LE DESSIN ET SON ENSEIGNEMENT
En France, jusqu’au XVIII0 siecle, I’en-
seignement du dessin n’etait pas general,
ceux-lä seuls qui se destinaient ä une car-
riere artistique, ä un metier d’art, appre-
naient ä dessiner dans l’atelier d’un maitre
ou d’une Corporation. II n’y avait point de
methode rigoureuse et l’on ne peut nier
cependant que nos aieux surent dessiner.
Ce fut seulement dans la seconde moitie
du XVIII0 siecle que la question de l’ensei-
gnement du dessin s’imposa reellement ä
I’attention publique. J.-J. Rousseau, dans
VEmile, parle du dessin au nom de la
Philosophie de l’education et il insiste sur
sa portee educative.
L’enseignement du dessin se generalise
et des lors des divergences d’opinion se
manifestem sur le choix de la methode.
Des philosophes, tels que Rousseau,
Spencer, Ravaisson; des artistes, parmi
lesques Delacroix, Ingres, Flandrin; des
hommes, comme le marquis de Laborde,
concluent ä un enseignement du dessin d’oü
les procedes geometriques sont exclus.
Nous verrons tout ä l’heure que les
pedagogues preconisent des principes tout
opposes.
Sans vouloir renouveler la celebre que-
relle de F. Ravaisson et de Eug. Guillaume,
ce qui serait d’un interet trop retrospectif, il
n’est pas inutile de rememorer les princi-
paux arguments de ces deux hommes, per-
sonnifiant en quelque sorte les methodes
qui se disputerent l’enseignement officiel du
dessin en France.
Ravaisson soutenait que les procedes
mathemathiques sont incompatibles avec
l’art et il pretendait que la methode consiste
a saisir par intuition, et non par raisonne-
ment, l’esprit de la forme.
D’autre part, ayant estime que la sta-
tuaire grecque etait la plus parfaite mani-
festation d’art, c’etait par l’etude de l’art
grec qu’on devait commencer les etudes de
dessin.
Ravaisson pensait que l’Apollon du Bel-
vedere etait plus comprehensible pour l’en-
fant qu’un passant pris dans la rue; pour
lui, la figure humaine devait etre mieux
comprise que l’animal, et l’animal mieux
compris que la plante. La methode qu’il
formula avec la collaboration d’Ingres, de
Delacroix et de Flandrin, procedait de
ces idees.
Mais Ravaisson et ses illustres collabo-
rateurs n’avaient point tenu compte de l’es-
prit des enfants, leur Systeme d’enseignement
etait fonde sur cette opinion que les eleves
Fhg. i
seraient seduits par la beaute de l’art grec;
or, aucun enfant ne peut comprendre la
beaute superieure des beiles ceuvres grecques,
ä plus forte raison ne peut-il s’interesser
aux restaurations contestables presentees dans
nos ecoles comme etant des chefs-d’oeuvre.
On sait ce qu’il advint d’une methode
si hautement patronnee. Des lithographies,
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En France, jusqu’au XVIII0 siecle, I’en-
seignement du dessin n’etait pas general,
ceux-lä seuls qui se destinaient ä une car-
riere artistique, ä un metier d’art, appre-
naient ä dessiner dans l’atelier d’un maitre
ou d’une Corporation. II n’y avait point de
methode rigoureuse et l’on ne peut nier
cependant que nos aieux surent dessiner.
Ce fut seulement dans la seconde moitie
du XVIII0 siecle que la question de l’ensei-
gnement du dessin s’imposa reellement ä
I’attention publique. J.-J. Rousseau, dans
VEmile, parle du dessin au nom de la
Philosophie de l’education et il insiste sur
sa portee educative.
L’enseignement du dessin se generalise
et des lors des divergences d’opinion se
manifestem sur le choix de la methode.
Des philosophes, tels que Rousseau,
Spencer, Ravaisson; des artistes, parmi
lesques Delacroix, Ingres, Flandrin; des
hommes, comme le marquis de Laborde,
concluent ä un enseignement du dessin d’oü
les procedes geometriques sont exclus.
Nous verrons tout ä l’heure que les
pedagogues preconisent des principes tout
opposes.
Sans vouloir renouveler la celebre que-
relle de F. Ravaisson et de Eug. Guillaume,
ce qui serait d’un interet trop retrospectif, il
n’est pas inutile de rememorer les princi-
paux arguments de ces deux hommes, per-
sonnifiant en quelque sorte les methodes
qui se disputerent l’enseignement officiel du
dessin en France.
Ravaisson soutenait que les procedes
mathemathiques sont incompatibles avec
l’art et il pretendait que la methode consiste
a saisir par intuition, et non par raisonne-
ment, l’esprit de la forme.
D’autre part, ayant estime que la sta-
tuaire grecque etait la plus parfaite mani-
festation d’art, c’etait par l’etude de l’art
grec qu’on devait commencer les etudes de
dessin.
Ravaisson pensait que l’Apollon du Bel-
vedere etait plus comprehensible pour l’en-
fant qu’un passant pris dans la rue; pour
lui, la figure humaine devait etre mieux
comprise que l’animal, et l’animal mieux
compris que la plante. La methode qu’il
formula avec la collaboration d’Ingres, de
Delacroix et de Flandrin, procedait de
ces idees.
Mais Ravaisson et ses illustres collabo-
rateurs n’avaient point tenu compte de l’es-
prit des enfants, leur Systeme d’enseignement
etait fonde sur cette opinion que les eleves
Fhg. i
seraient seduits par la beaute de l’art grec;
or, aucun enfant ne peut comprendre la
beaute superieure des beiles ceuvres grecques,
ä plus forte raison ne peut-il s’interesser
aux restaurations contestables presentees dans
nos ecoles comme etant des chefs-d’oeuvre.
On sait ce qu’il advint d’une methode
si hautement patronnee. Des lithographies,
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