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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 4
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Marguillier, Auguste: Charles Dulac
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0350

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332

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

haut, le globe du monde perdu parmi des océans de vapeurs, au
milieu de la solitude immense de l’éther ; Le Soleil : une vision
candide de terres et d’eaux toutes baignées de limpidité et s’éveillant
dans la clarté du matin; La Lune, enveloppant de sa douce lueur
un calme et tluide paysage ; Le Feu et l’Eau, symbolisés par la
maison flottante d'un passeur mettant dans l’ombre de la nuit, entre
l’eau tranquille et le ciel uniforme traversé par la silhouette de
maigres arbres, un rayon de lumière rougeâtre filtrant par la porte
entrebâillée ; La Terre, qui synthétise admirablement la paix du
travail champêtre dans la joie du grand air et du libre espace ;
Le Vent (terrasse de Yézelay), non moins grandiose dans son con-
traste absolu, dans le fougueux échevèlement de ses lignes et la
sombre violence de ses oppositions de tons ; Le Chant final, éter-
nellement modulé dans les espaces infinis par les ondulations de
grandes eaux balancées sous la pâle clarté d'un ciel semé d’étoiles.

Dulac a donné dans cet album la plénitude de son talent, de sa
compréhension religieuse et émue de la nature. Il désirait cependant
aller plus loin, exprimer des sentiments plus subtils encore et même
purement mystiques : tout un carton est rempli d’essais auxquels il
travaillait, quand la mort l'a enlevé, en vue d’une traduction pictu-
rale du Credo. Trois seulement de ces compositions sont achevées et
lithographiées : un torrent descendant et bouillonnant entre des
rochers sombres, puis deux paysages de rêve d’une impression infini-
ment reposante et douce, lumineuses visions d’Edens surnaturels,
où les fleurs, les arbres et les eaux se combinent en merveilleux
jardins de délices dont aucun mot, aucune reproduction ne sauraient
rendre l’impalpable et mystérieuse poésie...

Telles furent les étapes successives du talent et de la carrière,
trop tôt interrompue, de Charles Dulac. Que les préférences de
chacun s’attachent à l’une ou à l’autre d'entre elles, nul ne mécon-
naîtra la noblesse et la beauté de ce continuel sursum. Si l’art
consiste à dégager de la réalité, par la synthèse et la pleine mise en
valeur des lignes et des tons, la somme d'idéal qu’elle renferme en
y joignant les émotions qu’elle suscite en nous, l’œuvre de celui
qui a su tirer de la nature et de son âme délicate de si grands et si
purs accents apparaîtra à tous comme une des fleurs les plus exquises
que l’art ait produites à la fin de ce siècle.

AUGUSTE MARGUILLIER
 
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