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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 6
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Desjardins, Paul: Les salons de 1899, 2, Peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0479

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LES SALONS DE 1899

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il semble une cristallisation rythmée ; puis, enveloppant tout, le
désert immobile. Et, dans le ciel, le grand déploiement de la lumière
au déclin; d’un côté des rayons en pluie, qui font souvenir de Danaé;
de l’autre, en plein azur limpide, un cumulus blanc ambré, tour-
noyant, saturé de soleil, qu’on dirait le ventre neigeux d’un cygne du
Caystre planant au couchant. Sur cette Terre antique, les mythes sont
encore vrais ; chaque soir, dans les remous des nuées transpercées
de rayons, se renouvellent les exploits du dieu céleste. C’est une
grande finesse de M. Ménard de nous avoir rendu réelle, en cet
endroit-là même, toute cette mythologie des météores, dont furent
émus les constructeurs très anciens du temple, sans avoir ajouté
pour cela nul symbole, nulle fiction, à son paysage radieux.

Une noblesse pareille est empreinte dans les deux paysages à
figures : Harmonie du soir et Nu sur la mer, du même artiste. Tous
deux ont l’air peints sur plaques de métal, le premier d’or, le
second d’argent bruni. Là, des pins sveltes hérissent leurs aigrettes
brunes sur le couchant baigné d’or; dans la mer dentelée de promon-
toires et de golfes s’étale un or liquide ; cela se passe en Grèce,
mieux encore sur cette côte provençale de Cassis ou de Bandol, qui
nous rend la Grèce d’autrefois mieux que ne fait la Grèce même, à
présent dénudée; dans un repli de ce bocage marin, deux femmes,
vêtues de blanc laineux s’entretiennent, gardant l’attitude des figurines
d’argile; l’une pince la cithare; elles sont drapées du khitonion ;
une bourse de toile fine enferme et relève leurs cheveux; le profil
de leur visage même est ancien; nous l’avons vu déjà, au Louvre,
sur la stèle fameuse de Pharsale. Autre vision : une mer nuancée
d’opale et de perle se déroule jusqu’au fond de l’horizon ; chaque
lame est ourlée d’écume ; sur le devant, une femme nue, debout
comme une Aphrodite anadyomène, rattache sa chevelure sur le
haut de sa tête ; entre ses deux bras arrondis en anses d’amphore,
le ciel s’aperçoit, d’un azur charmant ; femme, mer et ciel échangent
leurs reflets, comme se mirant l’un dans l’autre ; le peintre y a
tondu les fraîcheurs de la nacre et de la rosée.

Vous le voyez, M. René Ménard est intimement païen. Je ne lui
en sais point mauvais gré, pour ma part ; il suffit qu’il le soit inti-
mement pour qu’il me touche. Ses visions sont intenses; il fait sou-
venir de Turner, non du dernier Turner, mais de l’avant-dernier, de
celui qui était encore sous l’influence du Lorrain et dont il existe, à
la National Gallery, quelques évocations magiques de l’antiquité, où
vibrent les flèches d’Apollon. J’ajoute queM. Ménard est un excellent

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