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88 DISSERTATION

grandes compositions que la peinture antique a traitées, surtout en fait de batailles. A en croire
les notices de Pline, la peinture aurait, chez les Grecs, réalisé, en ce genre, des entreprises de
la plus vaste étendue : témoin la bataille contre les Perses, du peintre Aristide de Thèbes, où
l'on comptait jusqu'à cent personnages (i).

Rien, on doit le dire, n'est plus difficile pour le peintre que l'obligation d'exprimer, dans l'es-
pace borné d'un tableau proprement dit, ou autrement dans un espace soumis à l'unité physique
d'un point de vue, et à l'unité d'action, les scènes variées d'un conflit entre deux armées, c'est-
à-dire deux multitudes. L'art doit consister alors dans le choix d'un petit nombre d'incidents, de
traits ou d'actes significatifs sur les plans antérieurs de la scène. Là seulement, et de cette
seule manière, peut être rendu clair aux yeux et intelligible à l'esprit, par un petit nombre de
faits caractéristiques, le résultat d'une vaste scène, dont la seule multiplicité d'acteurs ferait
une foule, au milieu de laquelle le spectateur ne saurait reconnaître ni le moteur, ni le résultat
de l'action qu'on lui voudrait représenter.

Ici donc, c'est-à-dire dans le sujet de sa grande composition, le peintre, d'après les bornes
affectées à la nature de son art, a dû chercher à en restreindre l'image dans un petit nombre
de circonstances les plus propres à l'expliquer aux yeux. Il nous paraît l'avoir fait avec autant
de justesse que de clarté par les traits qui, sur les premiers plans, en résument l'ensemble.

Effectivement, le sujet se divise d'abord, avec la plus grande clarté pour les yeux et l'esprit,
en deux principales parties, et d'une dimension égale.

L'une est celle de l'armée grecque, dont le général, suivi de nombreux combattants, vient
de percer de sa lance et de renverser avec son cheval le chef présumé de l'armée barbare.

L'autre partie, ou celle de l'armée asiatique, se fait clairement distinguer, outre la différence
de costume, par le personnage principal porté dans le char dont le conducteur pousse hors du
champ de bataille, et dans un mouvement évidemment de fuite ou de retraite, les quatre che-
vaux qui y sont attelés. Le même mouvement est encore rendu visible par l'action et l'expres-
sion de ce cavalier qu'on voit à pied, sur le premier plan, s'efforcer de faire retourner son
cheval, vu par derrière et en raccourci.

Telles sont les principales masses de cette composition, à laquelle manquent toutefois les dé-
tails que le temps a détruits du côté gauche, qui est celui de l'armée grecque, et dont il ne reste
que des indications de fragments, qu'il ne serait pas très-difficile de restaurer, en complétant la
composition.

Pour en juger, avec le discernement convenable, l'ensemble et les détails, il y a donc deux
observations à faire et qu'il ne faut pas perdre de vue : l'une, que ce n'est qu'une répétition,
probablement réduite et modifiée d'après une copie (modifiée peut-être elle-même) d'un tableau
très-probablement original; l'autre que le nouvel emploi, auquel le travail du mosaïquiste dut
l'affecter, put exiger des concessions, surtout clans la dimension de la scène générale, comme
dans la proportion des personnages, pour s'assortir aux mesures d'un local donné.

Nous ne prétendons pas que jamais peintre n'aurait produit une composition originale pour
être transformée ou copiée en mosaïque. Cependant, lorsqu'on sait (par Pline) à quelle époque
l'usage des pavements en mosaïque fut introduit en Italie, lorsqu'on pense que ce genre de
travail dut s'exercer uniquement sur des espaces soumis à des mesures prescrites par la diversité
des locaux et des habitations, on est tenu de reconnaître que de véritables originaux, surtout en
grand, et ouvrages des plus célèbres peintres de la Grèce, n'auraient pu être employés à ce genre
de copie, que d'après d'autres copies, déjà subordonnées à de nouvelles exigences.

(i) Prœlium cum Persis centum homines in tabula complexus. Pline, 1. 35, p. i38.
 
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