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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 35.1906

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Nr. 3
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Ritter, William: Correspondance de Suisse
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https://doi.org/10.11588/diglit.24817#0283

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

s’apercevaient, de toute leur rétine nettoyée à Paris, que d’autres ciels et d’autres
sols les attendaient et qu’il était impossible de peindre le Léman ou le Mont Rose
selon les recettes même impressionnistes. Leur motfut dès lors Bœcklin et Segan-
tini ; et il y en eut de sincères comme il y en eut, comme il en est de charlatans.

D’autant plus que deux exemples, deux influences adventices les aiguillaient
plus précisément dans l’une ou l’autre voie. Sandreuter leur prouva que Bœcklin
n’avait pas menti en leur montrant dans la nature le coloris bœcklinien, et leur
donna le sentiment du paysage authentiquement suisse, tandis que, par ailleurs,
dans ses fresques, il restaurait le goût suisse des vieux maîtres de la première
salle du musée de Bâle. D’autre part, M. Hodler, dont je ne saurais dire ici le peu
de bien que je pense, leur donnait une fructueuse leçon d’audace et d’impu-
dence. Étant donné le tempérament suisse, elle n’était pas inutile.

Dès lors voici la répartition des forces artistiques de la Suisse à ces exposi-
tions de Bàle et de Munich. Il y avait quelques traditionnalistes de grand mérite :
M. Charles Giron, M. Eugène Burnand à leur tête. Tout le reste était incroyable-
ment panaché ou tatoué de Bœcklin, de Segantini, de Sandreuter, de Ilodler, et
d’impressionnisme. Deux individualités d’un accent neuf et franc détonnaient :
M. Albert Welti à Munich. M. Edouard Stiefel à Bàle; coïncidence bizarre, tous
deux sont de Zurich. M. Giovanni Giacometli, qui commença par être une dou-
blure de Segantini et qui vit et peint dans les mêmes régions que lui, est
aujourd'hui quelqu’un et p isse du divisionnisme à un bariolage décoratif haut
en couleurs, d’un charme puissant et évocateur : que ceux qui ne sont pas con-
tents recourent à la photographie; lui n’a cure que des incendies de soleil au cou-
chant sur son Val Bregaglia, ou de la jeunesse d’enfants qu’il peint avec des
couleurs que leurs honnêtes parents n’ont sans doute jamais aperçues. En
revanche, voici M. Edouard Bille, espoir du groupe neuchâtelois, qui tout à
coup écorche la langue de Segantini avec une telle âpreté qu’immédiatement
nous nous retournons vers son compatriote M. Charles L’Eplattenier à cause de
la sincérité émue de ses paysages jurassiens, où tout est senti et traduit sans
prétention, comme seuls le savent faire les régionaux amoureux de leur région
encore plus que de succès facile. M. Ernest Kreidolf, lui, raconte aux petits enfants
les mythes de la flore thurgovienne et l’on croirait assister à une transforma-
tion de la veine poétique de l’écrivain souabe Christian Wagner.

Et puis il y avait M. Garnjobst, à qui plaisent les lacs tessinois au couchant, et
surtout un certain M. Anner, Argovien, qui baigne de brumes et de rosée des
champs de boutons d’or dessinés un à un avec une légèreté, une grâce et une
souplesse qui n’ont d’analogue qu’en musique la Danse des Sylphes de Berlioz. 11
y avait aussi le bouvillon blanc, ombré de bleu, de M. Jacques Buch, un Glaronais,
qui va chercher ses inspirations dans les montagnes gruériennes, et qui vaut par
des qualités d’animalier et de paysagiste assez rarement réunies : plein air et
plasticité, simplicité et grandes lignes monumentales; coloris aussi sobre que
lumineux, et de la distinction en plus. M. Hermenjat avait des Alpes vaudoises
d’hiver sur avant-plan de vignobles roux singulièrement justes et solides.
M. Alexandre Cingria des pastels sombres et emportés, où la sauvagerie de la
forêt, du rocher et du torrent est conçue avec un japonisme lourdement sim-
plifié, d’un âpre accent.

Mais rien de tout ce qui s’accumulait là de divers et d’indigeste — portraits
 
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