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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 15.1889 (Teil 1)

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Leroi, Paul: Salon de 1889, [3], La sculpture
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https://doi.org/10.11588/diglit.25867#0298

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268

L’ART.

« Ces créations singulières pouvaient signifier beaucoup, et elles signifiaient, en effet, toute
une doctrine pour les initiés au culte antique ou pour les fidèles du culte qui le remplaça. Mais,
en dehors des adeptes, lettre close et logogriphe.

« Nos anges ailés sont pour les Orientaux ce que sont pour nous leurs chimères ailées : des
fantaisies plus ou moins charmantes. Les Chinois ne sauraient deviner ce que veut dire l’agneau
couché sur la croix, pas plus que nous ne devinons le sens des dragons et des monstres fantas-
tiques qui flamboient sur leur architecture, sur leurs étendards, sur leurs vases, sur leurs étoffes.
C’est pourtant le langage de leurs croyances, de leur science, de leur pensée, de leur vie, et le
résumé de leur civilisation partielle. Nous appelons ici cette langue plastique — des chinoiseries,
soit. Mais comment appelle-t-on là-loin les produits de l’imagination occidentale ?

« La Renaissance, ni les écoles subséquentes jusqu’ici, n’ont donc point rompu avec le
symbolisme du Moyen-Age. Les grands hommes du xvie siècle ont toujours mis en œuvre la

même idée, quoique dans leur moule individuel. Ils ont
métaphorisé autrement, mais sur le même thème. Peu
importe que Raphaël ait pris sa Margarita pour faire une
Madone : c’est, au fond, l'idée catholique. De plus, ils ont
ravivé, à côté des fictions chrétiennes, les fictions du paga-
nisme. En pendant à ses Madones, à sa Transfiguration, à
sa Messe de Bolsène, à ses archanges aux ailes irisées,
Raphaël peignait des Apollon et des Vénus, l’École d’Athènes
et le Parnasse ; de même que Titien peignait ses Vénus et
ses Danaé, en pendants à son Assomption de la Vierge et à
ses Sainte Famille. Et Michel-Ange, et le Vinci, et le Cor-
rège, et tous les autres ont fait comme eux.

« C’est entre ces deux langues — ces deux arts — qu’ont
alterné toutes les écoles artistes et littéraires depuis trois
siècles. 11 n’y a, en effet, dans notre Occident, que deux
formes, qui expriment chacune une idée partielle, l’allégorie
catholique et l’allégorie païenne, — également impénétrables
pour les « étrangers », et même également indifférentes à
l’esprit moderne des peuples qui s’en servent encore.

« Ce n’est pas cela qu’il faut à l’art du xixe siècle. »
Thoré, passant rapidement en revue les diverses écoles,
constate que « c’est surtout au nord des Pays-Bas, dans la
Hollande d’aujourd’hui, que s’accusa le caractère profondé-
ment humain de l’École néerlandaise. Les luttes de la
Réforme et du patriotisme à la fois y furent pour beaucoup
sans doute.

a Rembrandt... c’est celui-là qui n’est point mystagogue et qui est pourtant le plus magicien
des peintres ; c'est celui-là qui aime « le genre humain » et fort peu le genre héroïque ; c’est
celui-là qui s’attache à la nature, à la réalité, et qui est pourtant le plus bizarre, le plus chimé-
rique, le plus original de tous les inventeurs d’images. » Thoré est logiquement amené à s’écrier
ensuite : « Et autour de Rembrandt, toute l’écple de son pays a la même tendance : Frans Hais
et van der Helst, Ferdinand Bol et Govert Flinck, Adriaan Brouwer et les van Ostade, Aalbert
Cuijp et Paulus Potter, Terburg et Metsu, Jan Steen, Pieter de Hooch et van der Meer de
Delft, les Wouwermans et les van de Velde, Ruisdael et Hobbema, et une douzaine d’autres
historiens de génie qui ont représenté la vie de leurs compatriotes, à l’intérieur des maisons et
sur les places publiques, sur les canaux et les grands chemins, par terre ou par mer, sous les
arbres ou au bord des ruisseaux ; cavaliers, chasseurs, marins et pêcheurs, bourgeois et mar-
chands, pâtres et bûcherons, laboureurs et ouvriers, musiciens et ribauds, femmes et filles, avec
leurs enfants, celles qui en ont ; dans le recueillement de la famille, dans la joie des kermesses,

Sainte Cécile.

Dessin de Paul Choppin,
d’après son plâtre du Salon de 1889.
 
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