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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
« qu’il n’est point partisan d’un art gouvernemental, d’une peinture
d’État, d’une sculpture d’Etat », il affirme aussi sans cesse que l’État,
« s’il ne doit point se faire responsable des principes toujours trans-
formables de l’art, ni le tyran des mobilités du goût, doit fournir
sans relâche et abondamment à la jeunesse tous les moyens imagi-
nables de s'instruire des premiers éléments du dessin, et d’appliquer
ces éléments au perfectionnement de l’industrie publique, comme
aussi de l’art supérieur, si le génie s’y joint par surcroît, u Les
règlements des Écoles nationales des Beaux-Arts à Paris, à Lyon,
à Dijon, furent successivement étudiés ou modifiés, dans ce sens,
autant que le permettaient les circonstances. L’École de dessin et
de mathématiques, à Paris, arbora franchement le titre d'École des
Arts décoratifs, et devint vite le modèle de ces écoles laborieuses
et fécondes, sous la direction ardente de M. Louvrier de Lajolais,
dont l’activité et le désintéressement apostoliques allaient bientôt
ressusciter les écoles de Limoges et d’Aubusson. La réorganisation
de la manufacture de Sèvres et de la manufacture des Gobelins,
la fondation d’écoles spéciales pour les tapissiers et les céramistes,
la création d’un atelier et d’une école de mosaïque, l’ouverture
en commun, avec l'Union centrale des Arts décoratifs, d’une Exposi-
tion générale des Tapisseries, l’appui énergique et les encouragements
chaleureux accordés, sans arrière-pensée d’absorption ou de pres-
sion, à toutes les sociétés de ce genre et, en général., à toutes les
tentatives d’action indépendante et de décentralisation, soit à Paris,
soit en province, manifestaient, à la fois, de tous côtés, les convic-
tions réfléchies et l’esprit pratique de la direction.
Pour se rendre quelque compte de la suite et de la résolution
avec laquelle M. de Chennevières conduisit de front toutes les par-
ties de sa gigantesque entreprise, il faut lire son rapport au ministre
du 1er janvier 1878. Encore ce rapport ne révèle-t-il pas cent autres
projets complémentaires qui s'agitaient déjà dans cet esprit plein
de ressources et dont quelques-uns seulement reçurent divers
commencements d’exécution. Au moment où cette pièce de défense
fut rédigée, M. de Chennevières éprouvait quelque irritation et
quelque fatigue des oppositions croissantes que suscitait, devant
lui, l’agrandissement de sa personnalité. Parmi les dons qu’il possé-
dait, il n’avait point, malheureusement, celui de l’éloquence ; dès
qu’il sortait d’un petit cercle de familiers et de spécialistes, dans une
assemblée publique, dans une commission nombreuse, il s’embrouil-
lait, balbutiait, se taisait. La place restait, et souvent la victoire, aux
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
« qu’il n’est point partisan d’un art gouvernemental, d’une peinture
d’État, d’une sculpture d’Etat », il affirme aussi sans cesse que l’État,
« s’il ne doit point se faire responsable des principes toujours trans-
formables de l’art, ni le tyran des mobilités du goût, doit fournir
sans relâche et abondamment à la jeunesse tous les moyens imagi-
nables de s'instruire des premiers éléments du dessin, et d’appliquer
ces éléments au perfectionnement de l’industrie publique, comme
aussi de l’art supérieur, si le génie s’y joint par surcroît, u Les
règlements des Écoles nationales des Beaux-Arts à Paris, à Lyon,
à Dijon, furent successivement étudiés ou modifiés, dans ce sens,
autant que le permettaient les circonstances. L’École de dessin et
de mathématiques, à Paris, arbora franchement le titre d'École des
Arts décoratifs, et devint vite le modèle de ces écoles laborieuses
et fécondes, sous la direction ardente de M. Louvrier de Lajolais,
dont l’activité et le désintéressement apostoliques allaient bientôt
ressusciter les écoles de Limoges et d’Aubusson. La réorganisation
de la manufacture de Sèvres et de la manufacture des Gobelins,
la fondation d’écoles spéciales pour les tapissiers et les céramistes,
la création d’un atelier et d’une école de mosaïque, l’ouverture
en commun, avec l'Union centrale des Arts décoratifs, d’une Exposi-
tion générale des Tapisseries, l’appui énergique et les encouragements
chaleureux accordés, sans arrière-pensée d’absorption ou de pres-
sion, à toutes les sociétés de ce genre et, en général., à toutes les
tentatives d’action indépendante et de décentralisation, soit à Paris,
soit en province, manifestaient, à la fois, de tous côtés, les convic-
tions réfléchies et l’esprit pratique de la direction.
Pour se rendre quelque compte de la suite et de la résolution
avec laquelle M. de Chennevières conduisit de front toutes les par-
ties de sa gigantesque entreprise, il faut lire son rapport au ministre
du 1er janvier 1878. Encore ce rapport ne révèle-t-il pas cent autres
projets complémentaires qui s'agitaient déjà dans cet esprit plein
de ressources et dont quelques-uns seulement reçurent divers
commencements d’exécution. Au moment où cette pièce de défense
fut rédigée, M. de Chennevières éprouvait quelque irritation et
quelque fatigue des oppositions croissantes que suscitait, devant
lui, l’agrandissement de sa personnalité. Parmi les dons qu’il possé-
dait, il n’avait point, malheureusement, celui de l’éloquence ; dès
qu’il sortait d’un petit cercle de familiers et de spécialistes, dans une
assemblée publique, dans une commission nombreuse, il s’embrouil-
lait, balbutiait, se taisait. La place restait, et souvent la victoire, aux