Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
— 107 —

dieuse et parfumée. De quelque côté qu’ils
dirigent leurs pas, le même rayonnement les
séduit, la même joie les enivre.

Il y a quelques mois à peine, je vous an-
nonçais la mise au jour des premiers fasci-
cules d’une grande publication d’art ayant
pour titre le Musée du Louvre (i). Vous le
dirai-je? En ce temps de scepticisme j’avais
comme tout le monde mon arrière-pensée,
je cragnais que la politique, les surexcitations
de toute nature qui étouffent chez les hom-
mes de notre génération la vie de l’esprit,
vinssent entraver l’œuvre nouvelle. Eh bien,
grâce à Dieu, M. Félix Hermet ne s’est pas
laissé détourner de son sillon. Il abandonne
à d’autres les cruels soucis des débats par-
lementaires ; il est sourd au tapage des jour-
naux, insensible à l’amorce des candidatures,
muet et réfléchi devant cette foule qui s’en
va sans liberté, sans repos, sans contente-
ment, — comme la paille sechée court sous
le vent — vers les illusions du mirage et les
catastrophes de l’abyme. Il avait promis de
nous rendre l’ancien- Louvre dans ses plus
belles œuvres et voilà que quinze livraisons
comprenant ensemble soixante-quinze gra-
vures du plus rare mérite ont paru. C’est
presque le cinquième de la publication to-
tale, et les presses de M. Hermet ne cessent
pas de multiplier les estampes de choix. En
homme plein de goût, le continuateur de
Pierre et d’Henri Laurent fait marcher de
front toutes les écoles sans excepter la sculp-
ture antique. Dirons-nous ce qui est déjà
publié des écoles d’Italie? Raphaël «cette
homme divin » comme l’appelait Ingres, tient
la première place avec la Sainte Famille dite
de François FL la Vierge à la Chaise, la
Belle Jardinière, la Vierge au Donataire,
VEnfant Jésus caressant Saint Jean, les por-
traits de Léon X et de Jeanne d'Aragon, la
Vision d'Ezéchiel et VArchange Saint Michel
terrassant le dragon. Léonard de Vinci vient
ensuite, il est représenté par la Joconde
Sainte Anne, la Vierge et VEnfant Jésus.
Puis, c’est le tour de Salvator Rosa avec la
Pytlionisse d'Eiulor; de Titien avec le Cou-
ronnement d'épines; de Jules Romain avec le
Triomphe de Titus et de Vespasien, de Fra
Bartolomeo avec son tableau célèbre le Sau-
veur du monde.

Les maîtres hollandais dont les planches
sont en partie publiées, s’appellent' Metzu,
Terburg, Gérard Dow, Van der Helst, Rem-
brandt, Wynants, Zustris et A. Van Ostade.

A l’école Flamande, M. Hermet a demandé
la Kermesse, la descente de Croix et la Famille
de Rubens par ce maître original et puissant.
Trois fumeurs, un Portrait, et le Joueur de
Cornemuse de David Teniers, le Roi boit de
Jordaens, Une Pieta de Van Dyck, Hercule
entre la Volupté et la Vertu de Gaspard de
Crayer, un Intérieur hollandais de Gonzalès
Coques, une Chasse aux canards est un pay-
sage de Paul Bril, une Vue intérieure d'une
Eglise de Peter Néefs complètent les œuvres
que l’éditeur du musée du Louvre a popula-
risées jusqu’à ce jour.

Nicolas Poussin, Van Loo, madame Vigée
Le Brun, Claude Lorrain, Joseph Vernet,
La Hire, Santerre, Lesueur, Michalon, Sé-
bastien Bourdon, Simon Vouet, Patel père,
rappellent l’école française.

Et comme complément de ces œuvres ex-
quises venues au jour pendant les derniers
siècles, voici les marbres immortels qui ont

(1) 7 passage Dauphine, à Paris.

traversé les âges, symboles magnifiques de
l’éternité du génie : Laocoon,Diane de Gabies,
un Centaure, le Tibre, Vénus accroupie, une
Adorante, une Muse, Vénus au bain, Vénus
de Milo, Minerve, l'Espérance, Euterpe, Né-
mésis, un Faune et Apollon Sauroctone. Ils
revivent sous le burin, ces marbres élégants,
je les vois, se succédant devant mon regard
et la magie de ce cortège enchanteur re-
porte ma pensée vers les Panathénées....

On raconte que les sculpteurs d’Athènes
étaient dans l’obligation de placer sous les
yeux de leurs élèves cette œuvre sans la-
cunes qu’on appela le Canon de Polyclète.
M. Hermet fait plus pour nous que les sculp-
teurs de la capitale de la Grèce pour leurs
disciples, car de son plein gré, à ses risques,
cet homme courageux qui a foi dans la puis-
sance du beau, fait apparaître dans une vi-
sion magique, non pas une figure d’argile,
mais cinq cents œuvres constituant un tré-
sor d’art. Et ce sont les temps modernes et
les temps antiques qui ont ensemble formé
ce trésor, depuis que le Canon de Polyclète
a permis de raconter sur la toile et dans le
marbre les sublimes harmonies d’un corps
d’homme vêtu d’idéalité. Henry Jouin.

« Ils passent peu â peu, ces poètes inspirés, et
laissent à leur place des discoureurs mesquins qui,
voulant faire de notre monde une ruche égalitaire,
cherchent à supprimer l’imprévu et le mouvement,
et, en somme, arrivent à glacer toutes les passions,
sauf celle de l’intérêt particulier, qui guide seul
ces philantropes improvisés. Ce n’est pas cela qu’il
faut aux artistes, aux cœurs ardents, aux amoureux,
aux têtes folles si vous voulez, ce n’est pas le monde
tel qu’il est qu’il faut qu’on leur démontre et qu’on
leur célèbre ; c’est le monde tel qu’il devrait être,
qu’il faut que les poètes nous chantent, et s’ils
nous font vivre ainsi dans une idée impossible à
atteindre, nous aurons toujours au moins un instant
l’illusion, le plus grand charme de la vie, et la foi,
la plus grande espérance de la mort. »

Charles Garnier.

Êln'onique générale.

— L’exposition artistique ouverte en ce moment
à l’école de Molenbeek est pleine d’enseignements
pour les personnes qui s’intéressent à l’amélioration
des classes ouvrières. Nous conseillons à nos pro-
gressistes à tous crins de la visiter, ils y verront ce
que le progrès sagement entendu et pratiqué peut
faire pour l’instruction et l’éducation des “nouvelles
couches sociales. « Car on se trouve ici devant les
œuvres d’enfants du peuple, d’ouvriers, dont l’intel-
ligence inculte se développe et dont le goût grossier
s’épure avec une rapidité surprenante. On suit pas à
pas cette marche en avant ; et, si l’on prend des ren-
seignements sur le passé de l’école, on a le plaisir de
constater qu’elle n’a cessé de prospérer depuis sou
origine et que la moralisation des élèves va de pair
avec leurs études, très sérieusement dirigées.

Un coup d’œil rétrospectif : des cours du soir
pour l’enseignement gratuit des arts du dessin et
leur application à l’industrie ont été fondés en 1865
par l’administration communale de Molenbeek
Saint-Jean. La direction de ces cours populaires a
été confiée à l'un de nos peintres les plus estimés,
M. Stroobant, qui pour atteindre un but utilitaire
n’a épargné ni le temps ni la peine, mais qui trouve
dans le succès la récompense de ses efforts. L’école
de Molenbeek est maintenant une sorte d’académie,
fréquentée par trois cent vingt-cinq élèves ; le local
devient insuffisant. On y apprend le dessin, la pein-
ture, le modelage, la sculpture sur bois, l’architec-
ture. Au bout de quelques années, tel ouvrier
vulgaire, qui gagnait tout juste assez pour ne pas
mourir, y passe au rang d’artiste ; et nous en pour-
rions citer qui gagnent actuellement quatre mille
francs par année. On comprend après cela que le

directeur de l’école de dessin ait acquis une véritable
popularité dans la commune.

L’enseignement est progressif, méthodique, ex-
clusivement basé sur l’étude de l’antique et de la
nature. Dans les classes élémentaires, le commen-
çant dessine, au trait, sur un tableau noir ; il passe
ensuite au dessin d’après le relief et la ronde bosse.
C’est, comme on dit vulgairement, attaquer le
taureau par les cornes; mais cette méthode a l’avan-
tage d’éviter la routine qui consiste à copier des
estampes et de faire gagner du temps. L’élève
travaille donc alternatiment d’après des plâtres et
d’après nature.

Des leçons d’anatomie et de myologie complètent
l’instruction. Il y a de curieux dessins où les jeunes
gens ont retrouvé sous les belles lignes de la statue
et reproduit, d’après le plâtre, le Britannicus à
l’état d’écorché.

Pour l’architecture, on finit par l’étude des diffé-
rents styles : la Renaissance allemande par exemple,
et surtout la Renaissance flamande, qui a produit
de si belles choses, qui répond à notre génie national
et qui fournit aujourd’hui d’excellents modèles.

L’exposition de l’école de Molenbeek est consi-
dérable. Lecours moyen, qui était le cours supérieur
en 1868, lors de l’exposition faite à la gare du Midi,
montre de beaux spécimens de feuillages dessinés
d’après le relief.

La perspective s’apprend de la même façon. Nous
avons vu des figures géométriques reproduites avec
une exactitude remarquable, des têtes et des orne-
ments d’après l’antique, des dessins décoratifs faits
d’après des plantes naturelles.

La partie scientifique de la perspective va jusqu’à
la géométrie descriptive ; les élèves ont donne la
protection d’une niche sphérique avec le développe-
ment de la clef.

Les études professionnelles ne donnent pas de
moins bons résultats. Un prix spécial a été décerné
par le jury à un ouvrier menuisier, du nom de Court,
pour le dessin d’une crédence du style Renaissance
et pour un fort beau projet de porte monumentale
de ville, avec dépendances.

Le cours supérieur d’architecture classique com-
prend l’étude des ordres grecs d’après le relief. Le
premier prix a été attribué à M. Vanden Stock pour
une restauration du temple de Janus, qui porte
réellement la marque du style de l’époque.

Signalons encore des compositions, style renais-
sance flamande, et quatre reproductions, également
bonnes, d’un rinceau antique. En les voyant, on se
demande comment lè jury a pu s’y prendre pour
classer les concurrents.

L’exposition des cours supérieurs de dessin aca-
démique et de peinture a surtout un cachet artisti-
que. On y voit des, dessins très corrects et des
tableaux décoratifs qui ne dépareraient point nos
grandes expositions annuelles. Nous avons remarqué
plusieurs reproductions de grandeur naturelle du
torse de l'Hercule Famêse, de le figure du Cla-
queur et d’autres statues grecques.

Le premier prix de peinture décorative est
M. Driessens, auteur d’un panneau représentant une
tête de sanglier. Le prix d’excellence est M. Bulens,
qui a fait un tableau pastoral : une nature morte,
un pot de grès et une assiette flamande, arrangés
avec goût sur un fond d’épis et de marguerites
mêlés aux attributs de la moisson, la faux, le fléau
et la faucille. Ces élèves-là ont un tempérament
d’artiste; ils se distinguent par la facture et le
coloris.

N’oublions pas les sculpteurs sur bois et les
modeleurs. Parmi beaucoup de choses remarqua-
bles, un panneau décoratif d’après un sujet de na-
ture morte et un projet de fontaine attirent surtout
l’attention. Un habitant de Boort-Lombeeck, nommé
Van Lierde, a mérité le prix pour ces compositions,
dans la classe de modelage : la fontaine repose sur
un dauphin : elle est surmontée d’un cygne qui, le
col recourbé, les ailes étendues, menace une cou-
leuvre qui se dresse devant lui. Le motif en est
heureux.

Toutes ces œuvres sont faites d’après nature.

{Echo de B.).

■— Le 4 juillet, dans une réunion des membres
du Kunstgenootschap et de ceux de VAssociation
 
Annotationen