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LA CHRONIQUE DES ARTS

été formé en vue d’étudier l’extension de ces me-
sures aux collections ou œuvres d’art de la région
menacée appartenant à des particuliers et présen-
tant un intérêt capital.

A la suite de l’offensive allemande du 27 niai et
du 9 juin, Château-Thierry et Compiègne ont été
la cible de l’artillerie ennemie. Nous ne savons en-
core quelle est l’étendue des dommages dans la
dernière de ces villes; à la date du 13 juin, le pa-
lais et l'hôtel de ville étaient encore intacts. Mais
à Château-Thierry, on aurait, dit-on, à déplorer la
destruction de la maison de La Fontaine (où était
installé le musée de la ville) et du petit musée de
l’Hôtel-Dieu qui contenait des vases de pharmacie
du xvii° siècle, un tableau attribué à Mignard et
une série de portraits de religieux, des vêtements
liturgiques du xvue siècle et un remarquable mo-
bilier ancien.

*

* *

A Paris même, quelques œuvres d’art ont souf-
fert. Un obus lancé parle canon à longue portée a
décapité, le 30 mai, sous le péristyle d’une église,
une statue de Saint Luc, due au sculpteur Ra-
mey fils. D’autre part, cei’tains travaux de protec-
tion d’œuvres d’art ont été si mal faits qu’ils sont
allés à l’encontre de leur but : il y a quelques se-
maines, la pile des sacs de terre amoncelés devant
les statues de la porte centrale au portail princi-
pal de Notre-Dame a glissé en partie sur le sol,
entraînant clans sa chute la tête d’une statue de
Saint Pierre, heureusement moderne.

En conformité des décisions, dont nous parlons
plus haut, prises pour l’évacuation des œuvres
d’art, l’administration des Beaux-Arts va faire pro-
céder au démarouflage des peintures décoratives
du Panthéon et de la Sorbonne.

PETITES EXPOSITIONS

Depuis que des soucis pressants nous absorbent,
les galeries d'art n’ont fait que de rares et timides
appels à notre attention. Aussi, l’exposition de la
« Jeune peinture française », ouverte ces jours
derniers, apparaît-elle exceptionnelle par son am-
pleur (1). Les « anciens» sont ici MM. Maurice
Denis, Marquet, Yuillard, Bonnard, Vallotton,
Jules Flandrin, Chariot. Plus nouveaux venus, les
autres artistes se rattachent également à l'école
symboliste. Us s’accordent en deux points princi-
paux : le droit d'interpréter la nature, de la forcer,
en des synthèses raisonnées, à accuser la vision,
le sentiment ou l’idée du peintre ; le désir de don-
ner à la toile une valeur décorative, selon le pré-
cepte de Gauguin : « Un tableau est avant tout
une surface plane, recouverte de couleurs en un
certain ordre assemblées ».

Les deux belles natures mortes de M. Fournier
font honneur à cet idéal, et nous avons eu plaisir
à voir celles de M. Berthold Mahn, de MM. André
Mare, Camoin, Bischoff.

Parmi les paysages, notons de fines et solides
vues de toits de M. René Durey ; les études de
M. Marcel Gaillard, l’organisateur de cette expo-
sition, qui montre aussi un intéressant petit Inté-
rieur en Sologne : les peintures lumineuses de
M. Mainssieux et celles de M. Camoin. Particuliè-

rement original et doué nous apparait M. Cha-
baud. Sa Provence n’est point joyeuse et diaprée,-
comme les impressionnistes aimaient la peindre.
Des tons de cendre évoquent un sol aride, à peine
paré de fleurs rares, éternellement calciné par le
soleil. La force de caractérisation, la valeur des
tons dans l’austérité de l’ensemble, le don décom-
poser, confèrent de la grandeur à des ioiles d’où
l’artiste a banni tout pittoresque.

Les grandes compositions, assez rares avec
l’impressionnisme, reviennent en faveur. Les plus
« avancés » s'y adonnent, tel M. de la Fresnaye
avec sa Conquête de l’air, où des couleurs limpides
se marient à des partis-pris « cubistes » que nous
ne discuterons pas. Plus classique est L’Après-
midi de M. Luc-Albert Moreau dont les trois
personnages sont unis en un rythme tranquille.
Nul parti-pris n’est visible dans Les Buveurs de
M. de Segonzac, vaste panneau aux teintes sourdes
et précieuses. Devant la muraille nue dans la
demi-obscurité du cabaret, deux besogneux, be-
sace au dos, sont tête à-tête ; l’un d’eux, assis,-
tient un verre ; l’autre, debout, le regarde. Rien
de plus simple que cette œuvre d’où s’éveille le
sentiment de la misère victorieuse et de toutes
les abdications consenties.

L’exposition de la « Jeune peinture française »
comprend encore des sculptures de MM. Despiaux
et Joseph Bernard et quelques dessins et gravures
sur bois.

M. Chariot, qui s’y trouve à peine représenté, et
M. Dézirë,qui n’y figure pas, avaient joint leurs ta-
bleaux, galerie Devambez (1), à des toiles char-
mantes de M. Lebasque. Les rustres de M. Char-
iot, couleur de poussière, l’attitude et l’expression
immobile, évoquent le souvenir de Lenain, tandis
que ses vues de neige sont d’un fin coloriste. Une
Pastorale de M. Déziré, où se meuvent deux figu-
res sylvestres, élancées comme les fûts des arbres,
seule représente ses compositions de jadis où re-
vivaient à l’évidence l’unité et l’harmonie classi-
ques. De récents portraits, des vues de nature qui
semblent sans apprêt, restent pourtant fidèles à la
tradition française : les uns par le soin sévère et
comme abstrait du caractère qui exclut l’aceident
ou l’accessoire ; les autres par la conception géné-
ralisée, par l’équilibre des masses et des valeurs.

Nous avons admiré entre autres, à la galerie
Druet (2), les amples paysages clairs, et les inté-
rieurs de M. Jules Flandrin, les figures et les
fleurs, d’un métier large et sain, de M006 Mar val.

La galerie Sauvage (3) nous informait par des
esquisses de Mme Gontcharowa et deM. de Lario-
now du dernier état de T « art décoratif théâtral
moderne ». Dans ces projets destinés à de récents
ballets russes {Le Coq d’or, Saclko, Soleil de nuit),
le « cubisme » est d’intention purement décora-
tive en effet et n’a point de rapport avec la mysté-
rieuse symbolique de M. Picasso dans Parade.
On y reconnaît souvent des accords heureux de
tons vifs et du goût dans l’arrangement. Aucune
recherche d’art ne doit être contestée s’il en peut
naître de l’agrément ; il faut pourtant se deman-
der si une manière délibérément hermétique, légi-
time dans cette « œuvre d’art privé » qu’est un
tableau, ne contredit point au but même du théâtre
qui est d’éveiller un intérêt collectif.

Signalons enfin des œuvres sans étiquette d’é-

(1) 22 avril 8 mai. — (2) 27 mai-7 juin. — (3) 16
avril-7 mai.

1) Galerie Goupil, 17 juin - 13 juillet.
 
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