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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 2.1909

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Nr. 6
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Goujon, Pierre: Corot, peintre de figures
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https://doi.org/10.11588/diglit.24872#0529

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482

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Je me garde de compliquer l’âme du « père Corot ». Elle excelle par
la limpidité. Elle rayonne dans ses yeux, lidèles à la seule nature.
Il écrit le 5 février 1871 : « J’ai été au collège de Rouen jusqu’à dix-
huit ans. Delà, j’ai passé huit ans dans le commerce. Ne pouvant
plus y tenir, je me suis fait peintre de paysages; élève de lYlichallon
d’abord. L’ayant perdu, je suis entré dans l’atelier de Victor Bertin.
Après, je me suis lancé tout seul, sur la nature, et voilà. »

Quand j’assiste à l’agonie de Corot, je me rappelle comment
Charron disputait de la valeur différente des sens : « Celui de la
vue », dit-il, « est en sa composition et sa forme admirable, et d’une
beauté vive et éclatante, pour la grande variété et subtilité de tant
de petites pièces, d’où l’on dit que l’œil est une des parties du
corps qui commencent les premières à se former et la dernière
qui s’achève1. » L’œil de Corot! comme j’accepte qu’il lutte contre
la mort! Et combien j’aime que le biographe enveloppe les der-
niers moments d’une atmosphère de légende! « Est-ce beau ce vert! »
soupire Corot à l’ami qui lui apporte un bouquet de réséda. « Je
n’ai jamais su faire un ciel. Ce que j’ai devant moi est bien plus
rose, plus profond, plus transparent. » Honnête Michallon, honnête
Bertin, à l’instant où tant de prodigieuses qualités natives s’exas-
pèrent avant de s’éteindre, je ne démêle guère ce que vous a dû
Corot. Mais je vous sais un gré infini de ne pas les avoir taries et
de ne pas avoir emmené hors la vie le plus clairvoyant et le
plus sensé des réalistes.

PIERRE GOUJON

1. Livre I, ch. xiu.
 
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