Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 35.1906

DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:
Laloy, Louis: L' art et l'archéologie au théatre
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24817#0468

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
GAZETTE DES BEAUX-ARTS

438

la musique n’ont su nous en conserver le charme. Seul le spectacle nous Ta, par
instants, restitué.

I.a mise en scène cl’Aphrodite est très riche, et, comme MM. Carré, Vizentini et
Jusseaume nous y ont accoutumés, elle est faite de main d’artiste. Chaque décor
forme un tableau dont tous les détails concourent à l'impression d’ensemble, et
rien n’est abandonné au hasard, ni dans le costume des personnages, ni dans leur
distribution et leurs mouvements: à tel point que plus d’une fois paroles et
musique paraissent également superflues, et que toute la beauté est dans ce que
Ton voit. Tel est le cas pour le premier tableau : cette jetée bornée à gauche par
un mur doré de soleil, à droite par un élégant vélum, et derrière laquelle on
aperçoit le phare, pareil à un rocher immaculé, puis les blanches maisons de la
ville, fait à ce drame voluptueux la meilleure des ouvertures et la plus musicale.
C’est là que vont et viennent les belles promeneuses: Séso, Tryphéra, Mousarion
et Philotis; c’est là que danse Théano, au son des liâtes jumelles de R ho dis et
Myrto, les petites amies. Les costumes féminins, ici comme dans tout le reste de
la pièce, font quelque abus du décolletage. L’antiquité, en ces matières, pratiquait
plutôt le système du tout ou rien: l’aventure de Phryné en est la preuve. Par un
excès contraire, la danseuse Théano apparaît ici complètement drapée dans un
voile opaque qui serre le cou et fait capuchon sur la tête. Je ne sais trop com-
ment expliquer ce costume, plus convenable à une pleureuse du moyen âge qu’à
une danseuse alexandrine. Peut-être est-il là pour faire contraste avec le costume
de la même Théano au 3° acte, qui sera, le voile tombé, un simple pagne, sur-
monté d’un pectoral de pierreries. Tout cela me paraît d’un hellénisme fort
contestable. Mais les scrupules archéologiques sommeillent devant une scène
aussi joliment animée et des danses d'une aussi gracieuse fantaisie. Ils
s’endorment tout à fait lorsque le jour baisse, que des étoiles paraissent et scin-
tillent (car aucun détail n’est négligé) et que la lune jette sur les blancheurs du
port un voile à peine vert, d’une immatérialité délicieuse : c’est devant ce poétique
horizon que Chrysis arrache à Démétrios son redoutable serment, et que le
rideau tombe.

L’archéologie reprend ses droits au deuxième acte, qui représente l’intérieur
du temple d’Aphrodite. Ici je ne puis m’empêcher de penser que cette statue, vêtue
sommairement d’un collier de perles et d’un voile flottant, et campée en une
attitude gauche où se mêlent des souvenirs de la Vénus de Milo et de la Vénus
de Médicis, ne donne pas une haute idée du talent du sculpteur Démétrios. Et
puis le sanctuaire où elle se trouvait devait être fermé, presque complètement
obscur, et encombré de l’amoncellement des offrandes. On nous représente une
salle spacieuse et percée de très larges baies. Je sens bien que c’est pour nous
laisser voir la perspective, d’ailleurs fort agréable, de ces cyprès qui montent
vers le ciel pâle en se mirant dans une eau transparente. Mais ce paysage lui-
même ne fait-il pas contraste, par sa grâce et sa couleur, avec la grisaille de ces
architectures? Cependant la ronde de nuit qui passe le long du mur, avec les
têtes seules apparentes, est d’un effet fort amusant; les danses de « courtisanes
sacrées » qui, bientôt, se déroulent autour de la statue sont de fort jolies danses
d’attitudes; et les courtisanes profanes, ou laïques, qui se pressent à l’entrée de
la salle, ont d'élégants chapeaux tanagréens. Fermons donc les yeux sur quelques
voiles peu orthodoxes, voiles d’amazones et non de femmes grecques ; et fermons
 
Annotationen