VS S-
330 RECUEIL DES LETTRES
gros bataillons, et les philosophes dispersés se laissent
battre en détail : on les égorge un à un; et, pendant
qu'ils sont sous le couteau , ils se brouillent ensemble,
et prêtent des armes à l’ennemi commun. lyAlcmbert
fait bien de quitter , et les autres sont lâchement de
continuer. Si vous avez du crédit sur Diderot et
consors, vous serez une action de grand général de
les engager à se joindre tous , à marcher serré , à.
demander justice , et à ne reprendre l’ouvrage que
quand ils auront obtenu ce qu’on leur doit, justice
et liberté honnête. Il est infâme de travailler à un
tel ouvrage comme on rame aux galères. Il me
semble que les exhortations d’un homme comme
vous doivent avoir du poids : c’est à vous de donner
du cœur aux lâches.
Vouspensez comme il faut d’Iphigénie en Crimée ;
mais ce n’est pas la première fois que les badauds de
Paris se sont trompés , et ce ne sera pas la dernière.
Vous persistez donc dans le goût de laphysique;
c’est un amusement pour toute la vie. Vous êtes-vous
sait un cabinet d’bistoire naturelle ? Si vous avez
commencé , vous ne finirez jamais. Pour moi , j’y
ai renoncé , et en voici la raison ; un jour en soufflant
mon feu , je me mis à longer pourquoi du bois fesait
de la flamme ; personne ne me l’a pu dire , et j’ai
trouvé qu’il n’y a point d’expérience de physique
qui approche de celle-là. J’ai planté des arbres, et
je veux mourir si je sais comment ils croissent. Vous
avez eu la bonté de faiie des ensans , et vous ne
savez pas comment. Je rne le tiens pour dit, je renonce
à être serutateur : d ailleurs , je ne vois guère que
charlatanisme; et, excepté les découvertes de Newton
330 RECUEIL DES LETTRES
gros bataillons, et les philosophes dispersés se laissent
battre en détail : on les égorge un à un; et, pendant
qu'ils sont sous le couteau , ils se brouillent ensemble,
et prêtent des armes à l’ennemi commun. lyAlcmbert
fait bien de quitter , et les autres sont lâchement de
continuer. Si vous avez du crédit sur Diderot et
consors, vous serez une action de grand général de
les engager à se joindre tous , à marcher serré , à.
demander justice , et à ne reprendre l’ouvrage que
quand ils auront obtenu ce qu’on leur doit, justice
et liberté honnête. Il est infâme de travailler à un
tel ouvrage comme on rame aux galères. Il me
semble que les exhortations d’un homme comme
vous doivent avoir du poids : c’est à vous de donner
du cœur aux lâches.
Vouspensez comme il faut d’Iphigénie en Crimée ;
mais ce n’est pas la première fois que les badauds de
Paris se sont trompés , et ce ne sera pas la dernière.
Vous persistez donc dans le goût de laphysique;
c’est un amusement pour toute la vie. Vous êtes-vous
sait un cabinet d’bistoire naturelle ? Si vous avez
commencé , vous ne finirez jamais. Pour moi , j’y
ai renoncé , et en voici la raison ; un jour en soufflant
mon feu , je me mis à longer pourquoi du bois fesait
de la flamme ; personne ne me l’a pu dire , et j’ai
trouvé qu’il n’y a point d’expérience de physique
qui approche de celle-là. J’ai planté des arbres, et
je veux mourir si je sais comment ils croissent. Vous
avez eu la bonté de faiie des ensans , et vous ne
savez pas comment. Je rne le tiens pour dit, je renonce
à être serutateur : d ailleurs , je ne vois guère que
charlatanisme; et, excepté les découvertes de Newton