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Cahier, Charles; Martin, Arthur
Mélanges d'archéologie, d'histoire et de littérature (Band 1,1): Collection de mémoires sur l'orfévrerie ... : 1 — Paris, 1849

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https://doi.org/10.11588/diglit.33560#0115
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CHANDELIERS EN CUIVRE.

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Bien qu'à la place d'un loup nous voyions un dragon dans le bronze de M. Carrand, n'est-ce
pas le groupe de Tyr et de Fenris que nous avons sous les yeux? Cette opinion ne paraîtra
sans doute pas invraisemblable à ceux qui savent combien sont faciles ou plutôt inévitables
les transformations des mythes populaires que l'écriture n'a pas fixés. Le fait principal donné,
faudrait-il s'étonner si le rôle d'un agent infernal était confié à un autre agent de la même
nature, expression symbolique du même événement avec un autre nom et sous une autre
forme, simple variante d'une même idée?
Essayons donc de découvrir l'idée cachée sous le mythe, pour mieux apprécier la vraisem-
blance de notre hypothèse ; et voyons quel était le rôle du dieu Tyr dans la mythologie du
nord?
Il est certain que dans les derniers temps du paganisme Tyr réunissait les caractères de la
Minerve et du Mars des Romains. Les Scaldes vantent la sagesse de ses conseils aussi bien que
sa vaillance guerrière. Son attribut était aussi une lance ; il donnait aussi son nom à la pla-
nète rougeâtre que l'on dirait teinte du sang des batailles. Le signe graphique de cette pla-
nète est précisément le T runique, qui se prononce Tys, génitif de Tyr. Les yeux aux regards

vrer ; mais ia chaîne résiste, et pius il s'épuise en furieux ef-
forts, plus ies nœuds le serrent étroitement. Alors les Ascs de
rire aux éclats, excepté Tyr, qui resta privé de sa main.
Quand les Ascs furent certains que Fenris ne pourrait rompre
le lien, ils prirent la chaîne attachée au ruban, elle s'appelait
Gelgia (pernicieuse ou bonne pour pendre), et iis la tirent
passer à travers une pierre nommée Gûù/ (ou Gmu//, bril-
lante, sonore, ou plutôt bridante?), prenant soin d'enfoncer
l'extrémité à une grande profondeur sous terre. Ils firent
plus, ils poussèrent contre elle un énorme rocher nommé
Tuf/f (Tvcit, champ; ou tveita, hache?) qui la fit pénétrer plus
avant et servit de pieu pour la retenir. Cependant Fenris ou-
vrait une gueule effroyable, il se débattait avec rage, essayant
de mordre les dieux ; mais ceux-ci lui traversèrent la gueule
avec un glaive dont la poignée s'arrêta contre la mâchoire in-
férieure, et dont la pointe se fixa dans la mâchoire supérieure,
de sorte que son palais transpercé resta ouvert. (Un poète de
la Norwège païenne au dixième siècle appelle une épée : le
soutien des lèvres de Fenris. Magnussen, 1. c.) Il fait entendre
depuis d'horribles hurlements, et laisse suinter de ses lèvres
une liqueur visqueuse qui est, dit-on, la source du fleuve
Fou (ou van. c'est à dire : espérance, espérance de la déli-
vrance future ? De là le nom de Vanargandr donné à Fenris : le
loup de l'espérance). Il restera dans cette situation jusqu'aux
crépuscule des dieux.
Magnussen ajoute au texte connu la version suivante d'un
Ms. Danois : << Dans l'île de se trouve une colline du
nom de Sïy/i/mr (toujours resplendissante), où est fiché l'é-
pieu qui s'appelle Tuf/i. L'ouverture qui traverse l'épieu est
appelée Gùnd (beauté) et la cha'nc qui passe par l'ouverture
de l'épieu moedo (l'objet d'edrot). Geù/mest le nom du pal
qui retient la chaîne contre l'épieu... Deux fleuves s'épanchent
de la gueule du loup, l'un est Fi/ (angoisse de l'âme), l'autre

est Fou (espérance). C'est ainsi que l'eau est appelée l'écume de
Fenris. Ses lèvres garnies de poil se nomment Gio/uor (vent
violent?) M
Qu'on veuille bien me pardonner la longueur de cette cita-
tion ; les détails qui ne se rattachent pas visiblement à notre
monument ne laissent pas que d'ajouter à l'intelligence du
mythe, et nous aurons d'ailleurs l'occasion d'y renvoyer pius
tard.
L'incident de la main coupée raconté deux fois dans l'Edda
en prose reparaît dans l'Edda poétique, que l'on croit recueilli
par le prêtre Semund, mort en 1133. Dans un poème intitulé
Lokasemm (les Médisances de Loki), le Lucien des Scandi-
naves raille avec une impitoyable verve les dieux défaillants
du Valhalla après les avoir mis tous en scène autour d'une ta-
ble où le vin favorise l'impertinente franchise du dieu du mal.
Tyr venait de célébrer Frey, le dieu du jour.
K Loki dit :
Tais-toi, Tyr, tu n'as jamais su
Réconcilier deux adversaires :
Parlerai-je de ta main droite
Que t'a enlevée Fenris !
Tyr dit :
Je regrette ma main, et toi, tu regrettes Hrodurs-Vitnir (loup
dévorant, Fenris.)
Notre perte est douloureuse à l'un et à l'autre :
Le loup n'est pas bien non plus dans scs fers,
11 attendra jusqu'au crépuscule des grandeurs.
Je me sers de la traduction de M. Bergmann. (Puâmes Is/an-
daûs, Paris, 1838, p. 385.)

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