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Cahier, Charles; Martin, Arthur
Mélanges d'archéologie, d'histoire et de littérature (Band 1,1): Collection de mémoires sur l'orfévrerie ... : 1 — Paris, 1849

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https://doi.org/10.11588/diglit.33560#0054
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34 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
rapporte l'Écriture ; et alors nous abandonnons l'histoire sainte dans un endroit où elle est
très formelle et où il était tout particulièrement difïicile de lui rien substituer qui valût
mieux. Mais dans aucune supposition le prophète n'a pu venir jusqu'au pied de ce lit; si lui,
envoyé de Dieu pour faire descendre le repentir dans le cœur des coupables, il a été reçu par
eux comme on ne reçoit personne, il a dû éclater dès l'entrée de l'appartement, et se tenir là
sans passer outre. Il aura pu alors lancer sur eux avec indignation des menaces qui, dans
l'Écriture ', sont bien plutôt des prophéties que des malédictions; mais même en s'imposant
cette convenance morale si simple, encore sortait-on de la donnée historique, qui était admi-
rable, pour se jeter sur un écueil que les seules convenances de l'art devaient interdire : celui
de hasarder un d'action qui touche (pour le moins) au théâtral, et qui court grand
risque de passer pour exagéré dans l'esprit des spectateurs au lieu de leur ouvrir une voie où
ils courront pour vous devancer. Ainsi, parceque vous avez voulu ne laisser rien à peindre et
triompher comme par un coup d'éclat, la foule, que vous deviez entraîner et pousser en avant,
recule ; vous avez craint que quelqu'un rêvât un trait au-delà des vôtres, et presque tout le
monde trouvera que vous avez été trop loin. De fait, Nathan, dont toute la mission est si déli-
cate et si belle dans le û'rrc Æoày, la plupart des gens ici le tiendront pour dur et farouche ;
et moi qui ne demanderais pas mieux que de revendiquer pour mon pays une belle œuvre
d'art aussi invulnérable à la critique qu'il est possible, je ne puis me défendre de soupçonner
que l'idée d'intolérance religieuse et de zèle hautain s'est glissée pour quelque chose (aussi
imperceptiblement que l'on voudra) dans la composition de cette scène.
Je ne veux point enfler la louange de mon artiste du moyen âge ; je me suis relâché au con-
traire, sur ce qui regarde l'habileté en fait de technique, à des concessions que les vrais connais-
seurs trouveront exagérées, je le pense; et j'ajoute que son plus grand mérite de composition
lui vient d'avoir bien lu son chapitre de la Bible. Mais il en avait saisi l'ensemble et le fond
en homme heureusement doué pour l'art. On a déjà vu comme, de la part de David et de
Bethsabée, se prépare une surprise d'autant plus saisissante que tout se passe avec un abandon
et un naturel de tous les jours. On se croit à l'abri des soupçons du dehors; et la nouvelle
union semble si convenablement voilée dans ses causes que le prophète est accueilli comme
en famille à un entretien bienveillant. Sa parabole détournée prend alors un air de récit tout
simple qui n'éveille aucun soupçon d'arrière-pensée; en sorte que David prononcera son
propre arrêt sans nulle méfiance, et sans pouvoir en parer le coup lorsque le déguisement
cessera. Il est vrai qu'en entrant si bien dans l'esprit de son sujet la représentation devenait
aussi équivoque que le sont les commencements de l'entretien lui-même, et que, pour sortir
de l'indéterminé, il fallait pouvoir recourir à cet artifice de peindre les paroles en même
temps qu'une action. Une sévérité plus ou moins respectable interdirait peut-être aux artistes

i II Rcy., xii, 10, 12, 13-15.
 
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