encadrements architectoniques où pourtant,
proh pudor !. la caricature envahit de
ses satyres passionnées le champ de l’art
dans une église sécularisée, cette période
de près d’un demi siècle, en fait d’œuvres
bâties, n’éleva que quelques tombeaux.
L’art architectural dut se borner aux
constructions décoratives éphémères pro-
voquées par des manifestations politiques.
En 1577, Don Juan, vainqueur de
Lépante, s’était emparé par surprise de
la citadelle de Namur. A cette nouvelle, le
prince d’Orange accourut en toute hâte à
Bruxelles et somma Don Juan de remettre
ses pouvoirs au Conseil d’État. Il fut reçu
avec enthousiasme par le peuple, mais la
noblesse catholique, pour contrecarrer ses
desseins, appela aux Pays-Bas, pour les
gouverner, l’Archiduc Mathias. Le Taciturne
lui rendit hommage et se fit adjoindre au
jeune autrichien en qualité de Ruwaert,
conservant l’autorité de fait et en laissant
les dehors à Mathias.
A la suite de cet arrangement, le 18
Janvier de l’année suivante, Guillaume de
Nassau et Mathias firent, côte à côte, une
entrée triomphale dans la ville de Bruxelles
dont Jean-Baptiste Houwaert, le poète
flamand, nous a conservé une relation avec
gravures qui manque au catalogue Olivier,
mais que nous étudierons sur l’exemplaire
de notre bibliothèque particulière.
L’entrée de l’Archiduc Mathias et du
Prince d’Orange a été imprimée sous ce
titre : « Sommare beschryvinghe van de
» triumphelycke incomst van den door-
» luchtighen ende hoogh ghebore Aerts-
» hertoge Mathias, binnen die Princelijke
» stadt van Bruessele in t’iaer ons heeren
» MDLXVIII den XVIII dach Januarii.
» Midtsgaders die tanneelen, poincten,
» figuren ende spectaculen, die in de
» voorseyde incompste (ter eeren van sijne
» doorluchticheyt) zijn vertoont gheweest,
» met meer ander saken, die doen ter tijt
» gheschiet zyn. Gheinventeert ende ghe-
» componiert deur Jan-Baptiste Houwaert,
» consiellier ende meester van den reke-
» ninghen ons heeren des Coninckx in
» Brabant. T’Antwerpen ghedruct b y
» Christolïel Plantyn, Drucker der C°
» Mateyt in t’iaer MDLXXIX. »
Cette relation est fort rare et notre exem-
plaire contient plusieurs planches qui
manquent ordinairement, et sont d’un
format plus grand que le livre. L’auteur
qui arrange sa préface en acrostiche, date
son épître dédicatoire du lr Mai 1578.
Les gravures de l’école d’Anvers de ce
recueil,sont très curieuses etserapprochent
ansolument de la manière de Pieter Coecke;
il y a même quelque chose de la tournure
de ses tailles et de la naïveté archaïque de
son rendu.Les cartouches, (rabat rollen) ont,
par la gracilité de leurs ornements arabes-
ques, un certain air de parenté avec les en-
tourages des devises d’armes et d’amour de
Paul Jove.
Nous ne savons à quel maître attribuer
ces décorations et ces cartouches, où le
goût italien s’affiche incontestablement.
Peut-être sont-elles l’œuvre de l’architecte
que Houwaert employa en 1560, pour bâtir
sa charmante villa italienne du Donker-
iMolen à laquelle il avait donné le nom de
Kleijn-Venetië.
Chaque neese of tabernakel sur le fronton
duquel était toujours inséré un rabalroi
enrichi d’un quatrain, était occupé par une
ou plusieurs figures mythologiques, allégo-
riques ou personnifiant des qualités abstrai-
tes. Les pièces d’une armure complète
étaient portées par la Providence qui tenait
le casque ou heaume ; la Foi la cuirasse;
la Diligence le hausse-col ou gorgerin;/a Ma-
gnanimité les brassarts, tasseltes et cubitiè-
res; la Constance les cuissarts,genouillières
et pédieux, et, finalement par la Vertu qui
tenait les éperons à mollettes rayonnantes.
Dans quelques-uns de ces Tanneelen on
voyait Junon, Cybèle, Hébé enlacées à la
Volupté; Bellone, Fama ou Renommée et
Pal maris ou Victoire. Les trois vertus
théologales, les quatre vertus cardinales,
la Clémence, la Libéralité, la Concorde, la
Persévérance, la Providence enfin, se
voyaient personnifiées par de jeunes femmes
au costume romain; toutes affectant une
propension marquée pour les nudités de
gorge.
Pierre Coecke, d’après le texte même
du livre de ses arcs de Triomphe cité plus
haut, avait employé cent trente sept per-
sonnages vivants dans ses arcs de triomphe
(Personis in pegmatibus CXXXV11)-, Otto
Vœnius exploite davantage cette ressource
pittoresque qui rendit aussi de grands
services à Vredeman De Vries.
S’il faut s’en rapporter aux gravures de
P. Van der Borcht, Otto Vœnius ne regar-
dait pas à introduire dans ses groupes
allégoriques des femmes au costume som-
maire. En ces circonstances solennelles,
nos pères avaient coutume d’offrir en spec-
tacle à leurs souverains, sous l’un ou l’autre
prétexte mythologique,de belles filles toutes
nues. Jean de Troyes, secrétaire de Louis
XI, nous rapporte qu’à l’entrée de ce mo-
narque à Paris, en 1461 « il fust reçu par
» trois genles pucelîes faisant personnaiges i
» de Syrènes toutes nues et chantant de
» petits motets et bergerettes. » Ces légè-
retés de costume sont plus accentuées
chez le vieux Pierre d’Alost, qui empruntait
ses poincten ou mystères aux divinités
païennes, que chez Vœnius. Ce dernier
aimait à personnifier les abstractions, raffi-
nait délicatement sur les emblèmes et
symboles et se tracassa toute la vie le cer-
veau par la recherche de ces subtilités
originaires d’Italie, où elles avaient pris une
assez grande faveur pour se substituer
même aux armoiries patrimoniales.
Bien que l’entrée de Louis XI ait eu
lieu à la même époque de l’année, nous
avons droit de nous étonner, vu la tempé-
rature habituelle de nos climats au mois de
Janvier, que des personnes vivantes restas-
sent ainsi découvertes en plein air, parfois
sous une pluie battante, comme à l’entrée
de Philippe II, à Anvers, analysée prédé-
demment, et qui eut lieu au mois d’Avril.
Le livre est précédé d’une superbe
planche donnant dans des médaillons en-
tourés d’allégories dans le style de Eloris ou
de Vredeman de Vries, les portraits des
deux héros du jour, Mathias et le Tacitur-
ne. Le cortège traversant la grand’ Place
avec l’Hôtel de ville et la Broocl Uuys pour
fond, figure sur deux planches in f° très
intéressantes.
Nous remarquerons spécialement dans
le recueil de Houwaert, la Porte triomphale,
PL 17, soutenue par deux Thermes ou Ca-
ryatides, mâle et femelle, sous une ordon-
nance archaïque rappelant plutôt le com-
mencement du XVIe siècle que l’époque où
elle fut érigée ; nous en laisserons faire la
description par Houwaert lui-même que
nous traduisons.
« Entre une foule d'ornementations de rues
» remarquables, se distinguait spécialement celle
» de la longue rue de l’Ecuyer : des deux côtés
» s’élevait une ordonnance d’entrecolonnements
» de pilastres enrichis de draps de diverses
» couleurs et de velours disposés en draperies,
» se rattachant à des cartouches dorés aux
» armes des dix-sept provinces, de l’Archiduc et
» du Prince d’Orange rehaussées d’or et d’argent ;
» des guirlandes de feuilles de lierre naturel
» enlaçaient les diverses parties ; ces guirlandes
» étaient appelées festons chez les Romains.
« Quand le prince et sou cortège triomphal
» eurent atteint l’entrée de la petite rue de
» l’Ecuver, ils aperçurent une porte à l'antique,
» décorée de pilastres, bases, chapiteaux, archi-
» traves, corniches et frises, le tout surmonté
» d’un couronnement (fronton) dont le tympan
» étaitorné des armoiries d’Espagne, cantonnées
» à droite de celles de Mathias et à gauche de
» l’écusson de la maison d’Orange. Le tout était
» rehaussé d’or et d’argent, entouré de festons
» de verdure de houx entremêlée de fruits,
» fleurs et lauriers dorés ; cette richesse de
» détails n’empêchait pas cependant d’admirer
» deux caryatides en figures naturelles suppor-
» tant l’entablement. » (t)
(i) « Onder veleandere vercierde straten, soo
proh pudor !. la caricature envahit de
ses satyres passionnées le champ de l’art
dans une église sécularisée, cette période
de près d’un demi siècle, en fait d’œuvres
bâties, n’éleva que quelques tombeaux.
L’art architectural dut se borner aux
constructions décoratives éphémères pro-
voquées par des manifestations politiques.
En 1577, Don Juan, vainqueur de
Lépante, s’était emparé par surprise de
la citadelle de Namur. A cette nouvelle, le
prince d’Orange accourut en toute hâte à
Bruxelles et somma Don Juan de remettre
ses pouvoirs au Conseil d’État. Il fut reçu
avec enthousiasme par le peuple, mais la
noblesse catholique, pour contrecarrer ses
desseins, appela aux Pays-Bas, pour les
gouverner, l’Archiduc Mathias. Le Taciturne
lui rendit hommage et se fit adjoindre au
jeune autrichien en qualité de Ruwaert,
conservant l’autorité de fait et en laissant
les dehors à Mathias.
A la suite de cet arrangement, le 18
Janvier de l’année suivante, Guillaume de
Nassau et Mathias firent, côte à côte, une
entrée triomphale dans la ville de Bruxelles
dont Jean-Baptiste Houwaert, le poète
flamand, nous a conservé une relation avec
gravures qui manque au catalogue Olivier,
mais que nous étudierons sur l’exemplaire
de notre bibliothèque particulière.
L’entrée de l’Archiduc Mathias et du
Prince d’Orange a été imprimée sous ce
titre : « Sommare beschryvinghe van de
» triumphelycke incomst van den door-
» luchtighen ende hoogh ghebore Aerts-
» hertoge Mathias, binnen die Princelijke
» stadt van Bruessele in t’iaer ons heeren
» MDLXVIII den XVIII dach Januarii.
» Midtsgaders die tanneelen, poincten,
» figuren ende spectaculen, die in de
» voorseyde incompste (ter eeren van sijne
» doorluchticheyt) zijn vertoont gheweest,
» met meer ander saken, die doen ter tijt
» gheschiet zyn. Gheinventeert ende ghe-
» componiert deur Jan-Baptiste Houwaert,
» consiellier ende meester van den reke-
» ninghen ons heeren des Coninckx in
» Brabant. T’Antwerpen ghedruct b y
» Christolïel Plantyn, Drucker der C°
» Mateyt in t’iaer MDLXXIX. »
Cette relation est fort rare et notre exem-
plaire contient plusieurs planches qui
manquent ordinairement, et sont d’un
format plus grand que le livre. L’auteur
qui arrange sa préface en acrostiche, date
son épître dédicatoire du lr Mai 1578.
Les gravures de l’école d’Anvers de ce
recueil,sont très curieuses etserapprochent
ansolument de la manière de Pieter Coecke;
il y a même quelque chose de la tournure
de ses tailles et de la naïveté archaïque de
son rendu.Les cartouches, (rabat rollen) ont,
par la gracilité de leurs ornements arabes-
ques, un certain air de parenté avec les en-
tourages des devises d’armes et d’amour de
Paul Jove.
Nous ne savons à quel maître attribuer
ces décorations et ces cartouches, où le
goût italien s’affiche incontestablement.
Peut-être sont-elles l’œuvre de l’architecte
que Houwaert employa en 1560, pour bâtir
sa charmante villa italienne du Donker-
iMolen à laquelle il avait donné le nom de
Kleijn-Venetië.
Chaque neese of tabernakel sur le fronton
duquel était toujours inséré un rabalroi
enrichi d’un quatrain, était occupé par une
ou plusieurs figures mythologiques, allégo-
riques ou personnifiant des qualités abstrai-
tes. Les pièces d’une armure complète
étaient portées par la Providence qui tenait
le casque ou heaume ; la Foi la cuirasse;
la Diligence le hausse-col ou gorgerin;/a Ma-
gnanimité les brassarts, tasseltes et cubitiè-
res; la Constance les cuissarts,genouillières
et pédieux, et, finalement par la Vertu qui
tenait les éperons à mollettes rayonnantes.
Dans quelques-uns de ces Tanneelen on
voyait Junon, Cybèle, Hébé enlacées à la
Volupté; Bellone, Fama ou Renommée et
Pal maris ou Victoire. Les trois vertus
théologales, les quatre vertus cardinales,
la Clémence, la Libéralité, la Concorde, la
Persévérance, la Providence enfin, se
voyaient personnifiées par de jeunes femmes
au costume romain; toutes affectant une
propension marquée pour les nudités de
gorge.
Pierre Coecke, d’après le texte même
du livre de ses arcs de Triomphe cité plus
haut, avait employé cent trente sept per-
sonnages vivants dans ses arcs de triomphe
(Personis in pegmatibus CXXXV11)-, Otto
Vœnius exploite davantage cette ressource
pittoresque qui rendit aussi de grands
services à Vredeman De Vries.
S’il faut s’en rapporter aux gravures de
P. Van der Borcht, Otto Vœnius ne regar-
dait pas à introduire dans ses groupes
allégoriques des femmes au costume som-
maire. En ces circonstances solennelles,
nos pères avaient coutume d’offrir en spec-
tacle à leurs souverains, sous l’un ou l’autre
prétexte mythologique,de belles filles toutes
nues. Jean de Troyes, secrétaire de Louis
XI, nous rapporte qu’à l’entrée de ce mo-
narque à Paris, en 1461 « il fust reçu par
» trois genles pucelîes faisant personnaiges i
» de Syrènes toutes nues et chantant de
» petits motets et bergerettes. » Ces légè-
retés de costume sont plus accentuées
chez le vieux Pierre d’Alost, qui empruntait
ses poincten ou mystères aux divinités
païennes, que chez Vœnius. Ce dernier
aimait à personnifier les abstractions, raffi-
nait délicatement sur les emblèmes et
symboles et se tracassa toute la vie le cer-
veau par la recherche de ces subtilités
originaires d’Italie, où elles avaient pris une
assez grande faveur pour se substituer
même aux armoiries patrimoniales.
Bien que l’entrée de Louis XI ait eu
lieu à la même époque de l’année, nous
avons droit de nous étonner, vu la tempé-
rature habituelle de nos climats au mois de
Janvier, que des personnes vivantes restas-
sent ainsi découvertes en plein air, parfois
sous une pluie battante, comme à l’entrée
de Philippe II, à Anvers, analysée prédé-
demment, et qui eut lieu au mois d’Avril.
Le livre est précédé d’une superbe
planche donnant dans des médaillons en-
tourés d’allégories dans le style de Eloris ou
de Vredeman de Vries, les portraits des
deux héros du jour, Mathias et le Tacitur-
ne. Le cortège traversant la grand’ Place
avec l’Hôtel de ville et la Broocl Uuys pour
fond, figure sur deux planches in f° très
intéressantes.
Nous remarquerons spécialement dans
le recueil de Houwaert, la Porte triomphale,
PL 17, soutenue par deux Thermes ou Ca-
ryatides, mâle et femelle, sous une ordon-
nance archaïque rappelant plutôt le com-
mencement du XVIe siècle que l’époque où
elle fut érigée ; nous en laisserons faire la
description par Houwaert lui-même que
nous traduisons.
« Entre une foule d'ornementations de rues
» remarquables, se distinguait spécialement celle
» de la longue rue de l’Ecuyer : des deux côtés
» s’élevait une ordonnance d’entrecolonnements
» de pilastres enrichis de draps de diverses
» couleurs et de velours disposés en draperies,
» se rattachant à des cartouches dorés aux
» armes des dix-sept provinces, de l’Archiduc et
» du Prince d’Orange rehaussées d’or et d’argent ;
» des guirlandes de feuilles de lierre naturel
» enlaçaient les diverses parties ; ces guirlandes
» étaient appelées festons chez les Romains.
« Quand le prince et sou cortège triomphal
» eurent atteint l’entrée de la petite rue de
» l’Ecuver, ils aperçurent une porte à l'antique,
» décorée de pilastres, bases, chapiteaux, archi-
» traves, corniches et frises, le tout surmonté
» d’un couronnement (fronton) dont le tympan
» étaitorné des armoiries d’Espagne, cantonnées
» à droite de celles de Mathias et à gauche de
» l’écusson de la maison d’Orange. Le tout était
» rehaussé d’or et d’argent, entouré de festons
» de verdure de houx entremêlée de fruits,
» fleurs et lauriers dorés ; cette richesse de
» détails n’empêchait pas cependant d’admirer
» deux caryatides en figures naturelles suppor-
» tant l’entablement. » (t)
(i) « Onder veleandere vercierde straten, soo