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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
ment et tour à tour ce qui s’est cristallisé dans la série des styles.
Or, cette façade, elle donne le style de l’heure où nous vivons.
Yoyez-la. Son équilibre de lignes, de lumières et d’ombres satis-
fait la raison, explique plastiquement la forme de la vie contempo-
raine. Il y a là une certitude, un axiome de beauté mathématique-
ment tel qu’on en peut faire le point d’origine d’une esthétique.
Qu’on l’étudie. 11 en résultera une loi première d’où sortiront
d’autres lois, comme le théorème engendre le théorème, à l’infini.
Et, si l’on travaille logiquement sur cette donnée, dans quelques
lustres le xxe siècle français aura son langage architectural. »
Cette façade n’existe pas. Il en est quelques-unes qui font preuve
d’une haute probité, d’un goût pur, de vertus très françaises. Assu-
rément, leurs architectes firent mieux que pressentir la nécessité
de la loi. Us œuvrèrent pour la formuler. On ne peut dire qu’ils
aient intégralement réussi. L’homme de génie n’est pas venu, même
l’homme dont la conscience soit assez épurée. Ceux-là, ravi liantes,
restent cependant les seuls vraiment dignes de leur corporalion,
ceux qui, en persévérant, pourront peut-être un jour, proche ou loin-
tain, convertir le public, leurs confrères, et les corps enseignants,
du devoir pressant qu’il y a à sauver cette architecture française qui,
malgré toutes les qualités spirituelles de la race, s’égare et s’enfonce
dans les deux perfides sentiers de la redite bête et de l’invention
désordonnée, alors que d’autres peuples récrivent scrupuleusement
l’alphabet de leur art, et déjà, dans un idiome nouveau, ont gravé
sur la pierre ces vérités que nous ne savons plus lire.
On pourra nous accuser de pessimisme, et opposer à ce noir
tableau l’émulation qui se manifeste de rue en rue, dans la capitale,
où les chantiers les plus variés, où les façades les plus ingénieuses,
se dressent aujourd’hui plus que jamais. Mais nous n’en resterons
pas moins fidèle à notre conviction et nous dirons devant tous ces
immeubles où le caprice des ornementistes s’évertue : « C’est du
pittoresque inquiétant et du temps perdu. Ce sont des jeux qui,
pour séduisants qu’ils soient, nous attardent loin de l’étude vraie. Il
n’y a là aucune méthode, aucune raison, aucune harmonie. Il n’en
peut résulter aucun style. Il vaudrait mieux ne pas construire.
Cherchez la loi. »
PASCAL F O R T H U N Y
Le Gérant : P. Girardot.
PARIS.
IMPRIMERIE PHILIPPE RENOUA RD.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
ment et tour à tour ce qui s’est cristallisé dans la série des styles.
Or, cette façade, elle donne le style de l’heure où nous vivons.
Yoyez-la. Son équilibre de lignes, de lumières et d’ombres satis-
fait la raison, explique plastiquement la forme de la vie contempo-
raine. Il y a là une certitude, un axiome de beauté mathématique-
ment tel qu’on en peut faire le point d’origine d’une esthétique.
Qu’on l’étudie. 11 en résultera une loi première d’où sortiront
d’autres lois, comme le théorème engendre le théorème, à l’infini.
Et, si l’on travaille logiquement sur cette donnée, dans quelques
lustres le xxe siècle français aura son langage architectural. »
Cette façade n’existe pas. Il en est quelques-unes qui font preuve
d’une haute probité, d’un goût pur, de vertus très françaises. Assu-
rément, leurs architectes firent mieux que pressentir la nécessité
de la loi. Us œuvrèrent pour la formuler. On ne peut dire qu’ils
aient intégralement réussi. L’homme de génie n’est pas venu, même
l’homme dont la conscience soit assez épurée. Ceux-là, ravi liantes,
restent cependant les seuls vraiment dignes de leur corporalion,
ceux qui, en persévérant, pourront peut-être un jour, proche ou loin-
tain, convertir le public, leurs confrères, et les corps enseignants,
du devoir pressant qu’il y a à sauver cette architecture française qui,
malgré toutes les qualités spirituelles de la race, s’égare et s’enfonce
dans les deux perfides sentiers de la redite bête et de l’invention
désordonnée, alors que d’autres peuples récrivent scrupuleusement
l’alphabet de leur art, et déjà, dans un idiome nouveau, ont gravé
sur la pierre ces vérités que nous ne savons plus lire.
On pourra nous accuser de pessimisme, et opposer à ce noir
tableau l’émulation qui se manifeste de rue en rue, dans la capitale,
où les chantiers les plus variés, où les façades les plus ingénieuses,
se dressent aujourd’hui plus que jamais. Mais nous n’en resterons
pas moins fidèle à notre conviction et nous dirons devant tous ces
immeubles où le caprice des ornementistes s’évertue : « C’est du
pittoresque inquiétant et du temps perdu. Ce sont des jeux qui,
pour séduisants qu’ils soient, nous attardent loin de l’étude vraie. Il
n’y a là aucune méthode, aucune raison, aucune harmonie. Il n’en
peut résulter aucun style. Il vaudrait mieux ne pas construire.
Cherchez la loi. »
PASCAL F O R T H U N Y
Le Gérant : P. Girardot.
PARIS.
IMPRIMERIE PHILIPPE RENOUA RD.