DOI Heft:
Nr. 3
DOI Artikel:Forthuny, Pascal: Dix années d'architecture, 1
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.24873#0228
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
l’habitation privée. Hâtons-nous de dire qu'il est dans Paris beau-
coup d’autres témoignages bâtis où s’exprime, avec plus ou moins
de bonheur, l’intention de n’imiter plus les formes sur lesquelles
vécurent tant de dociles générations d’architectes et où apparaît
aussi la volonté de tirer parti des matériaux les plus récemment
mis à la disposition du constructeur par l’industrie contemporaine.
Si l’on accepte que le seul fait d’oser des formes neuves, fût-ce
pour s’y égarer, constitue un progrès sur le passé, une promesse
pour l’avenir, on ne peut que se réjouir de ce zèle indéniable qui,
depuis la promulgation des nouveaux règlements de voirie concer-
nant les saillies en façade, a suggéré à un grand nombre d’artistes,
des combinaisons d’avancées, de loggias et de motifs de combles.
Mais si l’on médite sur ce que pourrait devenir Paris en
dix années encore si le même parti d’invention ultra-libre s’y
donnait cours, si l’on envisage le risque de réaliser, côte à côte, en
matériaux durables, et pour des siècles, des essais décoratifs qui
sont sans lien ni rythme, on en vient vite à s’inquiéter de ce
qu’une discipline — non certes officielle, ni municipale, mais esthé-
tique s’entend— n’harmonise pas mieux, sur des principes fonciers,
les conceptions ainsi mises bout à bout par des maîtres d’œuvre
trop éperdument épris d’individualisme.
Qu’un tableau, brossé par un individualiste farouche, soit, au
dernier coup de pinceau, une chose avortée par la faute même de
ses prétentions, il suffit de le gratter pour réparer la faute. Mais
une maison à cinq étages ne se recommence pas. Quand elle est
manquée, elle l’est bien. Et quand il en pèse trente mille sur le sol
d’une capitale, la capitale est enlaidie pour longtemps.
Qu’on ne se trompe donc point à notre pessimisme. Nous eussions
été navré de ne point constater d’ardeur, chez les architectes, dans
le sens d’une invention émancipée de vieilles formules. Mais nous
sommes presque autant désolé de les voir, quelle que soit la qua-
lité de leurs initiatives propres, désaccorder leurs efforts, retarder
l’eurythmie nécessaire, par leur refus de s’entendre. 11 semble
qu’avec l’acquis dont aujourd’hui ils disposent, il est possible de
fixer déjà des axiomes essentiels. Ils n’y songent point assez, canton-
nés qu’ils sont dans leurs, petites chapelles. Pour y avoir beaucoup
réfléchi, nous estimons, nous, que ce ne serait pas si difficile qu’ils
le supposent.
(La suite prochainement.)
PASCAL FO RT U UNY
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
l’habitation privée. Hâtons-nous de dire qu'il est dans Paris beau-
coup d’autres témoignages bâtis où s’exprime, avec plus ou moins
de bonheur, l’intention de n’imiter plus les formes sur lesquelles
vécurent tant de dociles générations d’architectes et où apparaît
aussi la volonté de tirer parti des matériaux les plus récemment
mis à la disposition du constructeur par l’industrie contemporaine.
Si l’on accepte que le seul fait d’oser des formes neuves, fût-ce
pour s’y égarer, constitue un progrès sur le passé, une promesse
pour l’avenir, on ne peut que se réjouir de ce zèle indéniable qui,
depuis la promulgation des nouveaux règlements de voirie concer-
nant les saillies en façade, a suggéré à un grand nombre d’artistes,
des combinaisons d’avancées, de loggias et de motifs de combles.
Mais si l’on médite sur ce que pourrait devenir Paris en
dix années encore si le même parti d’invention ultra-libre s’y
donnait cours, si l’on envisage le risque de réaliser, côte à côte, en
matériaux durables, et pour des siècles, des essais décoratifs qui
sont sans lien ni rythme, on en vient vite à s’inquiéter de ce
qu’une discipline — non certes officielle, ni municipale, mais esthé-
tique s’entend— n’harmonise pas mieux, sur des principes fonciers,
les conceptions ainsi mises bout à bout par des maîtres d’œuvre
trop éperdument épris d’individualisme.
Qu’un tableau, brossé par un individualiste farouche, soit, au
dernier coup de pinceau, une chose avortée par la faute même de
ses prétentions, il suffit de le gratter pour réparer la faute. Mais
une maison à cinq étages ne se recommence pas. Quand elle est
manquée, elle l’est bien. Et quand il en pèse trente mille sur le sol
d’une capitale, la capitale est enlaidie pour longtemps.
Qu’on ne se trompe donc point à notre pessimisme. Nous eussions
été navré de ne point constater d’ardeur, chez les architectes, dans
le sens d’une invention émancipée de vieilles formules. Mais nous
sommes presque autant désolé de les voir, quelle que soit la qua-
lité de leurs initiatives propres, désaccorder leurs efforts, retarder
l’eurythmie nécessaire, par leur refus de s’entendre. 11 semble
qu’avec l’acquis dont aujourd’hui ils disposent, il est possible de
fixer déjà des axiomes essentiels. Ils n’y songent point assez, canton-
nés qu’ils sont dans leurs, petites chapelles. Pour y avoir beaucoup
réfléchi, nous estimons, nous, que ce ne serait pas si difficile qu’ils
le supposent.
(La suite prochainement.)
PASCAL FO RT U UNY