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https://doi.org/10.11588/diglit.25065#0050
?)
J)
3o L’O B E L I S Q^U E du VATICAN.
Pour P animer à cette entreprise, le meme Pontife, à ce que nous dit Kircher (in Oedipi Tm. III.
pag. 371.) lui tint à peu-près ce discours. „ Ce que les Rois d’Egypte & les Empereurs Romains ont
„ pû executer autrefois, ne doit pas être regardé comme impossible dans un Siecle, qui n’est pas moins
„ fertile en grands Génies que les précédons. Mais si quelcun s’imagine qu’il en coûterait trop, je veux
„ bien lui dire que nous avons allez de moiens, non seulement pour l’execution d’une entreprise de
cette nature, mais de plus grandes encore, pourvu que le zélé & les éforts de nos Sujets 11e nous man-
quent pas. Ainsi, Dominique Fontana , vous, dont l’habileté nous est déjà connue par divers Ou-
„ vrages, je vous exhorte à vous apliquer serieusement à celui-ci, sins vous mettre en peine de la dé-
„ penle: li un Million d’Ecus d’Or ne lufit pas, j’y en destinerai deux? & même au-delà, s’il est né-
„ cessaire, pourvu que nos ordres soient executez.
Il ne faut pas croire non plus, que ce soit une entreprise de peu d’importance, & indigne de tant de
soins; puis que les Egyptiens n’étoient pas les seuls qui listent grand cas de l’érection des Obelisques. La
Reine Semiramis, à ce queDiodore de Sicile nous aprend , ( Lib. IL cap. 11.) fut la première qui en
érigea. Semiramis, dit-il, fit tailler fur les Montagnes d' Arménie un Rocher, qui avoit 13 5 piez de long,
& 25 de large. Il fut traîné par quantité d? Anes & de Bœufs atelezjufiques a la Riviere, ou il fut mis fur
un Vai fie au, & conduit, a la faveur du courant, jufques à Bahylone, ou la Reine P érigea tout-auprès d'un
beau chemin > pour être admiré des pafsans. On Pape lie un Ohelisque a eau fie de fia figure.
D’ailleurs, asin que cet Architecte ne manquât d’aucun secours,& qu’il vint plutôt à bout de son En-
treprise , le Pape le munît d’une Patente fort ample ; avec plein pouvoir de le servir de tout ce qui
pourrait lui être utile, quelque part qu’il se trouvât, même malgré les Maîtres, après leur en avoir paié
la valeur, au jugement d’Experts choisis de l’un & de l’autre côté j & d’abatre, s’il étoit nécestàire, les
Maisons voisines de l’Obelilque, après avoir convenu du prix avec les Proprietaires. Afin même qu’on
eut plus de.resped pour lui & ses gens, le Pape ordonna qu’ils iraient toujours armez par la Ville.
Fontana, persuadé qu’il lui importoit de savoir au juste le poids de l’Obelisque, fit taire, avec beau-
coup de soin & d’exactitude, un Palme quarré, en forme de Cube, d’une pierre semblable , & il
trouva que ce Cube pesoit 86 livres. Il reduisit ensuite la hauteur de cette lourde Mastè au nombre
de 11203-- Palmes cubiques, de cette maniéré il vint à connoitre qu’elle pesoit exactement
96353 7 IP livres.
Après avoir connu le poids de l’Obelisque, il fit construire toutes ses Machines sur ce pié-là , & il
éleva une Tour de 12 3 Palmes de haut, c’est-à-dire , 1 o Palmes plus haute que l’Obelisque même,
afin que par le moien de 40 Vindas, où il y avoit des Cables attachez , & que des Hommes & des
Chevaux fàisoient tourner, il pût suspendre l’Obelisque en l’air.
Le bruit de cette Entreprise attira une foule presqu’innombrable de Spectateurs à Rome, non seule-
ment de toute l’Italie, mais aussi des Pais voisins. De sorte que , pour prévenir le desordre qui pou-
voit naitre d’une si grande assuence de gens, le Pape publia une Ordonnance, par laquelle il défendit
à tout le monde, excepté aux seuls Ouvriers, de franchir, le jour destiné à l’érection de l’Obelisque,
la Balustrade qu’on avoit plantée tout autour, & cela sous peine de mort. D’ailleurs, il menaça de
punir sevérement tous ceux qui crieraient, ou qui feraient quelque bruit , capable d’empêcher les
Ouvriers d’entendre les ordres de P Architecte. Afin même que l’execution suivit de près les mena-
ces , le Capitaine du Guêt, que les Italiens apellent Barigello, y parut accompagné de ses Archers,
& le Bourreau se tint au pié de la Potence , qu’on y avoit drestëe. Ainsi la nouveauté du Spectacle
d’un côté, & la crainte des peines de l’autre, firent, que tout le monde eut les yeux uniquement atta-
chez sur l’ouvrage, & qu’au milieu d’un si grand concours de peuple, on garda un profond silence.
Outre la severité de ces Loix, dontpersonne ne devoit être exemt, lors que Fontana, sur le point
d’aller mettre la main à l’œuvre, prit congé du Pape, & qu’il lui demanda la bénédiction, le Pontife
lui parla en ces termes : Prenez bien garde à ce que vous allez faire ; car s'il vous arrive quelque malheur,
votre tête m'en répondra. Sixte craignoit sins doute que, si l’Obelisque venoit à se rompre par la faute
de l’Architecte, il ne perdit son autorité auprès du Peuple , & qu’on ne le blâmât d’avoir confié un
Ouvrage de cette importance, à un Homme peu habile dans cette sorte d’entreprises. Il faut avouer,
que celui qui, sans avoir égard aux autres Architectes, dont quelques uns pouvoient être plus experts
que lui-même, osoit bien fe charger de l’execution d’un Projet austi difficile , méritoit un rude châ-
timent? s’il venoit à manquer son coup. Mais le Pontife, balancé entre la bienveillance qu’il avoit
pour
J)
3o L’O B E L I S Q^U E du VATICAN.
Pour P animer à cette entreprise, le meme Pontife, à ce que nous dit Kircher (in Oedipi Tm. III.
pag. 371.) lui tint à peu-près ce discours. „ Ce que les Rois d’Egypte & les Empereurs Romains ont
„ pû executer autrefois, ne doit pas être regardé comme impossible dans un Siecle, qui n’est pas moins
„ fertile en grands Génies que les précédons. Mais si quelcun s’imagine qu’il en coûterait trop, je veux
„ bien lui dire que nous avons allez de moiens, non seulement pour l’execution d’une entreprise de
cette nature, mais de plus grandes encore, pourvu que le zélé & les éforts de nos Sujets 11e nous man-
quent pas. Ainsi, Dominique Fontana , vous, dont l’habileté nous est déjà connue par divers Ou-
„ vrages, je vous exhorte à vous apliquer serieusement à celui-ci, sins vous mettre en peine de la dé-
„ penle: li un Million d’Ecus d’Or ne lufit pas, j’y en destinerai deux? & même au-delà, s’il est né-
„ cessaire, pourvu que nos ordres soient executez.
Il ne faut pas croire non plus, que ce soit une entreprise de peu d’importance, & indigne de tant de
soins; puis que les Egyptiens n’étoient pas les seuls qui listent grand cas de l’érection des Obelisques. La
Reine Semiramis, à ce queDiodore de Sicile nous aprend , ( Lib. IL cap. 11.) fut la première qui en
érigea. Semiramis, dit-il, fit tailler fur les Montagnes d' Arménie un Rocher, qui avoit 13 5 piez de long,
& 25 de large. Il fut traîné par quantité d? Anes & de Bœufs atelezjufiques a la Riviere, ou il fut mis fur
un Vai fie au, & conduit, a la faveur du courant, jufques à Bahylone, ou la Reine P érigea tout-auprès d'un
beau chemin > pour être admiré des pafsans. On Pape lie un Ohelisque a eau fie de fia figure.
D’ailleurs, asin que cet Architecte ne manquât d’aucun secours,& qu’il vint plutôt à bout de son En-
treprise , le Pape le munît d’une Patente fort ample ; avec plein pouvoir de le servir de tout ce qui
pourrait lui être utile, quelque part qu’il se trouvât, même malgré les Maîtres, après leur en avoir paié
la valeur, au jugement d’Experts choisis de l’un & de l’autre côté j & d’abatre, s’il étoit nécestàire, les
Maisons voisines de l’Obelilque, après avoir convenu du prix avec les Proprietaires. Afin même qu’on
eut plus de.resped pour lui & ses gens, le Pape ordonna qu’ils iraient toujours armez par la Ville.
Fontana, persuadé qu’il lui importoit de savoir au juste le poids de l’Obelisque, fit taire, avec beau-
coup de soin & d’exactitude, un Palme quarré, en forme de Cube, d’une pierre semblable , & il
trouva que ce Cube pesoit 86 livres. Il reduisit ensuite la hauteur de cette lourde Mastè au nombre
de 11203-- Palmes cubiques, de cette maniéré il vint à connoitre qu’elle pesoit exactement
96353 7 IP livres.
Après avoir connu le poids de l’Obelisque, il fit construire toutes ses Machines sur ce pié-là , & il
éleva une Tour de 12 3 Palmes de haut, c’est-à-dire , 1 o Palmes plus haute que l’Obelisque même,
afin que par le moien de 40 Vindas, où il y avoit des Cables attachez , & que des Hommes & des
Chevaux fàisoient tourner, il pût suspendre l’Obelisque en l’air.
Le bruit de cette Entreprise attira une foule presqu’innombrable de Spectateurs à Rome, non seule-
ment de toute l’Italie, mais aussi des Pais voisins. De sorte que , pour prévenir le desordre qui pou-
voit naitre d’une si grande assuence de gens, le Pape publia une Ordonnance, par laquelle il défendit
à tout le monde, excepté aux seuls Ouvriers, de franchir, le jour destiné à l’érection de l’Obelisque,
la Balustrade qu’on avoit plantée tout autour, & cela sous peine de mort. D’ailleurs, il menaça de
punir sevérement tous ceux qui crieraient, ou qui feraient quelque bruit , capable d’empêcher les
Ouvriers d’entendre les ordres de P Architecte. Afin même que l’execution suivit de près les mena-
ces , le Capitaine du Guêt, que les Italiens apellent Barigello, y parut accompagné de ses Archers,
& le Bourreau se tint au pié de la Potence , qu’on y avoit drestëe. Ainsi la nouveauté du Spectacle
d’un côté, & la crainte des peines de l’autre, firent, que tout le monde eut les yeux uniquement atta-
chez sur l’ouvrage, & qu’au milieu d’un si grand concours de peuple, on garda un profond silence.
Outre la severité de ces Loix, dontpersonne ne devoit être exemt, lors que Fontana, sur le point
d’aller mettre la main à l’œuvre, prit congé du Pape, & qu’il lui demanda la bénédiction, le Pontife
lui parla en ces termes : Prenez bien garde à ce que vous allez faire ; car s'il vous arrive quelque malheur,
votre tête m'en répondra. Sixte craignoit sins doute que, si l’Obelisque venoit à se rompre par la faute
de l’Architecte, il ne perdit son autorité auprès du Peuple , & qu’on ne le blâmât d’avoir confié un
Ouvrage de cette importance, à un Homme peu habile dans cette sorte d’entreprises. Il faut avouer,
que celui qui, sans avoir égard aux autres Architectes, dont quelques uns pouvoient être plus experts
que lui-même, osoit bien fe charger de l’execution d’un Projet austi difficile , méritoit un rude châ-
timent? s’il venoit à manquer son coup. Mais le Pontife, balancé entre la bienveillance qu’il avoit
pour