’autre des passions humaines, depuis l’insondable
désespoir de la mère des Niobicles jusqu'à l’ivresse hystérique de la
Bacchante en délire.

Eloquent et puissant, pathétique et dramatique, l’art de Scopas
est — je ne dis certes pas plus humain que celui de Phidias et de
Praxitèle — mais peut-être plus près de l’homme, en ce sens qu’il
est plus accessible et parle plus clairement au grand nombre. Quan-
tité de sculpteurs vont s’en inspirer désormais, qui ne sauront pas
tous mettre dans leurs œuvres cette âme profonde, à laquelle la
science la plus habile ne supplée pas et par où la vraie éloquence se
distingue de la déclamation. C’est de Scopas — sinon de son génie, du

1. Sur la structure ronde de ÏHermès d’Olympie, cf. les fines observations de
miss Eugénie Sellers, dans la Gazette des Beaux-Arts, 3e pér., t. XVIII, p. 135-136.

2. L’hypothèse présentée à ce sujet par M. Amelung (Bollettino delta Commis-
sione archeologica di Roma, XXV, 1897, p. 110-142) me paraît des plus heureuses.
 
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