L' art: revue hebdomadaire illustrée (13.1887 (Teil 1))

LES ARTS DÉCORATIFS AU JAPON1 2

Modèle de panneau laqué,
d'après Koryn.

C’est par un témoignage public de reconnaissance envers le journal l’Art
que nous devons commencer l’analyse du bel et savant ouvrage consacré par
notre ami, le professeur W. Anderson, au Japon, à l’histoire de sa peinture,
de ses industries, de son génie artiste. En effet, l’Art a été la première
revue, en France, qui ait accueilli des études sur ce pays qu’on ne distinguait
alors encore que vaguement de la Chine, et dont les productions artistes
excitaient plus de curiosité que d’estime. Et, non seulement l’Art a accepté
nos études, bien sommaires, sur des points d’histoire, de religion, de
psychologie féminine, au fond presque étrangers à son programme et faits
pour surprendre sa clientèle, mais encore ces essais ont été élucidés par
des gravures en couleur fort coûteuses, par des fac-similés d’albums exigeant
une certaine initiative pour en goûter la saveur. Ses livraisons n’ont cessé
de m’être ouvertes, et si je ne les ai point encombrées plus souvent, c’est
par un sentiment de réserve dont je puis faire l’aveu aujourd’hui, le peu que
j’apprenais à si grand’peine se trouvant confirmé autour de moi par d'autres
travaux puisés aux sources mêmes par des gens compétents.

Plusieurs années après que j’avais un peu ouvert la route, au moins
coupé les premières broussailles pour indiquer des sentiers, la France a pris
l’initiative des recherches d’ensemble par le livre de M. Louis Gonse, l’Art
japonaisM. W. Anderson, dans l'ouvrage qui nous retient, y fait de
nombreux renvois, lui marque beaucoup d’estime, n’en discute essentiellement
aucun point de vue. La plupart des notes techniques avaient d’ailleurs été fournies par un expert
japonais, M. Wakaï, et revisées par son élève, M. T. Hayashi. M. Siegfried Bing, dont on connaît
la compétence et le goût, avait rédigé le chapitre « Céramique ». Si le chapitre « Peinture »
offrait quelques erreurs de classement ou de lecture, elles ont été relevées, à Tokio même, par
un érudit, champion des écoles classiques, M. Fenollosa. M. Gonse a tenu compte de ces critiques,
dans le volume récent, que nous citons en note, et l’incident est clos sans avoir porté atteinte à
la qualité de l’effort littéraire et à l’éclat du volume illustré.

J’arrive au livre de W. Anderson, en négligeant des publications déjà vieilles, telles que
l'énorme entreprise de Ph. Fr. von Siebold (Leyde, 1832-1852), à qui restera toujours l’honneur
d’avoir couvert d’un vaste regard l’Empire du Soleil levant, sa géographie, son histoire naturelle,
sa mythologie, sa littérature, son art technique, etc. Les feuillets sont demeurés inachevés, les
dessins d’après nature sans tirage; l’œuvre n’en est pas moins digne de respect. Mais je dois
signaler encore comme un répertoire inépuisable de matériaux plus récents, contrôlés avec plus
de rigueur par les méthodes familières à la science actuelle, la série des Transactions de la
Société asiatique de Yokohama. Tous les points de science, de littérature, d’analytique, d’histoire
positive ou légendaire, d’art ou de métiers, y ont été abordés, expliqués, résolus ou indiqués, par
une réunion d'hommes sérieux, jaloux de l’honneur de leur Société. M. Chamberlain, M. Fr. Dickins,
M. Ernest Satow, pour ne citer que quelques noms, ont contribué à l’autorité de ce recueil par
des travaux de premier ordre.

M. Ernest Satow doit particulièrement nous arrêter. 11 est un lettré japonais de premier

1. Nous avons hésité à donner une traduction du titre du livre de M. W. Anderson : The Pictorial Arts of Japan. Le mot « décoratifs»
pour « pictorial » est, croyons-nous, la moins incomplète. L’ouvrage, en format in-folio, est aujourd'hui complet; ses éditeurs, à Londres,
sont MM. Sampson Low, Marston, Searle et Rivington.

2. A. Quantin, imprimeur-éditeur, i883, 2 volumes in-40. I.’ouvrage vient de reparaître, chez le même éditeur, en un volume in-8°,
avec gravures. (Bibliothèque de l'Enseignement.) 11 obtient un succès mérité.

Tome XL1I.

33