Le charivari (53.1884)

FIGURES RU JOUR

16

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CLOVIS HUGUES

L’ÉTALAGE DU MARCHAND DE COMESTIBLES

t'oip ^ui veut des truffes, du champagne, du pà'é de
Bq, Bras, des ortolans? Hé 1 là-bas, l'homme, vous qui
gs dévorez des yeux, pourquoi n’entrez-vous pas?
q,, ^Pecteriez-vous notre maison? Une maison à trois
tôliers de gourmandise 1 Monsieur n’aime pas les

V^e rose, des tanches, des truites...

V fv.-. ’ ...

,U«*s ! Qu’à cela ne tienne. Voici des saumons velou-

Diantre 1 on est

(lii’tjp8 ne vous décidez pas encore ?

Y Cl*e- à ce qu’il paraît.
des°Us faut-il des mets étrangers ? Du caviar de Russie,
PjQj^onfhures du sérail, des bananes d’Amérique?

Soient, pas de réponse ? Monsieur serait-il blasé
jasait-il jamais faim ?...

'riiq ais ^aim 1 Uu jeûne de l’âge le plus navrant. Les
es sont sans pitié.

L’ÉTALAGE DU MARCHAND DE BRIC-A-BRAC

byPortrait de femme en robe de cour Louis XV se
^ Le mélancoliquement à la porte,
hte ®tais jeune, j’étais jolie , adulée , encensée... Il
^rn, Jient encore d’un bal où j’éclipsai l’astre de la
jj badour elle-même.

>.ieBfCe .femps, je trônais au beau milieu du salon.
*Ué Je devins une douairière ; mais, en cette qua-
lité J avais conservé mon poste d’honneur, lorsqu’un
quelques années après la mort de celle dont je
t'ortP.Uttds l'image, — son fils accrocha à ma place le
sa l'eùne femme, et je fus relégué dans la
î bs i, à coucher. A la seconde génération, j’étais
Pbe EVne .galerie écartée ; à la troisième, j’entrai dans
P 'boire ! Là, mon éclat fut terni par la poussière,
b'geon attaquèrent les inclus de ma robe gorge-de-
*’ — ear l’armoire n’était jamais ouverte.

Expulsé, sa réplique
Fut un Ainsi soit-il 1
Pour que la République
Eût ses Rois en exil.

On l’ouvrit pourtant. Ce fut pour m’envoyer avec un
vieux lot d’antiquités à l’Hôtel des ventes.

Aux enchères 1 moi ! quelle humiliation 1

Depuis, j’ai passé par les mains de plus de trente
Auvergnats ; une dernière fois, on m'a cédé, dans un
échange de ferrailles, par-dessus le marché!

La pluie, le froid, le soleil me toriureni sans respect;
ma peinture crevassée tombe pir écaill. s de tous cô'és.

De loin en loin, un badaud impudent se plante de-
vant moi sur ses deux pieds et me toise d’un air dé-
daigneux. sans songer qu autrefois on ne me regardait
que chapeau bas 1

Quand trouverai-je une âme charitable qui m’arra-
chera à ces profanations, — fût-ce pour me livrer au
feu?

L'ÉTALAGE DU MARCHAND DE PARAPLUIES

— Victoire I Le temps se décide à nous èire favora-
ble.

Quelle avese !... Ah ! l’on nous raille, on nous insulte,
on ncus traite de riflards. Riflard, soit 1 Mais riflard
vous serait bien cher, monsieur, qni essuyez votre beau
pardessus tout neuf.

Et ce vieux qui s’en va en couvant son chapeau d'uD
foulard. Je gage que c’est un, avare. Il nous aperçoit, il
balance ; il ne peut se déterminer à une semblable
dépense.

Pendant ce temps-là l’averse descend toujours. Quin-
ze francs de gibus sacrifiés, douze francs d’économisés ;
il n y a que l’avarice pour calculer si juste.

Courage! chère rafale, souffle en foudre sur ces sacri-
pants.

Voilà comme le riflard se venge.

On aura beau dire et beau faire, le parapluie

.poursuivra sa carrière

Faisant ruisseler sa gouttière
Sur ses obscurs blasphémateurs !

L'ÉTALAGE DU LIBRAIRE

— Jaunes, verts, bleus, rouges, nous avons l’habit
d’arlequin, — quelquefois nous eu avons l’âme. C’est
nous qui dispensons la renommée ou le ridicule. Les
auteurs passent, les livres restent. Pas toujours!

Rien ne ressemble, sous notre couverture, à un
homme d’esprit comme un imbécile.

Mais le temps arrive et opère le triage. A la hotte, les
éphémères ! A l’avenir, les immortels ! — soit dit sans
personnalités académiques.

Pasi-ant, consulte nos litres et nos signatures, et
qu’aujourd’hui les grave dans ta mémoire, car demain
les aura peut-être oubliés.

Si nous pouvions nous révolter, que d’ennuis nous
épargnerions au lecteur 1 Non! le papier se laisse faire.
C’est la destinée.

Il y a une providence pour les épiciers 1
L'ÉTALAGE DU MAGASIN DE DEUIL

Miserere!... Une héritière, s’il vous plaît. Voici l’hé-
ritière demandée.

Boucles d’oreilles, robes de toute sorte, chaînes de
jais, agrafes, la boutique y passera et la coquetterie n’y
perdra rien.

Encre une cliente : celle-là n’a pas hérité. Un sim-
ple châle pour accompagner une antique robe noire.

Mais ses yeux sont rouges de larmes, sa main trem-
ble en prenant la lugubre emplette.

Le deuil ne fait pas le regret.

Chacun nous arrive à son tour, mais jusque-là chacun
passe indifférent.

De profundis'.... Trop souvent l’oubli seul nous ré-
pond 1

FANTASIO.