LES COLLECTIONS DE CHANTILLY. — LE MUSÉE CONDÉ.
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revers d'un dessin d’une Vénus par le Puget1 : « Je vous engage à garder ce dessin; il est
aussi beau qu’un Michel-Ange. »
Il faut insister sur deux séries de dessins de l’école française, qui nous touchent particuliè-
rement : les dessins de Prud'hon et la galerie des crayons français du xvie siècle. Les Prud’hon,
nombreux, d’un choix exquis, même après la belle série du Louvre, donnent la plus haute idée
de ce maître, véritablement inspiré de l’antique, d’une grâce et d’une poésie qui le font ici l’égal
de ses grands devanciers. Les portraits français du xvie siècle constituent un ensemble dont on
connaît les origines ; ils viennent aussi d’Alexandre Lenoir et ont figuré à Stafford-House2, à
Londres. Tous les personnages politiques et anecdotiques de l’histoire de France de la période
de la Renaissance passent ici devant nos yeux, représentés par des peintres habiles et conscien-
cieux qui nous montrent les princes, les capitaines, les ministres, les amiraux, les ambassadeurs,
les courtisans, les héros de la Ligue et les calvinistes, aussi vivants que nature, dans leur
costume du temps, avec leur geste, leur attitude et leur physionomie vraie. Voici tour à tour :
Madame « la Roy ne Maddelaine d’Écosse », sixième fille de François Ier, née le io août i52o,
et mariée à Jacques V d’Écosse et morte en 1542; Madame Jeanne d’Albret; Feu Monsieur le
Dauphin François, fils aîné de François Ier; Monseigneur d’Angoulesme, son troisième fils;
« Madame de Savoie estant fille »; Madame de Valentinois (Diane de Poitiers), et Monsieur le
vicomte Bré\é, qui n’est autre que le mari de Diane, Louis de Brézé, portrait unique, dit-on;
« Monsieur de Guise le Père estant jeune »; Monsieur d'Orléans (le fils du roi François, qui sera
plus tard Henri II); Madame de Savoye estant Madame Marguerite, c'est-à-dire la dernière fille
de François 1er, qui sera la femme d’Emmanuel-Philibert, duc de Savoie; les deux frères Coligny,
Coligny Fratres, dit la suscription tracée par Dumoustier, l’auteur de ce beau crayon. Enfin,
toutes les dames d’honneur de la cour, les maréchaux Bonnivet, Strozzi, le seigneur de Lanoue,
de Gordes, Simiane, La Chastegneraye, le héros malheureux du duel de Jarnac ; jusqu’au fou du
roi, Thouin, très en faveur, qui vint poser devant le peintre de la cour. Cette série de quatre-
vingt-sept portraits, outre quelle nous montre l’habileté des peintres de la Renaissance à saisir
le caractère et l’expression de la physionomie, constitue un document inappréciable pour l'histoire
du temps.
LES VERRIÈRES DE LA GALERIE DE PSYCHÉ
Nous avons publié, dans la première partie de cette étude, quatre des compositions qui,
peintes sur verre, forment l’ensemble des verrières : l’Histoire de Psyché, qui a donné son nom à
la Galerie. Ces verrières proviennent du château d’Écouen ; elles furent recueillies en 1790, au
mois de novembre, au Dépôt provisoire national constitué alors sous la direction du Comité au
Musée des Petits-Augustins (École des Beaux-Arts actuelle). Si on parcourt le volume de
M. Courajod, consacré à Alexandre Lenoir, directeur du Dépôt, on trouvera, à la page 172, la
mention de la restitution faite, le 18 mars 1816, par autorisation du ministre de l'intérieur; au
prince de Condé, sous le titre : « La suite des vitraux peints en grisaille, représentant la Fable
de Cupidon et Psyché, venant du château d’Écouen. » L’exécution de ces vitraux est généra-
lement attribuée à Bernard de Palissy ; j'ai dit quelles avaient été les relations du maître avec le
connétable, l’attribution est vraisemblable. On a aussi cité le nom de Jean Cousin, mais celui-ci,
pourvu alors de travaux considérables dans les grands édifices religieux, ne se serait pas borné
à reproduire des copies. En effet, le peintre-verrier n’a fait que traduire sur verre, en les exécu-
tant en grisailles, une série de compositions attribuées à Raphaël et gravées par Marc-Antoine
Raimondi. L’ensemble se compose de quarante-trois panneaux. A Écouen, la galerie à décorer
contenait un nombre de fenêtres supérieur au nombre des sujets à reproduire, le peintre-verrier
avait comblé la lacune par quelques panneaux de haut style aux chiffres, armes et emblèmes
du connétable. L’un de ces panneaux est à Cluny. 11 faut voir là une adaptation du sujet, car
les compositions gravées ne sont pas sans offrir quelques variantes, et, pour donner un accent
1. Ce dessin a été reproduit dans l’Art, 5“ année, tome IV, page Ci.
2. Résidence du duc de Sutherland.
Tome XLII.
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revers d'un dessin d’une Vénus par le Puget1 : « Je vous engage à garder ce dessin; il est
aussi beau qu’un Michel-Ange. »
Il faut insister sur deux séries de dessins de l’école française, qui nous touchent particuliè-
rement : les dessins de Prud'hon et la galerie des crayons français du xvie siècle. Les Prud’hon,
nombreux, d’un choix exquis, même après la belle série du Louvre, donnent la plus haute idée
de ce maître, véritablement inspiré de l’antique, d’une grâce et d’une poésie qui le font ici l’égal
de ses grands devanciers. Les portraits français du xvie siècle constituent un ensemble dont on
connaît les origines ; ils viennent aussi d’Alexandre Lenoir et ont figuré à Stafford-House2, à
Londres. Tous les personnages politiques et anecdotiques de l’histoire de France de la période
de la Renaissance passent ici devant nos yeux, représentés par des peintres habiles et conscien-
cieux qui nous montrent les princes, les capitaines, les ministres, les amiraux, les ambassadeurs,
les courtisans, les héros de la Ligue et les calvinistes, aussi vivants que nature, dans leur
costume du temps, avec leur geste, leur attitude et leur physionomie vraie. Voici tour à tour :
Madame « la Roy ne Maddelaine d’Écosse », sixième fille de François Ier, née le io août i52o,
et mariée à Jacques V d’Écosse et morte en 1542; Madame Jeanne d’Albret; Feu Monsieur le
Dauphin François, fils aîné de François Ier; Monseigneur d’Angoulesme, son troisième fils;
« Madame de Savoie estant fille »; Madame de Valentinois (Diane de Poitiers), et Monsieur le
vicomte Bré\é, qui n’est autre que le mari de Diane, Louis de Brézé, portrait unique, dit-on;
« Monsieur de Guise le Père estant jeune »; Monsieur d'Orléans (le fils du roi François, qui sera
plus tard Henri II); Madame de Savoye estant Madame Marguerite, c'est-à-dire la dernière fille
de François 1er, qui sera la femme d’Emmanuel-Philibert, duc de Savoie; les deux frères Coligny,
Coligny Fratres, dit la suscription tracée par Dumoustier, l’auteur de ce beau crayon. Enfin,
toutes les dames d’honneur de la cour, les maréchaux Bonnivet, Strozzi, le seigneur de Lanoue,
de Gordes, Simiane, La Chastegneraye, le héros malheureux du duel de Jarnac ; jusqu’au fou du
roi, Thouin, très en faveur, qui vint poser devant le peintre de la cour. Cette série de quatre-
vingt-sept portraits, outre quelle nous montre l’habileté des peintres de la Renaissance à saisir
le caractère et l’expression de la physionomie, constitue un document inappréciable pour l'histoire
du temps.
LES VERRIÈRES DE LA GALERIE DE PSYCHÉ
Nous avons publié, dans la première partie de cette étude, quatre des compositions qui,
peintes sur verre, forment l’ensemble des verrières : l’Histoire de Psyché, qui a donné son nom à
la Galerie. Ces verrières proviennent du château d’Écouen ; elles furent recueillies en 1790, au
mois de novembre, au Dépôt provisoire national constitué alors sous la direction du Comité au
Musée des Petits-Augustins (École des Beaux-Arts actuelle). Si on parcourt le volume de
M. Courajod, consacré à Alexandre Lenoir, directeur du Dépôt, on trouvera, à la page 172, la
mention de la restitution faite, le 18 mars 1816, par autorisation du ministre de l'intérieur; au
prince de Condé, sous le titre : « La suite des vitraux peints en grisaille, représentant la Fable
de Cupidon et Psyché, venant du château d’Écouen. » L’exécution de ces vitraux est généra-
lement attribuée à Bernard de Palissy ; j'ai dit quelles avaient été les relations du maître avec le
connétable, l’attribution est vraisemblable. On a aussi cité le nom de Jean Cousin, mais celui-ci,
pourvu alors de travaux considérables dans les grands édifices religieux, ne se serait pas borné
à reproduire des copies. En effet, le peintre-verrier n’a fait que traduire sur verre, en les exécu-
tant en grisailles, une série de compositions attribuées à Raphaël et gravées par Marc-Antoine
Raimondi. L’ensemble se compose de quarante-trois panneaux. A Écouen, la galerie à décorer
contenait un nombre de fenêtres supérieur au nombre des sujets à reproduire, le peintre-verrier
avait comblé la lacune par quelques panneaux de haut style aux chiffres, armes et emblèmes
du connétable. L’un de ces panneaux est à Cluny. 11 faut voir là une adaptation du sujet, car
les compositions gravées ne sont pas sans offrir quelques variantes, et, pour donner un accent
1. Ce dessin a été reproduit dans l’Art, 5“ année, tome IV, page Ci.
2. Résidence du duc de Sutherland.
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