Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

DOI issue:
Nr. 6
DOI article:
Prost, Bernard: Félix Trutat (1824 - 1848): maîtres oubliés
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0506

DWork-Logo
Overview
loading ...
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
FÉLIX TRUTAT

483

et au doute de soi-même. Presque malgré lui, ils adressèrent la
Femme couchée à l’Exposition de la Société des Amis des Arts de
Rouen (1845), où elle reçut un accueil des plus flatteurs et obtint
haut la main une médaille d’argent. Trutat était vengé des hypo-
crites et ignares scrupules de ses concitoyens.

Son admission au Salon, la même année, acheva de l’en conso-
ler. Le portrait 1 qu’il y envoya offrait de solides qualités de facture,
dans une notation moins personnelle toutefois et moins moelleuse
que la Femme couchée ; il n’est pas à classer parmi ses morceaux de
choix et la critique est excusable de ne l'avoir point remarqué. Quel
charme et en même temps quelle vigueur de pinceau accuse au con-
traire son propre portrait du Salon suivant ! J'ai dit précédemment le
succès qu’il y remporta, succès répercuté cette fois à Dijon; le tableau
y fut exposé et rallia tous les suffrages. Mais bientôt, hélas! la tombe
allait interrompre l’achèvement de ces promesses. La frêle enveloppe
de l’artiste ne résista pas longtemps aux continuels sursauts d’une
âme ardente et inquiète, joints aux fatigues d’un travail acharné, à la
préoccupation de ne pas être à la charge des siens et à la belle incons-
cience de la jeunesse devant les sombres pronostics de la Faculté.
Miné déjà parle mal qui devait l’emporter, le 8 novembre 1848, il
brûlait toujours du feu sacré inspirateur de son adolescence et n’a-
bandonna le chevalet que sous l'étreinte des défaillances suprêmes.
Ni sa vision, certes, ni sa main n’avaient faibli, quand il brossait en
1847 ce magistral portrait de son père où l’on serait tenté, n’étaient
la signature et la date, de reconnaître comme une manière inédite
de Géricault.

En venant impitoyablement briser, à vingt-quatre ans, une
carrière jalonnée déjà d’oeuvres durables, la mort a, d'un coup pré-
maturé, privé la peinture française — et, malheureusement, ce
n’est pas là le seul cas, — d’un interprète qui, pour n’avoir pas
encore donné sa mesure, pouvait cependant justifier les plus hautes
espérances.

1. Portrait de M.H..., porte le livret du Salon de 1845; mais les données posi-
tives de M. Chabeuf constatent que c’était le portrait de Mme Hamon, la femme du
peintre de paysage et de nature morte, Pierre-Paul Hamon, né en 1817, décédé
en 1860 et n'ayant que le nom de commun avec l’auteur plus connu de Ma sœur
n'y est pas. — Trutat s’était lié avec Hamon à l’atelier Cogniet et habitait tout à
côté de son ami, rue Lemercier. Le ménage Hamon fut pour lui, à Paris, une
seconde famille, affectueuse et dévouée. Sur ce point encore, je renvoie à la
Notice de M. Chabeuf.
 
Annotationen