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La chronique des arts et de la curiosité — 1875

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No. 25 (3 juillet)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26613#0235
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ET DE LA CURIOSITÉ

227

L'INVENTAIRE DES RICHESSES D’ART

EN FRANCE

a perdu, si ce morceau de sculpture dûment in-
ventorié, recommandé à l’attention de toutes les
autorités administratives du département de la
Marne, n’avait pu être aliéné que de l’agrément
du préfet, et après examen du directeur des

Notre collaborateur, M. Louis Courajod,
nous adresse une intéressante communication
qui démontre péremptoirement la nécessité
de procéder immédiatement, et sur tous les
points du pays, à l’inventaire des richesses
d’art de la France.

Nous accompagnons la publication de cette
note d’une figure, reproduite d’après un docu-
ment déjà ancien et dont, nous ne garantissons
l’exactitude que pour la silhouette 'générale :

Vous avez applaudi des deux mains quand, le
15 mai 1874, M. le directeur des lleaux-Arts a
décidé qu’un inventaire général des richesses d’art
de la France serait dressé par les soins de son
administration. La Chronique des Arts réclamait
cet inventaire dès le 5 juin 1870. C’est, en effet,
une excellente mesure ; seule, elle est capable
d’arrêter l’effrayante exportation d’œuvres d’art
rétrospectif qui épuise la France depuis vingt an-
nées. Mais le remède si heureusement trouvé
pourra-t-il être appliqué avec assez de prompti-
tude ? Depuis que la décision est prise, de très-
nombreux objets d’art ont quitté à jamais le sol
fécond qui les vit naître ou les murs intelligents
qui les avaient longtemps abrités. Je suis épou-
vanté du dépouillement régulier et systématique
dont sont victimes les églises provinciales et rurales.
Le mobilier religieux déménage par les portes
et par les fenêtres. J’en pourrais donner plusieurs
exemples. Un seul suffira aujourd’hui.

Perdue au milieu des bois et dissimulée au fond
d’une étroite vallée, une petite église de village
avait cohservé jusqu’à nos jours, sous la douce
lumière d’admirables vitraux, une charmante
œuvre de sculpture. C’était une ligure de marbre
blanc, de 80 centimètres environ de hauteur, où
la Vierge Marie, les cheveux dorés et épars sur
les épaules, soutenait de ses bras l’enfant Jésus.
Tous ceux qui avaient vu la madone du Breuil
aimaient à y retrouver un témoignage de l’habi-
leté des gracieux imagiers de l’école française qui
décorèrent Troyes et les églises de la Champagne
pendant les trente premières années du xvi° siè-
cle. Depuis quelques semaines, il ne reste plus
dans le pays que le souvenir du petit chef-
d’œuvre et le croquis que je vous envoie. La
Vierge a quitté la rustique chapelle pour des lam-
bris sans doute plus dorés et des admirateurs
moins naïfs. Je viens vous demander de nous ai-
der, par votre publicité, à la faire revenir au ta-
bernacle originel. Le public intelligent, auquel
vous vous adressez et qui achète les œuvres d’art,
saura maintenant d’où vient le marbre et il refu-
sera de s’enrichir des dépouilles d’une pauvre
paroisse. L’heureux amateur à qui le hasard ou
un sagace discernement aura fait échoir notre
Vierge, la restituera, il faut l’espérer, à l’église
du Breuil (Marne). La commune, bien entendu,
rembourserait les frais d’acquisition.

Aurais-je besoin de faire cet appel à la délica-
tesse des amateurs ? Serais-je réduit à les supplier
de rendre à un pauvre village le palladium qu’il

Vierge nu Breuil (Marne)
d’après un croquis de Poterlet.

Beaux-arts ou du ministre de l’Instruction pu-
blique ? A Paris et dans les grandes villes, l’inven
taire prescrit par M. le marquis de Chenncvières
sera curieux et utile. Au fond des provinces et
dans les campagnes, il est nécessaire, et nécessaire
immédiatement. Le ministère, à cet égard, a été
devancé par les brocanteurs qui travaillent dans
un sens diamétralement opposé.

Ils ont fait et ils refont chaque jour l’inventaire
des richesses qu’ils ont déjà soustraites ou qu’ils
pourront encore soustraire à la France.

Louis Courajod.

Les soins de tirage nécessités par l’importance
des gravures hors texte qui accompagnent la Ga-
zette des Beaux-Arts de Juillet, nous mettent
dans l’impossibilité de faire l’expédition simulta-
née de toutes les livraisons. Nous prions nos
abonnés d’excuser ce léger retard.
 
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