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ANNÉE. N° 9
PARAISSANT TOUS LES MOIS
JUIN 1904
BULLETIN
DES MUSÉES ROYAUX
DES ARTS DÉCORATIFS ET INDUSTRIELS
(Antiquités, Industries cTArt, Art monumental et décoratif, Armes et Armures, Ethnographie)
A BRUXELLES
ABONNEMENTS :
Pour la Belgique.5 francs. | Pour PÉtranger.é fr. 50.
Le numéro : 50 centimes.
TAPISSERIES FRANÇAISES DES
MUSÉES ROYAUX (i).
ARRIVONS au triomphe de la Renommée.
Cette tapisserie a été acquise, en mai 1902, à
la vente des collections de Somzée. Cette œuvre
appartient décidément à la Renaissance.
La famé (fama), la plus jeune fille de Jupi-
ter, s’offre à.nos regards, debout sur un char, sous
les traits d’une femme aux ailes éployées et
coiffée d’un casque également ailé : elle est vêtue
d’une longue robe et d’un corsage à crevés, serré
à la taille par une ceinture à laquelle sont appen-
dus des masques étranges.Ceux-ci, pourvus de deux
yeux et d’une bouche, laissent passer une langue
effilée, par allusion, sans aucun doute, aux cent
oreilles et aux cent bouches, dont les poètes
gratifient la Renommée. Fidèle à sa mission, la
bruyante déesse a embouché une trompette munie
d’un quadruple pavillon, et s’en va de par le
monde, traînée sur un char attelé de deux élé-
phants. Devant les deux pachydermes volent,
retenus par une laisse, un coq et une chauve-souris
dont la mission est de guider le char, à tour de
rôle, le jour et la nuit. Sous les roues du véhicule,
on aperçoit, étendues deux Parques. A l’arrière du
char devrait se trouver Clotho, également renver-
sée et dont la quenouille vient de se rompre. Le
restaurateur de la tapisserie du Musée ne connais-
(1) Voir Bulletin des Musées royaux, 3e année, n° 9,
mai 1904.
sant pas la tapisserie de Vienne, dont il est question
plus loin, a complété la scène au moyen de quel-
ques plantes. Ajoutons que la Parque que l’on
remarque près de Charlemagne est Lachesis, celle
étendue près des éléphants est Atropos. Parmi les
personnages qui forment le cortège, se trouve en
avant Platon, qui paraît indiquer de la main droite
le chemin que l’on doit suivre. Le roi de France
Loys (Louis), portant tous les insignes de la
royauté, la couronne, le sceptre, la main de justice,
écoute attentivement l’argumentation très vive
d’Aristote; de l’autre côté du char s’avance Charle-
magne, le front ceint d’une couronne impériale,
revêtu de la tunique, de la dalmatique et de
l’ample manteau brodé de l’aigle impérial. Il tient
d’une main l’épée, de l’autre le globe. Derrière le
char, Homère a l’air bourru, coiffe d’un chapeau à
larges bords et remarquable par sa moustache
retroussée et sa barbe à deux pointes. Il converse
avec Cicéron, à la physionomie sévère mais singu-
lièrement apparentée à celle de son interlocuteur,
tandis que Virgile, vêtu d’une longue robe, à
l’expression paterne, s’avance seul ; le geste qu'il
fait indiquerait peut-être qu’il se déclame douce-
ment à lui-même les vers qu’il vient de compo-
ser.
Le paysage montueux est agrémenté par quel-
ques constructions féodales.
Cette tapisserie a été exécutée d’après des car-
tons qui ont servi à l’exécution d’une série appar-
tenant aux collections impériales de Vienne. Seu-
lement la pièce du musée ne comporte pas autant
de personnages que celle conservée à Vienne. On
ANNÉE. N° 9
PARAISSANT TOUS LES MOIS
JUIN 1904
BULLETIN
DES MUSÉES ROYAUX
DES ARTS DÉCORATIFS ET INDUSTRIELS
(Antiquités, Industries cTArt, Art monumental et décoratif, Armes et Armures, Ethnographie)
A BRUXELLES
ABONNEMENTS :
Pour la Belgique.5 francs. | Pour PÉtranger.é fr. 50.
Le numéro : 50 centimes.
TAPISSERIES FRANÇAISES DES
MUSÉES ROYAUX (i).
ARRIVONS au triomphe de la Renommée.
Cette tapisserie a été acquise, en mai 1902, à
la vente des collections de Somzée. Cette œuvre
appartient décidément à la Renaissance.
La famé (fama), la plus jeune fille de Jupi-
ter, s’offre à.nos regards, debout sur un char, sous
les traits d’une femme aux ailes éployées et
coiffée d’un casque également ailé : elle est vêtue
d’une longue robe et d’un corsage à crevés, serré
à la taille par une ceinture à laquelle sont appen-
dus des masques étranges.Ceux-ci, pourvus de deux
yeux et d’une bouche, laissent passer une langue
effilée, par allusion, sans aucun doute, aux cent
oreilles et aux cent bouches, dont les poètes
gratifient la Renommée. Fidèle à sa mission, la
bruyante déesse a embouché une trompette munie
d’un quadruple pavillon, et s’en va de par le
monde, traînée sur un char attelé de deux élé-
phants. Devant les deux pachydermes volent,
retenus par une laisse, un coq et une chauve-souris
dont la mission est de guider le char, à tour de
rôle, le jour et la nuit. Sous les roues du véhicule,
on aperçoit, étendues deux Parques. A l’arrière du
char devrait se trouver Clotho, également renver-
sée et dont la quenouille vient de se rompre. Le
restaurateur de la tapisserie du Musée ne connais-
(1) Voir Bulletin des Musées royaux, 3e année, n° 9,
mai 1904.
sant pas la tapisserie de Vienne, dont il est question
plus loin, a complété la scène au moyen de quel-
ques plantes. Ajoutons que la Parque que l’on
remarque près de Charlemagne est Lachesis, celle
étendue près des éléphants est Atropos. Parmi les
personnages qui forment le cortège, se trouve en
avant Platon, qui paraît indiquer de la main droite
le chemin que l’on doit suivre. Le roi de France
Loys (Louis), portant tous les insignes de la
royauté, la couronne, le sceptre, la main de justice,
écoute attentivement l’argumentation très vive
d’Aristote; de l’autre côté du char s’avance Charle-
magne, le front ceint d’une couronne impériale,
revêtu de la tunique, de la dalmatique et de
l’ample manteau brodé de l’aigle impérial. Il tient
d’une main l’épée, de l’autre le globe. Derrière le
char, Homère a l’air bourru, coiffe d’un chapeau à
larges bords et remarquable par sa moustache
retroussée et sa barbe à deux pointes. Il converse
avec Cicéron, à la physionomie sévère mais singu-
lièrement apparentée à celle de son interlocuteur,
tandis que Virgile, vêtu d’une longue robe, à
l’expression paterne, s’avance seul ; le geste qu'il
fait indiquerait peut-être qu’il se déclame douce-
ment à lui-même les vers qu’il vient de compo-
ser.
Le paysage montueux est agrémenté par quel-
ques constructions féodales.
Cette tapisserie a été exécutée d’après des car-
tons qui ont servi à l’exécution d’une série appar-
tenant aux collections impériales de Vienne. Seu-
lement la pièce du musée ne comporte pas autant
de personnages que celle conservée à Vienne. On