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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 13.1887 (Teil 1)

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Gauchez, Léon: Rue trompette, N° 6 à Saint-Germain-en-Laye, I-III
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https://doi.org/10.11588/diglit.25558#0068

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L’ART.

d’ordre dans les idées, et par trop d’orgueil artistique, moi ouvrier, et qui voulais rester tel
en art, je le dépassai de façon à l’en rendre jaloux et me rendre honteux de mes premiers
succès.

Si je souligne le mot ouvrier, Monsieur, c’est que je crois utile de vous faire remarquer
que je n’ai jamais ambitionné d’autre titre pendant tout le cours de ma carrière ; les oeuvres,
pour moi, ne valent que par la 'main-d’œuvre ! Un tableau mal peint ne me dit rien, et je
n’ai rien à lui dire! « Dis-moi comme tu peins et je te dirai ce que tu vaux ».

J’ai pris part, avec plus ou moins de succès ou d’insuccès, aux expositions depuis 1837
jusqu’en 1880, année où la maladie (la pierre) m’a fait déposer les armes, sans vaincre ma
philosophie et ma croyance en ÎOieu (honni soit qui mal y pense! étant disciple en cela du
père Granet). Si la fortune me fait défaut, elle me devait bien cela, pour l’avoir tant méprisée !

J’ai supporté, au cours de ma vie, de gros chagrins intimes et de violentes souffrances
physiques, que j’ai subies a l’hôpital plusieurs fois, ce qui explique mon amour pour les
religieuses qui traversent mon œuvre, et, aux avant-derniers moments de ma carrière, je n’en
regrette pas trop les points sombres, Monsieur, puisque vous êtes venu y semer un rayon de
soleil !

Fuisse mon gribouillage vous être lisible et compréhensible !

Et veuillez agréer, pour Madame et pour moi, nos cordiaux sentiments.

F. Fonvik.

Cette lettre, à laquelle je ne me pardonnerais pas de changer un seul mot, cette lettre peint
l’homme tout entier, et le peint admirablement.

Nul n’est moins bigot que lui, nul n’est plus religieux, dans le sens le plus élevé du mot, et
plus insouciant aussi de toutes pratiques extérieures.

Philosophe, croyant, artiste jusqu'au bout des ongles, tel est Bonvin. Les pires souffrances
ne sont point parvenues à l’aigrir; aussi sa raillerie n’a-t-elle jamais dégénéré en sarcasme qu’aux
yeux des gens qui le comprennent mal et ne l’ont pratiqué que superficiellement ; elle n’a jamais
porté atteinte à la bonté qui fait le fond du caractère du vaillant peintre. Son cachet a pour
devise : Omnia vincit amor, et cette devise il l’a constamment mise en pratique en aimant son
prochain, en faisant le bien et en l’enseignant autour de lui, ainsi que j’ai eu l’occasion touchante
d’en juger.

L. Gau chez.
 
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