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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 2.1909

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Réau, Louis: Les portraits de Dürer par lui-même
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https://doi.org/10.11588/diglit.24872#0117

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104

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Dürer a été, peut-on dire, le créateur de ce genre appelé à une si
rare fortune1 que les Allemands désignent du nom de «Selbstporlrdl »
et que nous pourrions peut-être appeler pour éviter une longue et
lourde périphrase, les « autoportraits ». Sans doute les primitifs
colonais ou souabes du xv° siècle placent quelquefois leur propre
portrait dans un coin de leurs retables; mais c’est plutôt dans la
pensée d’authentiquer leurs tableaux ou de participer aux mérites
des donateurs agenouillés aux pieds de leurs saints patrons que par
intérêt réel pour leur propre personnalité. Il faut attendre, comme
l’a nettement démontré J. Burckhardt, l’époque de la Renaissance
pour que l’artiste prenne conscience de son « éminente dignité » et
pour que les portraits de peintres qui se dissimulaient humblement
à l’arrière-plan des tableaux religieux se détachent ostensiblement
de leur entourage. Le goût très vif qu’Albert Durer manifeste pour
l’étude de son visage est donc le symptôme d’un esprit nouveau :
c’est un des traits par lesquels cet artiste de transition, qui tient
encore par de si profondes racines aux traditions du Moyen âge,
s’apparente aux hommes de la Renaissance.

On s’attendrait plutôt à ce que Holbein, qui apparaît beaucoup
plus complètement dégagé des formes de pensée médiévales et qui
s’est, du moins pendant sa période anglaise, spécialisé dans le por-
trait, soit de tous les artistes germaniques celui qui a le plus souvent
éternisé sa ressemblance : il n’en est rien. Nous ne possédons même
à vrai dire aucune effigie authentique de Holbein. Le célèbre dessin
pastellé du musée de Bâle, quoiqu’il corresponde assez bien à l’image
que nous nous formons de cet artiste merveilleusement sain et équi-
libré, n’est qu’un portrait présumé du maître par lui-même : aucun
document ne nous garantit l’exactitude de cette attribution2. Com-
ment se fait-il qu’un artiste aussi admirablement doué pour scruter
les physionomies n’ait jamais eu la curiosité de se prendre pour
modèle? Les raisons de cette indifférence nous échappent. Holbein
était sans doute de tempérament trop pratique pour se plaire à cette
analyse de soi-même qui enchantait la nature rêveuse de Dürer, ou
peut-être préférait-il tout simplement à un travail entrepris pour
sa satisfaction personnelle des commandes plus lucratives. Quoi qu’il

1. Ces portraits se sont tellement multipliés que certains musées comme le
1,ouvre et les Uffizi consacrent des salles spéciales aux portraits d artistes peints
par eux-mêmes (autorüratti).

2. Cette attribution ne s’appuie guère que sur la ressemblance qui existe
entre le dessin de Bâle et les portraits du jeune Holbein par son père, Hans llol-
bein l’ancien.
 
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