284 LETTRES DU ROI DE PRUSSE
L ET TR E CXXXL
DU ROI.
A Landshut , le 18 d’avril.
-Vo s lettres m’ont été rendues sans que houlsards
17î9> ni français, ni autres barbares les aient ouvertes. L’on
peut écrire tout ce que l’on veut et très-impunément
sans avoir cent soixante mille hommes, pourvu
qu’on ne fasse rien imprimer. Et souvent on fait
imprimer des choses plus fortes que je n’en ai jamais
écrites ni n’en écrirai, sans qu’il en arrive le moindre
mal à l’auteur; témoin votre Fucelle. Pour moi je
n’écris que pour me dissiper.
Tout homme qui n’est pas.né srançais, ou habitué
depuis long- temps à Paris, ne saurait posséder la
langue au degré de persection si nécessaire pour
faire de bon vers ou de la prose élégante. Je me
rends asiez de justice sur ce sujet, et je suis le
premier à apprécier mes misères à leur juste valeur;
mais cela m’amuse et me distrait ; voilà le seul
mérite de mes ouvrages. Vous avez trop de con-
naissance et trop de goût pour applaudir à d’aussi
faibles talens.
L’éloquence et la poésie demandent toute l’appli-
cation d’un homme; mon devoir m’oblige de m’ap-
pliquer à présent et très-sérieuserhent à autre chose.
En considérant tout cela, vous devez avouer que
des amusemens aussi frivoles ne doivent entrer en
aucune considération.
L ET TR E CXXXL
DU ROI.
A Landshut , le 18 d’avril.
-Vo s lettres m’ont été rendues sans que houlsards
17î9> ni français, ni autres barbares les aient ouvertes. L’on
peut écrire tout ce que l’on veut et très-impunément
sans avoir cent soixante mille hommes, pourvu
qu’on ne fasse rien imprimer. Et souvent on fait
imprimer des choses plus fortes que je n’en ai jamais
écrites ni n’en écrirai, sans qu’il en arrive le moindre
mal à l’auteur; témoin votre Fucelle. Pour moi je
n’écris que pour me dissiper.
Tout homme qui n’est pas.né srançais, ou habitué
depuis long- temps à Paris, ne saurait posséder la
langue au degré de persection si nécessaire pour
faire de bon vers ou de la prose élégante. Je me
rends asiez de justice sur ce sujet, et je suis le
premier à apprécier mes misères à leur juste valeur;
mais cela m’amuse et me distrait ; voilà le seul
mérite de mes ouvrages. Vous avez trop de con-
naissance et trop de goût pour applaudir à d’aussi
faibles talens.
L’éloquence et la poésie demandent toute l’appli-
cation d’un homme; mon devoir m’oblige de m’ap-
pliquer à présent et très-sérieuserhent à autre chose.
En considérant tout cela, vous devez avouer que
des amusemens aussi frivoles ne doivent entrer en
aucune considération.