BIBLIOGRAPHIE
HISTOIRE DU DÉVELOPPEMENT DE L’ART MODERNE,
par J. Meier-Graefe1.
ans son si spirituel article A propos cle quelques tableaux impressionnistes
M. Henry Cochin constatait naguère ici même, non sans une secrète nos-
talgie, que ces tableaux appartenaient dorénavant à l’histoire. Ne pourrait-
on, dans un certain sens, étendre cette remarque à l’art moderne tout entier? Ou
du moins, sans vouloir préjuger les tendances d’aujourd’hui ni surtout prophétiser
celles de demain,ne pourrait-on pas établir le registre des résultats définitivement
acquis? Le xixesiècle n’est-il pasderrière nous etne nous impose-t-il pas le devoir
de l’interpréter, d’en prendre conscience? M. Meier-Graefe l’a cru, et c’est à cette
conviction que nous sommes redevables de son monumental ouvrage, le premier
où soit tentée une synthèse effective de ce vaste ensemble : l'Art moderne.
M. Meier-Graefe semblait d’ailleurs tout désigné pour une tâche de ce genre :
d’une culture très riche et très variée, soucieux de 11e laisser échapper aucune mani-
festation, si fugitive soit-elle, de cette modernité qui lui est chère, il a vu presque
toutes les œuvres d’art dont il parle : longtemps il a vécu à Paris, avant de devenir
à Berlin, aux côtés de MM. Liebermann et H. von Tschudi, un des plus efficaces
propagateurs de l’impressionnisme français. Ses premiers travaux furent, comme
il convient, des travaux d’analyse; le plus important d’entre eux, sur Édouard
Manet et son groupe, étudié jadis dans la Chronique, préludait dignement au
livre d’aujourd’hui.
L’ouvrage de M. Meier-Graefe est intitulé : Histoire du développement de l’art
moderne ; et la première partie, La Lutte pour la peinture, est consacrée à l’étude
des périodes antérieures, mais dans la mesure seulement où elles peuvent nous
révéler quelque vérité sur l’art moderne. Quelle est la loi essentielle du dévelop-
pement de la peinture ? Le triomphe de l’Église chrétienne assura à la peinture
le rôle prépondérant qui avait appartenu à la sculpture dans l’antiquité. Mais le
but était tout différent. La peinture était une sorte d’écriture, l’instrument d’ex-
pansion d’une doctrine : par suite, dit l’auteur, « elle fut primitivement le trait,
la ligne, un langage de lignes : son développement fut un développement de la
ligne. Et son histoire peut être ramenée ù ceci : histoire de la décomposition de
la ligne au profit du plan. Tout ce qui fut enlevé à la ligne fut acquis au plan. La
relation entre ces deux éléments est le point physiologique de l’histoire tout en-
tière. La ligne était le signe graphique du style : d’une décoration brutale elle
s’élève jusqu’à l’expression la plus haute et devient l’interprète de la plus puis-
1. E ni vj i ckelu ngsrj es c h ic h te cler modernen Kunst. Vergleichendè Beùfachmntj dèr bit-
denden Künste, als Beitrag zu einer neuen [Aesllielik. Stuttgart, J. Hoffmann, 19ü4»
2 vol, in-8° de texte, avec 1 vol. de gravures.
HISTOIRE DU DÉVELOPPEMENT DE L’ART MODERNE,
par J. Meier-Graefe1.
ans son si spirituel article A propos cle quelques tableaux impressionnistes
M. Henry Cochin constatait naguère ici même, non sans une secrète nos-
talgie, que ces tableaux appartenaient dorénavant à l’histoire. Ne pourrait-
on, dans un certain sens, étendre cette remarque à l’art moderne tout entier? Ou
du moins, sans vouloir préjuger les tendances d’aujourd’hui ni surtout prophétiser
celles de demain,ne pourrait-on pas établir le registre des résultats définitivement
acquis? Le xixesiècle n’est-il pasderrière nous etne nous impose-t-il pas le devoir
de l’interpréter, d’en prendre conscience? M. Meier-Graefe l’a cru, et c’est à cette
conviction que nous sommes redevables de son monumental ouvrage, le premier
où soit tentée une synthèse effective de ce vaste ensemble : l'Art moderne.
M. Meier-Graefe semblait d’ailleurs tout désigné pour une tâche de ce genre :
d’une culture très riche et très variée, soucieux de 11e laisser échapper aucune mani-
festation, si fugitive soit-elle, de cette modernité qui lui est chère, il a vu presque
toutes les œuvres d’art dont il parle : longtemps il a vécu à Paris, avant de devenir
à Berlin, aux côtés de MM. Liebermann et H. von Tschudi, un des plus efficaces
propagateurs de l’impressionnisme français. Ses premiers travaux furent, comme
il convient, des travaux d’analyse; le plus important d’entre eux, sur Édouard
Manet et son groupe, étudié jadis dans la Chronique, préludait dignement au
livre d’aujourd’hui.
L’ouvrage de M. Meier-Graefe est intitulé : Histoire du développement de l’art
moderne ; et la première partie, La Lutte pour la peinture, est consacrée à l’étude
des périodes antérieures, mais dans la mesure seulement où elles peuvent nous
révéler quelque vérité sur l’art moderne. Quelle est la loi essentielle du dévelop-
pement de la peinture ? Le triomphe de l’Église chrétienne assura à la peinture
le rôle prépondérant qui avait appartenu à la sculpture dans l’antiquité. Mais le
but était tout différent. La peinture était une sorte d’écriture, l’instrument d’ex-
pansion d’une doctrine : par suite, dit l’auteur, « elle fut primitivement le trait,
la ligne, un langage de lignes : son développement fut un développement de la
ligne. Et son histoire peut être ramenée ù ceci : histoire de la décomposition de
la ligne au profit du plan. Tout ce qui fut enlevé à la ligne fut acquis au plan. La
relation entre ces deux éléments est le point physiologique de l’histoire tout en-
tière. La ligne était le signe graphique du style : d’une décoration brutale elle
s’élève jusqu’à l’expression la plus haute et devient l’interprète de la plus puis-
1. E ni vj i ckelu ngsrj es c h ic h te cler modernen Kunst. Vergleichendè Beùfachmntj dèr bit-
denden Künste, als Beitrag zu einer neuen [Aesllielik. Stuttgart, J. Hoffmann, 19ü4»
2 vol, in-8° de texte, avec 1 vol. de gravures.