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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 35.1906

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Nr. 1
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Bénédite, Léonce: J.-J. Henner, [1]: artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24817#0051

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4C2

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

mémoire l’image fidèle du cher clocher qui carillonnait les matines
et les angélus si allègrement à son cœur de petit Français, lorsqu’il
suivait chaque jour, de son pas déjà volontaire et vaillant, en répé-
tant ses leçons, la route longue de deux lieues qui le conduisait à
l’école; ce cher clocher dont les voix sonnaient maintenant à ses
oreilles comme des plaintes douloureuses d’exilées.

Ce culte de la petite patrie était si puissant en son cœur, qu’il ne
se résigna point, comme tant d’autres, pour fuir le supplice odieux
de la servitude étrangère, à la séparation définitive. Français, il
resta Alsacien de cœur et de fait. Il se retrempait, en effet, cons-
tamment dans son village, près des siens, des amis de jadis, et il
augmentait les liens déjà si forts qui l’attachaient à la glèbe aimée,
en multipliant les acquisitions territoriales. C’est au point qu’on
prête à un ami ce mot : que Ilenner ne tenait tant à s’enrichir
que parce qu’il avait projeté de racheter toute l’Alsace.

Cet amour du pays natal porte sa trace dans son œuvre.
Car on ne se doute guère que les simples et grandioses paysages
qui enveloppent ses bucoliques sont empruntés aux environs de
Bernwiller.

Tous les soirs, pendant la saison des vacances, un fusil en ban-
doulière et un chien derrière les talons, il s’en allait par la cam-
pagne. Cet appareil belliqueux n’était qu’un prétexte. Henner ne
fut jamais la terreur des perdreaux ni des lapins. C’était pour lui
une occasion de sortir et de voir. La pipe à la bouche, un calepin
dans sa poche, un crayon à la main, il s'arrêtait de temps à autre en
face de quelque effet et regardait. Il regardait longuement et silen-
cieusement. Il avait coutume de dire qu’on ne savait pas regarder,
qu’on ne regardait jamais assez la nature ni les maîtres. Après
cette longue contemplation, tantôt assis sur quelque banc de
hasard, sur quelque tronc d’arbre renversé, tantôt debout et campé
sur ses jambes, il indiquait par traits larges la mise en place de
l’effet qui l’avait frappé, s’en remettant, pour le reste, à l’aide du
souvenir.

C’était toujours le soir, à l’heure où se lève le Mystère, où les
bruits s’apaisent, où l’air fraîchi s’imprègne de parfums, à l’heure
où la Nature apparaît dans sa majestueuse unité, où les détails indi-
viduels se confondent dans l’ampleur des masses, où l’austère sim-
plicité des formes terrestres contraste avec la splendeur attendrie
du ciel. Henner ne comprenait pas qu’on pût sortir par la vulgarité
du plein jour où la lumière s’intéresse également à toute chose et
 
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