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BULLETIN DES MUSEES ROYAUX
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LA PASSION. (Tapisserie française, seconde moitié du XVe si'ecte.)
Voir p • 57.
vrai; cette assimilation en ce qu’elle a de trop rude
pour le sentiment français. Voilà un fait bien
prouvé. Le temps apportera encore d’autres élé-
ments de preuve.
D'ailleurs, les artistes français n'ont jamais
renoncé complètement à leurs traditions. Et, à cet
égard, rien n’est plus instructif que l’étude des pro-
ductions des enlumineurs.
On remarque, par exemple dans le célèbre ante-
pendium de la cathédrale de Narbonne conservé
au musée du Louvre, une Pâmoison de Notre-
Dame et des groupes du Crucifiement qui semblent
annoncer la tapisserie de la Passion. On re-
trouve encore des analogies frappantes dans la
miniature des Petites Heures du duc de Berry
conservées à la Bibliothèque nationale de Paris.
Ces œuvres appartiennent, non comme on l’avait
pensé, du moins pour l’antependium, à André
Beauneveu, mais à un maître de sang et de tempé-
rament français, Girard, d’Orléans.
Il va sans dire que les compositions du xrve siè-
cle sont loin d’offrir la puissance et le caractère
qui se voient sur notre tapisserie; mais tous les
éléments s’y trouvent déjà singulièrement déve-
loppés.
On découvre encore dans d’autres œuvres bien
françaises, telles que ces magnifiques antependiums
en broderie de la cathédrale de Cordoue qui ont
été exposés à Madrid (1), deux scènes : le Porte-
ment de croix et la Pâmoison de Notre-Dame, une
parenté très grande avec les sujets similaires
(1) Voir Las joyas de la exposicion historico-europeia de
Madrid en 1892, pl. cxxvu et CLVII.
de la tapisserie. Mais nous nous empressons
d’ajouter que ces deux peintures à l’aiguille, supé-
rieures comme style à la tapisserie, ne doivent
guère la précéder que de quelques années. En
revanche, il serait permis, je crois, de considérer
comme contemporaines de la Passion plusieurs
tapisseries appartenant à la cathédrale d’Angers,
d’un style très ferme, plus pondéré que celui qui
se perçoit dans la grande tapisserie de la Passion.
Les scènes s’agencent mieux et les attitudes ont
plus de simplicité et de naturel. Il y a plusieurs
analogies entre la tapisserie des Musées royaux et
celles d’Angers, notamment dans le choix et distri-
bution des groupes des divers personnages, la
forme des nimbes et surtout l’esprit général qui
anime toutes les scènes.
Notre excellent confrère M. L. de Farcy, dans
son Inventaire des tapisseries, les a classées comme
flamandes. Mais à considérer l’esprit de la compo-
sition, il me semble plus exact d’y voir les compo-
sitions dessinées par un maître au courant des
traditions françaises, qui aurait complété sa for-
mation sous un homme du Nord.
Le doute n’est pas possible quand on analyse la
tapisserie de la Passion: les compositions procèdent
de maîtres français qui se personnifient entre autres
dans maître Girard, d’Orléans. Les têtes de person-
nages n’évoquent le souvenir d’aucune production
émanant de nos anciens maîtres ; elles rappellent,
par contre, certaines figures du Bal des sauvages
appartenant à Notre-Dame de Nantilly, que les
types éminemment français tant pour les figures
d’hommes que pour les figures de femmes nous
interdisent de restituer à un artiste flamand ou bra-
bançon.
BULLETIN DES MUSEES ROYAUX
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LA PASSION. (Tapisserie française, seconde moitié du XVe si'ecte.)
Voir p • 57.
vrai; cette assimilation en ce qu’elle a de trop rude
pour le sentiment français. Voilà un fait bien
prouvé. Le temps apportera encore d’autres élé-
ments de preuve.
D'ailleurs, les artistes français n'ont jamais
renoncé complètement à leurs traditions. Et, à cet
égard, rien n’est plus instructif que l’étude des pro-
ductions des enlumineurs.
On remarque, par exemple dans le célèbre ante-
pendium de la cathédrale de Narbonne conservé
au musée du Louvre, une Pâmoison de Notre-
Dame et des groupes du Crucifiement qui semblent
annoncer la tapisserie de la Passion. On re-
trouve encore des analogies frappantes dans la
miniature des Petites Heures du duc de Berry
conservées à la Bibliothèque nationale de Paris.
Ces œuvres appartiennent, non comme on l’avait
pensé, du moins pour l’antependium, à André
Beauneveu, mais à un maître de sang et de tempé-
rament français, Girard, d’Orléans.
Il va sans dire que les compositions du xrve siè-
cle sont loin d’offrir la puissance et le caractère
qui se voient sur notre tapisserie; mais tous les
éléments s’y trouvent déjà singulièrement déve-
loppés.
On découvre encore dans d’autres œuvres bien
françaises, telles que ces magnifiques antependiums
en broderie de la cathédrale de Cordoue qui ont
été exposés à Madrid (1), deux scènes : le Porte-
ment de croix et la Pâmoison de Notre-Dame, une
parenté très grande avec les sujets similaires
(1) Voir Las joyas de la exposicion historico-europeia de
Madrid en 1892, pl. cxxvu et CLVII.
de la tapisserie. Mais nous nous empressons
d’ajouter que ces deux peintures à l’aiguille, supé-
rieures comme style à la tapisserie, ne doivent
guère la précéder que de quelques années. En
revanche, il serait permis, je crois, de considérer
comme contemporaines de la Passion plusieurs
tapisseries appartenant à la cathédrale d’Angers,
d’un style très ferme, plus pondéré que celui qui
se perçoit dans la grande tapisserie de la Passion.
Les scènes s’agencent mieux et les attitudes ont
plus de simplicité et de naturel. Il y a plusieurs
analogies entre la tapisserie des Musées royaux et
celles d’Angers, notamment dans le choix et distri-
bution des groupes des divers personnages, la
forme des nimbes et surtout l’esprit général qui
anime toutes les scènes.
Notre excellent confrère M. L. de Farcy, dans
son Inventaire des tapisseries, les a classées comme
flamandes. Mais à considérer l’esprit de la compo-
sition, il me semble plus exact d’y voir les compo-
sitions dessinées par un maître au courant des
traditions françaises, qui aurait complété sa for-
mation sous un homme du Nord.
Le doute n’est pas possible quand on analyse la
tapisserie de la Passion: les compositions procèdent
de maîtres français qui se personnifient entre autres
dans maître Girard, d’Orléans. Les têtes de person-
nages n’évoquent le souvenir d’aucune production
émanant de nos anciens maîtres ; elles rappellent,
par contre, certaines figures du Bal des sauvages
appartenant à Notre-Dame de Nantilly, que les
types éminemment français tant pour les figures
d’hommes que pour les figures de femmes nous
interdisent de restituer à un artiste flamand ou bra-
bançon.