DOI Heft:
Numéro 92
DOI Artikel:Riotor, Léon: Exposition de reliures au Musée des Arts Décoratifs
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.44813#0245
EXPOSITION DE RELIURES
AU MUSEE DES AKTS DECORATIFS
On a pu deplorer que l’abus des cuirs
repousses, mosaiques, leur bariolage
et leur exces d’emploi par les mains femi-
nines aient ravale cet art charmant ä une
Sorte de malfapon permanente. Le cuir ne
peut pas servir ä tous objets, Tappreciation
a son importance. II faut que, preservatif
des chocs douloureux, il soit doux ä la
main, que sa contexture materielle prete ä
la resistance. La maniere de le parer vient
ensuite, et si l’utilisation depend du raison-
nement, la decoration surgit pour nous pas-
sionner sous sa forme d’art et de goüt.
L’emploi rationnel de tout ce cuir? Le
critique songe de suite ä l’habillage des
livres. Quelle chemise souple et ductile,
combien la finesse de son tissu
realisera le gant par.fait de la
pensee concrete. L’ornementa-
tion reste donc seule en
cause : eile se realisera par
la teinte, la ciselure appro-
priee, l’obeissance au texte.
II est difficile de formuler les
regles d’une methode. La
simplicite et le trait droit ont
donne parfois l’ampleur et la
majeste qu’on cherchait en
vain dans la surcharge de la
composition. Trop de relief
est nuisible ä la veture des
volumes; comment les loger
dans les bibliotheques ?
Les reliures fortement mo-
delees ont eu la vogue, jadis,
dans une conception toute
differente du livre. Les ailes
de bois ou ' de carton entoile
dont les anciens protegeaient
les feuillets de leurs carnets
de comptes ayant ouvert les
voies aux mosa’iqueurs mo-
nastiques, premiers fabricants
de livres, il est aise de com-
prendre comment ces protec-
teurs rigides devinrent des
etalages de luxe et de vanite.
Mais alors il ne s’agissait que
d’etablir une sorte de monument durable,
enclos de joyaux, de richesses, d'efforts
paralleles, ou le texte etait bien la partie
la plus indifferente qui füt. C’est ainsi
que les plats en ivoire, en metal guilloche
sont, d’un usage difficile, realises le plus
souvent pour des grands seigneurs illettres.
Le Tresor de la basilique de Treves possede
de ces merveilles d’orfevrerie intenables.
Il y eut de veritables entassements de
preciosites oü l’opacite des emaux riva-
lisait avec le poli de l’argent nielle et des
gemmes. Mais ce sont lä des bijoux plutot
que des reliures, oü le livre n’est qu’un
pretexte. Les ecclesiastiques qui, tout au
moins, etaient obliges a plus de contact
Mme RENg SERGENT
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AU MUSEE DES AKTS DECORATIFS
On a pu deplorer que l’abus des cuirs
repousses, mosaiques, leur bariolage
et leur exces d’emploi par les mains femi-
nines aient ravale cet art charmant ä une
Sorte de malfapon permanente. Le cuir ne
peut pas servir ä tous objets, Tappreciation
a son importance. II faut que, preservatif
des chocs douloureux, il soit doux ä la
main, que sa contexture materielle prete ä
la resistance. La maniere de le parer vient
ensuite, et si l’utilisation depend du raison-
nement, la decoration surgit pour nous pas-
sionner sous sa forme d’art et de goüt.
L’emploi rationnel de tout ce cuir? Le
critique songe de suite ä l’habillage des
livres. Quelle chemise souple et ductile,
combien la finesse de son tissu
realisera le gant par.fait de la
pensee concrete. L’ornementa-
tion reste donc seule en
cause : eile se realisera par
la teinte, la ciselure appro-
priee, l’obeissance au texte.
II est difficile de formuler les
regles d’une methode. La
simplicite et le trait droit ont
donne parfois l’ampleur et la
majeste qu’on cherchait en
vain dans la surcharge de la
composition. Trop de relief
est nuisible ä la veture des
volumes; comment les loger
dans les bibliotheques ?
Les reliures fortement mo-
delees ont eu la vogue, jadis,
dans une conception toute
differente du livre. Les ailes
de bois ou ' de carton entoile
dont les anciens protegeaient
les feuillets de leurs carnets
de comptes ayant ouvert les
voies aux mosa’iqueurs mo-
nastiques, premiers fabricants
de livres, il est aise de com-
prendre comment ces protec-
teurs rigides devinrent des
etalages de luxe et de vanite.
Mais alors il ne s’agissait que
d’etablir une sorte de monument durable,
enclos de joyaux, de richesses, d'efforts
paralleles, ou le texte etait bien la partie
la plus indifferente qui füt. C’est ainsi
que les plats en ivoire, en metal guilloche
sont, d’un usage difficile, realises le plus
souvent pour des grands seigneurs illettres.
Le Tresor de la basilique de Treves possede
de ces merveilles d’orfevrerie intenables.
Il y eut de veritables entassements de
preciosites oü l’opacite des emaux riva-
lisait avec le poli de l’argent nielle et des
gemmes. Mais ce sont lä des bijoux plutot
que des reliures, oü le livre n’est qu’un
pretexte. Les ecclesiastiques qui, tout au
moins, etaient obliges a plus de contact
Mme RENg SERGENT
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