Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 2.1909)

LOUIS TOCQUÉ

P odr le Français que sa curiosité des mœurs étrangères a
conduit jusqu’à Copenhague, cela ne doit pas manquer d’at-
trait dans son imprévu que de se trouver tout à coup, au
cours d’une visite à l’Académie des Beaux-Arts, devant deux aimables
visages de compatriotes d’autrefois, deux évocations de la physio-
nomie nationale dans ce qu’elle peut avoir de plus fin et de plus
plaisant. L'une de ces figures est celle d’un peintre installé à son
chevalet ; perruque poudrée, habit à passementeries, cérémonieux
fauteuil à part, tout ici dit le praticien à peine arrêté dans l’élan
du travail; grasse et large face qui tourne vers vous l’aménité du
regard habitué à s’imprégner d’aimables choses, mais sur laquelle
ne s’est pas arrêtée de palpiter l’excitation du plein labeur, où
tout bouge, tout est aussi actif que la main que l’on voit, dans le
reflet de la fraîche palette, triturer du pinceau la couleur : portrait
de Nattier peint par son gendre Louis Tocqué. — L’autre figure
aussi tient à son pouce la palette, mais en manière, semblerait-il,
d’accessoire secondaire, pour indiquer la profession, dont à vrai
dire on se douterait peu, tant le personnage garde en son port de
réserve aristocratique; le visage, qui reste détourné, met en évidence
une noble régularité de traits que déplace à peine l’ébauche d’un
sourire; des dentelles s’enfouissent et réapparaissent au long d’un
gilet à ramages avec tout le fin goût qu’y peut apporter un homme
habitué à l’élégance. C’est ici, peint par Nattier, le portrait de Louis
Tocqué, et, malgré tout l’agrément de son aspect, cette retenue
d’attitude, cette quasi hauteur d’expression ne sont pas sans le pla-
cer un peu en retrait de l’autre figuration.

C’est l’ordre, du reste, suivant lequel leur art, à ces deux peintres,

4” PERIODE.

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