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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 2.1909

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Chantavoine, Henri: Albert Maignan (1847 - 1908)
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https://doi.org/10.11588/diglit.24872#0045

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ALBERT MAIGNAN

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d’autres mettent d’empressement à l’étaler. Il n’allait pas au-devant
des sympathies banales et ne prodiguait pas son amitié; il avait
horreur des effusions inutiles; mais son affection, qu'il ne séparait
pas de son estime, était sûre, comme sa parole ; on pouvait, en toute
occasion, compter sur lui. Très indépendant de situation et de
caractère, les honneurs ne le tentaient pas ; il avait méprisé de bonne
heure la vaine notoriété, qui est si peu de chose, qui ne prouve
rien, qui coûte plus de démarches ou d’intrigues qu’elle ne vaut.
L’opinion du public ne lui était pas indifférente: elle touche toujours
un artiste; mais il lui préférait silencieusement d’abord le témoi-
gnage de sa propre conscience, la secrète approbation de son propre
goût, puis le suffrage de quelques connaisseurs, de quelques amis,
qu’il essayait de contenter et qu’il était naïvement heureux d’avoir
satisfaits. La richesse, la vogue, la vente facile et fructueuse ne lui
disaient rien ; son ambition était plus haute et plus désintéressée :
ilne songeait qu’à se développer lui-même, à enrichir son œuvre par
le libre exercice de son art. Très apprécié de bonne heure par ses
confrères, par ses égaux, il a obtenu toutes les récompenses que
peut souhaiter un artiste, sans en avoir sollicité aucune. Si la der-
nière, l’entrée à l’Institut, lui a manqué, c’est qu’il est mort à la
veille même de l’obtenir.

Ceux qui n’ont pas connu Albert Maignan l’ont accusé faussement
d’être susceptible et irritable. Il ne l’était pas. La louange délicate
et brève lui faisait plaisir; la critique ne le blessait que si elle
était injuste et malveillante : elle l’offensait alors comme un déni
de justice ou une marque de jalousie. Lui-même ne pouvait pas être
jaloux : il n’aurait pas su. Son âme, hère et candide, était fermée
aux petites compétitions, aux rivalités mesquines; on l’entendait
parler avec la joie la plus franche du talent de ceux qu’il admirait,
des dons de leur nature ou du mérite de leur effort. Sans fuir le
monde, où il avait tout ce qu’il faut pour tenir et pour marquer sa
place, il aimait surtout à vivre chez lui, dans son bel atelier de la
rue La Bruyère ou dans sa villa et dans son jardin de Saint-Prix.
Celte villa de Saint-Prix, « le Bois Notre-Dame », était sa retraite
de prédilection, l’asile et l’enclos de son rêve. Là, auprès de la chère
compagne de sa vie, avec des amis et des élèves de son choix, entouré
d’objets d’art qu’il avait amoureusement rassemblés, il passait, à la
belle saison, des heures très douces. Il entendait à peine la rumeur
confuse et assourdie de la capitale; il était loin des hommes et du
bruit; il avait devant lui de beaux horizons; son âme, pleine de
 
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