292 LIVRE [, PARTIE I, SECTION IV, CHAPITRE III.
Tous les peuples des pays chauds ont senti le besoin d'avoir au sommet de leurs maisons
des toits plats, où il fût possible de venir à certaines heures respirer à découvert un air
plus tempéré. Ces toits étaient un des traits de l'architecture romaine, comme on l'a vu
à Pompéi; aujourd'hui encore, en Italie et généralement dans le midi de l'Europe, chaque
maison se termine par un semblable couronnement. A plus forte raison en est-il ainsi
dans les régions du Tigre et de l'Euphrate, brûlées en été par une chaleur dont la vio-
lence lait de la terrasse une chose de première nécessité. Durant une moitié de l'année, le
séjour des appartements intérieurs devient intolérable, et il serait difficile à la population
de goûter un instant de sommeil si, pour la nuit, elle n'avait pas la ressource de trans-
porter ses lits sur les toitures. Aussi 1 usage des terrasses est-il universel en Orient; il
se justifie d'autant mieux dans les provinces des bords du Tigre, que la sécheresse persis-
tante de l'atmosphère ne laisse à cet usage aucun des inconvénients qu'il peut avoir ailleurs.
Les voyageurs ont constaté en effet qu'en d'autres pays, également brûlés par le soleil,
les rosées de la nuit occasionnent des maladies fréquentes, et notamment des ophthalmies,
chez les personnes qui dorment en plein air. Mais, pendant près de six mois, dans toute
liUsyrie, ni rosée, ni pluie ne tombent jamais, et les toits plats y ont tous leurs avan-
tages, sans exposer la santé des habitants au moindre danger.
Ajoutons, pour Mossoul en particulier, un détail local qui ne laisse pas d'avoir son
intérêt. Les scorpions et même les serpents y pullulent; ces animaux se réfugient, au
moment du froid humide de l'hiver, dans les crevasses des murs, et, quand viennent les
chaleurs de l'été, ils se montrent de tous les cotés. Le jour, d est assez facile de se dé-
fendre de leurs morsures, tandis que la nuit on est à la merci de ces hôtes dangereux,
surtout dans les chambres et les parties basses des habitations. Les terrasses présentent
encore le moyen le plus sûr de les éviter, car il est rare de voir les insectes et les rep-
tiles monter jusque-là, et d'ailleurs, avant d'y installer les lits, on ne manque pas de
visiter le plancher avec un soin méticuleux.
Tous ces motifs réunis expliquent comment les terrasses sont chaque nuit le rendez-
vous général de la population. Là se font les visites, là se prend le repas du soir, là aussi
l'on peut jouir d'un peu de sommeil pendant les quelques heures de relâche que laisse ce
climat dévorant. Et le matin, rien de plus curieux que de voir toute une ville qui s'éveille
aux premières lueurs de l'aube, et qui, après avoir salué le retour du jour par la prière
appelée prière de ïaurore, s'empresse de fuir en emportant nattes, matelas et tapis.
Au temps de Ninive, la température nétait ni moins chaude, ni moins sèche, les scor-
pions et les serpents n'étaient pas moins à craindre, et les Assyriens, ayant été les premiers
à souffrir de ces inconvénients, ont été aussi les premiers à savoir les combattre. Pour eux
comme pour les modernes, l'usage des terrasses était l'expédient le plus efficace, et nous
avons eu trop de preuves de leur esprit pratique pour hésiter à croire qu'ils aient employé
ce mode de toiture. Il est du reste tellement indiqué par les circonstances locales que
plusieurs personnes en sont venues à voir dans la longue rampe de l'Observatoire un lieu
Tous les peuples des pays chauds ont senti le besoin d'avoir au sommet de leurs maisons
des toits plats, où il fût possible de venir à certaines heures respirer à découvert un air
plus tempéré. Ces toits étaient un des traits de l'architecture romaine, comme on l'a vu
à Pompéi; aujourd'hui encore, en Italie et généralement dans le midi de l'Europe, chaque
maison se termine par un semblable couronnement. A plus forte raison en est-il ainsi
dans les régions du Tigre et de l'Euphrate, brûlées en été par une chaleur dont la vio-
lence lait de la terrasse une chose de première nécessité. Durant une moitié de l'année, le
séjour des appartements intérieurs devient intolérable, et il serait difficile à la population
de goûter un instant de sommeil si, pour la nuit, elle n'avait pas la ressource de trans-
porter ses lits sur les toitures. Aussi 1 usage des terrasses est-il universel en Orient; il
se justifie d'autant mieux dans les provinces des bords du Tigre, que la sécheresse persis-
tante de l'atmosphère ne laisse à cet usage aucun des inconvénients qu'il peut avoir ailleurs.
Les voyageurs ont constaté en effet qu'en d'autres pays, également brûlés par le soleil,
les rosées de la nuit occasionnent des maladies fréquentes, et notamment des ophthalmies,
chez les personnes qui dorment en plein air. Mais, pendant près de six mois, dans toute
liUsyrie, ni rosée, ni pluie ne tombent jamais, et les toits plats y ont tous leurs avan-
tages, sans exposer la santé des habitants au moindre danger.
Ajoutons, pour Mossoul en particulier, un détail local qui ne laisse pas d'avoir son
intérêt. Les scorpions et même les serpents y pullulent; ces animaux se réfugient, au
moment du froid humide de l'hiver, dans les crevasses des murs, et, quand viennent les
chaleurs de l'été, ils se montrent de tous les cotés. Le jour, d est assez facile de se dé-
fendre de leurs morsures, tandis que la nuit on est à la merci de ces hôtes dangereux,
surtout dans les chambres et les parties basses des habitations. Les terrasses présentent
encore le moyen le plus sûr de les éviter, car il est rare de voir les insectes et les rep-
tiles monter jusque-là, et d'ailleurs, avant d'y installer les lits, on ne manque pas de
visiter le plancher avec un soin méticuleux.
Tous ces motifs réunis expliquent comment les terrasses sont chaque nuit le rendez-
vous général de la population. Là se font les visites, là se prend le repas du soir, là aussi
l'on peut jouir d'un peu de sommeil pendant les quelques heures de relâche que laisse ce
climat dévorant. Et le matin, rien de plus curieux que de voir toute une ville qui s'éveille
aux premières lueurs de l'aube, et qui, après avoir salué le retour du jour par la prière
appelée prière de ïaurore, s'empresse de fuir en emportant nattes, matelas et tapis.
Au temps de Ninive, la température nétait ni moins chaude, ni moins sèche, les scor-
pions et les serpents n'étaient pas moins à craindre, et les Assyriens, ayant été les premiers
à souffrir de ces inconvénients, ont été aussi les premiers à savoir les combattre. Pour eux
comme pour les modernes, l'usage des terrasses était l'expédient le plus efficace, et nous
avons eu trop de preuves de leur esprit pratique pour hésiter à croire qu'ils aient employé
ce mode de toiture. Il est du reste tellement indiqué par les circonstances locales que
plusieurs personnes en sont venues à voir dans la longue rampe de l'Observatoire un lieu