DOI Heft:
Nr. 3
DOI Artikel:Une exposition d'aquafortistes américains
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UNE EXPOSITION D’AQUAFORTISTES AMÉRICAINS 245
à la Giudecca et sur les bords de l'Arno ; son amour du pittoresque
s’est fortifié au contraste des sites ; en même temps le métier, libéré
des incertitudes initiales, a sans cesse gagné en ampleur et en
autorité. Riche de plus de cent planches, son œuvre désormais
l’impose et le classe.
Ses compagnons d’exposition ne laissaient pas de causer quelque
trouble par les résultats auxquels ils sont d’emblée parvenus.
Ce sont gens d'un goût habile et d’une sensibilité informée; ils ont
beaucoup voyagé, beaucoup vu, et, comme dit le fabuliste, beaucoup
retenu; si l’ascendant qu’exercent sur eux les exemples de Whistler
n’est guère niable, ils se sont piqués aussi de regarder et de com-
prendre Méryon, Repère; leurs ouvrages offrent des attraits d’une
délicatesse parfois facile, sinon artificielle, mais dont on subit
quand même le charme : on aime à se souvenir de la Vue de Marken
de M. Luquiens, et, lors du dernier Salon de la Société des Artistes
français, le jury de gravure, d’ordinaire assez farouche, ne résistait
pas à la séduction d’accueillir des envois qui constituaient, en vérité,
les premiers essais de M. Webster et de M. Clarence Gagnon.
L’art de M. Webster bénéficie des ressources d’une vaste culture et
de facultés qui trouvèrent d’abord un autre champ d’exercice ; la phi-
losophie, le journalisme et le dessin d’illustration le sollicitèrent
avant de le laisser devenir le peintre-graveur dont nous goûtons
la Ferme dans le pays de Kent. Toutefois, parmi ces nouveaux
pratiquants de l’eau-forte, le mieux doué et le plus foncièrement
artiste semble, pour l’instant, M. Clarence Gagnon ; ses tableaux
de la vie rustique au Canada l’avaient déjà désigné à la sympa-
thie quand il s’est pris à confier au cuivre les souvenirs de ses
voyages d’études sur l’ancienne terre latine; la notation y demeure
précieuse et, dans leur instantanéité, ces impressions rapides gardent
une tenue par où se trahit une souci de composition constant; on
jugera d’après la Terrasse du Luxembourg et d’après la Vue de Rouen,
ici même publiée, de la recherche voulue de mise en page comme de
l’opposition heureuse de clartés et d’ombres familières à ses estampes :
elles annoncent un tempérament de graveur; elles font souhaiter
aussi que cette tentative ne demeure pas sans seconde et qu’une suite
soit donnée au projet de constitution d’une Société parisienne d’aqua-
fortistes américains.
R. M,
à la Giudecca et sur les bords de l'Arno ; son amour du pittoresque
s’est fortifié au contraste des sites ; en même temps le métier, libéré
des incertitudes initiales, a sans cesse gagné en ampleur et en
autorité. Riche de plus de cent planches, son œuvre désormais
l’impose et le classe.
Ses compagnons d’exposition ne laissaient pas de causer quelque
trouble par les résultats auxquels ils sont d’emblée parvenus.
Ce sont gens d'un goût habile et d’une sensibilité informée; ils ont
beaucoup voyagé, beaucoup vu, et, comme dit le fabuliste, beaucoup
retenu; si l’ascendant qu’exercent sur eux les exemples de Whistler
n’est guère niable, ils se sont piqués aussi de regarder et de com-
prendre Méryon, Repère; leurs ouvrages offrent des attraits d’une
délicatesse parfois facile, sinon artificielle, mais dont on subit
quand même le charme : on aime à se souvenir de la Vue de Marken
de M. Luquiens, et, lors du dernier Salon de la Société des Artistes
français, le jury de gravure, d’ordinaire assez farouche, ne résistait
pas à la séduction d’accueillir des envois qui constituaient, en vérité,
les premiers essais de M. Webster et de M. Clarence Gagnon.
L’art de M. Webster bénéficie des ressources d’une vaste culture et
de facultés qui trouvèrent d’abord un autre champ d’exercice ; la phi-
losophie, le journalisme et le dessin d’illustration le sollicitèrent
avant de le laisser devenir le peintre-graveur dont nous goûtons
la Ferme dans le pays de Kent. Toutefois, parmi ces nouveaux
pratiquants de l’eau-forte, le mieux doué et le plus foncièrement
artiste semble, pour l’instant, M. Clarence Gagnon ; ses tableaux
de la vie rustique au Canada l’avaient déjà désigné à la sympa-
thie quand il s’est pris à confier au cuivre les souvenirs de ses
voyages d’études sur l’ancienne terre latine; la notation y demeure
précieuse et, dans leur instantanéité, ces impressions rapides gardent
une tenue par où se trahit une souci de composition constant; on
jugera d’après la Terrasse du Luxembourg et d’après la Vue de Rouen,
ici même publiée, de la recherche voulue de mise en page comme de
l’opposition heureuse de clartés et d’ombres familières à ses estampes :
elles annoncent un tempérament de graveur; elles font souhaiter
aussi que cette tentative ne demeure pas sans seconde et qu’une suite
soit donnée au projet de constitution d’une Société parisienne d’aqua-
fortistes américains.
R. M,