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Rocznik Historii Sztuki — 34.2009

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Baridon, Michel: Histoire des jardins: quelques points de méthode
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https://doi.org/10.11588/diglit.14576#0029
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HISTOIRE DES JARDINS. QUELQUES POINTS DE MÉTHODE

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Pour résumer, on peut mettre l'accent sur les points suivants.

Un jardin, comme un livre, comme un tableau est une création de l'homme. C'est lui qui choisit un
terrain, qui modifie parfois son modelé, qui lui donne un manteau végétal et qui entretient le tout à ciel ouvert.
Il construit ainsi une représentation de la nature.

Comme toute oeuvre humaine, un jardin s'inscrit dans une histoire à la fois concrète et intellectuelle.
Concrète, parce qu'il faut se demander qui commandite? dans quel but? et ces questions relèvent de l'histoire
socioculturelle. Intellectuelle, parce que le plus souvent, le commanditaire confie la création du jardin à un
paysagiste qui a sa culture et sa vision du monde.

Le modelé du terrain est en rapport direct avec la construction intellectuelle du monde à une époque
donnée. La quadrature sur terrain plat de la Renaissance, la longue perspective à l'infini du baroque, les
espaces lumineux et ventilés du style rocaille, le parcours circulaire du jardin paysager sont autant de façon
d'organiser la représentation de la nature grâce aux moyens par lesquels on l'observe. L'histoire des sciences
et l'épistémologie interviennent ici directement.

Les climats de sensibilité générés par le jardin ramènent à l'histoire socioculturelle. Si le jardin rocaille
recherchait la convivialité, c'est parce qu'on s'était lassé de la solennité du baroque. Mais la crainte des
miasmes, la recherche de la variété dans les jeux d'eau et dans les feuillages prouvent que, là encore, l'épis-
témologie jouait son rôle. Et elle explique aussi pourquoi le jardin paysager se voulait parfois mélancolique
pour toucher le promeneur et le rendre plus sensible encore.

On peut en dire autant des critères esthétiques. La Renaissance, on l'a vu, recherchait la beauté des
proportions mathématiques à l'intérieur d'une surface. Mais elle régularisait aussi les formes littéraires et la
«bonne quadrature» d'un vers était un signe de qualité. A l'âge baroque, la perspective longue se prête à des
jeux subtils, et les proportions jouent de façon plus souple mais les longues perspectives axiales imposent
leurs lignes essentielles et concentrent les regards. L'effet obtenu est le même que l'unité d'action dans la
tragédie classique, ce qui faisait dire au critique Dryden: «As in perspective, so in tragedy»17. Quand le jar-
din paysager se développe les proportions ne sont plus mentionnées; les lignes souples et libres triomphent.
Thomson, célèbre le nouveau style dans les Saisons, et il abandonne le vers rimé pour éviter la récurrence
régulière d'un son dans le discours poétique.

L'art des jardins apparaît ainsi comme lié aux autres arts parce qu'il met enjeu une combinatoire com-
plexe où se retrouvent nous l'avons vu, histoire socio-culturelle, construction intellectuelle du monde, climats
de sensibilité et critères esthétiques. Son histoire est un processus de création continue qui passe par des
phases dont on peut décrire la genèse, l'épanouissement, le dépérissement ou les mutations. On peut repro-
cher à la méthode critique présentée dans cet article de privilégier l'épistémologie; on peut lui reprocher
aussi de demeurer générale et de faire intervenir trop de facteurs. Mais il n'y a de science que du général, et
l'art des jardins étant complexe et difficile, son histoire ne se pénètre et ne s'explique qu'en conjuguant dif-
férentes approches. Des barrières séparent trop souvent le monde des sciences et des techniques du monde
des arts et de la littérature. Si elles tombent, qui s'en plaindra?

17 Préface de Troilus and Cressida, 1679, reprise par LE. Spingarne n, Critical Essors ofthe Seventeenth Century, London
908 1909, vol. 1, p. 208.
 
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