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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Le relief attique du ve et du ive siècle était simple de lignes, net de
contours, sobre et concis comme une épigramme de Simonide; le
relief alexandrin mêle dans ses plans multipliés figures, construc-
tions et paysage, tous les éléments d’un décor pittoresque à la fois
réel et fantaisiste. Le premier procédait du dessin ; ]e second procède
de la peinture : c’est un tableau sculpté, un dbùXkiov de bronze ou de
marbre. En donnant au reb’ef ce caractère pittoresque jusque-là
inconnu, en le faisant empiéter
mr le domaine et les effets de
la peinture, les sculpteurs alexan-
drins ont été, quinze siècles à
l’avance, les précurseurs des Ghi-
berti et des Donatello1.
Le même besoin de change-
ment, qui suscitait des innova-
tions aussi hardies, poussait d’au-
tres artistes, au contraire, à
remonter le cours des siècles
passés, et à reproduire savam-
ment les naïvetés et les gauche-
ries des primitifs. La Grèce a eu
ses « préraphaélites »; elle a senti,
par sa propre expérience, qu’un
palais blasé peut trouver plus de
saveur à l’âpreté du fruit vert
qu’à la succulence du fruit mûr.
Est-il, d’ailleurs, un seul
genre de sculpture auquel les
Grecs, dans la période hellénis-
tique^ soient demeurés étrangers? Jusqu’à cette imagerie sculptée
aux portails des cathédrales chrétiennes et destinée en principe à
Lédification et à l’instruction par les yeux, les Grecs aussi l’ont
connue et pratiquée à leur façon : ils ont eu les tables iliaques; ils
ont mis tout Homère en images de pierre, comme les imagiers de nos
cathédrales y ont mis l’Évangile et l’Ancien Testament. C’est pour
l’instruction des jeunes Romains, semble-t-il2, que ces tables iliaques
ont été exécutées, et aucun exemple peut-être ne nous fait mieux
PORTRAIT D UNE PRINCESSE EGYPTIENNE
(Marbre trouvé à Rome.
1. Les célèbres reliefs Grimani, au musée de Vienne, ont été pris autrefois
pour des œuvres de la Renaissance.
2. Toutes les tables iliaques dont on connaît l’origine proviennent des envi-
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Le relief attique du ve et du ive siècle était simple de lignes, net de
contours, sobre et concis comme une épigramme de Simonide; le
relief alexandrin mêle dans ses plans multipliés figures, construc-
tions et paysage, tous les éléments d’un décor pittoresque à la fois
réel et fantaisiste. Le premier procédait du dessin ; ]e second procède
de la peinture : c’est un tableau sculpté, un dbùXkiov de bronze ou de
marbre. En donnant au reb’ef ce caractère pittoresque jusque-là
inconnu, en le faisant empiéter
mr le domaine et les effets de
la peinture, les sculpteurs alexan-
drins ont été, quinze siècles à
l’avance, les précurseurs des Ghi-
berti et des Donatello1.
Le même besoin de change-
ment, qui suscitait des innova-
tions aussi hardies, poussait d’au-
tres artistes, au contraire, à
remonter le cours des siècles
passés, et à reproduire savam-
ment les naïvetés et les gauche-
ries des primitifs. La Grèce a eu
ses « préraphaélites »; elle a senti,
par sa propre expérience, qu’un
palais blasé peut trouver plus de
saveur à l’âpreté du fruit vert
qu’à la succulence du fruit mûr.
Est-il, d’ailleurs, un seul
genre de sculpture auquel les
Grecs, dans la période hellénis-
tique^ soient demeurés étrangers? Jusqu’à cette imagerie sculptée
aux portails des cathédrales chrétiennes et destinée en principe à
Lédification et à l’instruction par les yeux, les Grecs aussi l’ont
connue et pratiquée à leur façon : ils ont eu les tables iliaques; ils
ont mis tout Homère en images de pierre, comme les imagiers de nos
cathédrales y ont mis l’Évangile et l’Ancien Testament. C’est pour
l’instruction des jeunes Romains, semble-t-il2, que ces tables iliaques
ont été exécutées, et aucun exemple peut-être ne nous fait mieux
PORTRAIT D UNE PRINCESSE EGYPTIENNE
(Marbre trouvé à Rome.
1. Les célèbres reliefs Grimani, au musée de Vienne, ont été pris autrefois
pour des œuvres de la Renaissance.
2. Toutes les tables iliaques dont on connaît l’origine proviennent des envi-