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Revue égyptologique — 8.1898

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Nr. 2-4
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Revillout, Eugène: Le Moyen Âge de l'Égypte pharaonique dans l'art et dans les mœurs
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https://doi.org/10.11588/diglit.11580#0112

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104

Eugène Kevillout.

Disons-le d'ailleurs, le niveau moral était profondément abaissé à cette époque. Je me
proposais de vous en donner aujourd'hui des multitudes de preuves. Mais le temps me manque
et je dirai seulement quelques mots.

On se rappelle sans doute la peinture effroyable que les contemporains nous font de
l'Europe du temps de la peste noire ou du temps de S' Vincent Ferrier. Les couvents mêmes,
si florissants sous S* Louis, étaient alors bien déchus, — disons le mot, bien corrompus.
Quant aux pays chrétiens, on ne les reconnaissait plus. La Bretagne, ce que nous nommons
la pieuse Bretagne, ignorait presque jusqu'au nom de Dieu quand S4 Vincent Ferrier y entre-
prit sa mission. Il n'était personne qui y sut une prière et les mœurs étaient celles des
brutes.

Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il en était tout à fait ainsi en Egypte sous les derniers
Ramessides. Mais quelle différence entre cette époque et celle qui précéda! Combien beau
est le tableau que nous font de la société de leur temps les stèles de la XIIe, de la XVIIe
et même de la XVIIIe dynasties! Combien triste le tableau que nous font de la société de
leur temps les papyrus de la XXe! D'une part, c'est la plus haute conception de la morale,
de la charité et du droit ou plutôt du droit et de la morale basés sur la charité et le respect
du pauvre, du faible, tout spécialement de la femme. D'une autre part, c'est le mépris le
plus profond de la femme, du faible, du pauvre, de la charité, de la morale et du droit.

Messieurs, je ne veux pas vous recommencer ici une histoire philosophique, sociale et
juridique que j'ai longuement tracée toutes les années dernières depuis la fondation même
de cette école, tant dans mes leçons d'ouverture que dans mes leçons du samedi. Qu'il me
suffise de vous dire que tout ce que je me suis plu à vous décrire se réfère à l'époque
antique et à la moderne, mais non point au moyen âge égyptien — surtout à cette période
sombre que nous révèlent les procès hiératiques inédits que je viens de vous traduire. Et
qu'on ne croie pas que je veuille seulement flétrir les coupables. Certes, à aucune époque
il ne faut chercher à décerner le prix Montyon aux assidus de cour d'assises. Non! ce sont
les juges eux-mêmes qui semblent avoir oublié les axiomes du droit égyptien. C'est l'autorité
royale qui, encore sous Horembi comme sous Thoutmès, etc. rappelait les hauts principes et
qui maintenant se fait la complice des plus cruels abus. Aussi ne faut-il pas nous étonner
si le sentiment public aspirait à une révolution et si les suprêmes pontifes d'Amon en pro-
fitèrent pour s'emparer de la couronne. Mais hélas! si la révolution politique était mûre, la
révolution sociale ne l'était pas. L'égoïsme avait trop pénétré les cœurs de tous — même
ceux des prêtres; on n'a pour s'en assurer qu'à lire l'oraison funèbre de la femme de Pi-
nodjem. On rétablit cependant alors les principes fondamentaux du droit national, du droit
ammonien, je vous l'ai prouvé dans quelques-unes de mes leçons il y a quatre ou cinq ans;
— mais on le fit sans assez d'esprit de suite. Et bientôt les asiatiques Sheshonkides, anciens
généraux des troupes asiatiques qu'avait laissés derrière elle l'invasion assyrienne, après avoir
été reconnus comme connétables et maires du palais — on le voit dans l'inscription de Nim-
rod — arrivèrent à obtenir la succession du roi ammonien Smendès, dont le premier d'entre
eux usurpa la légende royale. Aux traditions du droit ammonien ou égyptien pur se substi-
tuèrent alors les traditions du droit chaldéo-asiatique basé sur l'adoration de l'argent, ce
Mammon d'iniquité, et il fallut que cette dynastie, un instant glorieuse, s'émietta et fit place
 
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