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MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
i.
DE L'ORFÈVRERIE DE LUXE ET DE L'ORFÈVRERIE RELIGIEUSE.
On conçoit d'abord qu'au moyen âge, comme à toutes les époques, la vanité humaine n'a pu
manquer de demander à l'or et aux pierres précieuses un supplément de mérite ou d'attraits;
et s'il est vrai que le goût de la simplicité diminue chez un peuple à mesure que le sentiment
du vrai beau s'efface, si le désir de plaire tend à éblouir encore plus qu'à charmer aux époques
de décadence aussi bien qu'aux époques d'enfance sociale, l'amour des riches parures dut si-
gnaler les siècles du bas-empire où eut lieu l'avénement des races modernes. Ainsi s'explique
le faste excessif des costumes byzantins et l'empire de ces modes d'Orient qui furent si long-
temja§ pour l'Europe occidentale le type de la vraie magnificence et du bon goût. A en juger
d'après le petit nombre de monuments qui nous restent des hautes époques du moyen âge, l'or-
févrerie de luxe avait pris d'assez grands développements sous les carlovingiens et dut pendant
le dixième et le onzième siècle un nouvel élan au mouvement imprimé à tous les arts par l'em-
pereur grec Basile à la fin du neuvième siècle. Il faut pourtant avouer que le caractère de cette
bijouterie consistait moins dans la beauté des formes que dans la richesse des matériaux et
quelquefois dans la délicatesse du travail. Au treizième siècle, les bijoux furent traités avec la
grandeur de style que l'on pouvait attendre d'une époque où la sculpture d'ornementation fut
peut-être la plus florissante de toutes les branches de l'art. Mais le treizième siècle fut un siècle
profondément empreint de pensées graves. L'antique simplicité reparaît alors dans les vête-
ments et indique pour le faste personnel un mépris dont la bijouterie dut se ressentir. Sur les
cent seize orfèvres que le livre de la taille comptait à Paris en 1292 *, plusieurs sans doute con-
tinuaient de fabriquer comme les orfèvres laïques dont parlait Jean deGarlande deux siècles au-
paravant, des hanaps d'or et d'argent, des agrafes, des colliers, des épingles, des boucles et des
anneaux ornés de pierres; mais on peut croire qu'un grand nombre s'occupait dès lors de l'a-
meublement des églises bien que les principaux ateliers d'orfèvrerie religieuse fussent encore
les monastères. Au contraire, à partir du quatorzième siècle, le luxe pénètre de plus en plus dans
les mœurs, l'amour du fini et la science du dessin font de continuels progrès dans les arts :
c'étaient autant d'éléments de succès pour la bijouterie qui eut son apogée à la renaissance. 11
sufïit de voir les bijoux des quatorzième et quinzième siècles ou de lire les inventaires des tré-
sors des princes pour concevoir que la verve qui s'égarait si féconde en charmantes et folles
fantaisies cherchait un nouvel idéal qu'elle devait lût ou tard rencontrer. La réapparition de
l'art antique fut pour la sève du moyen âge un nouveau principe fécondant trop en rapport
avec l'affaiblissement des vieilles mœurs et le besoin croissant de tous les genres de jouis-
i Gît and, f. c.
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
i.
DE L'ORFÈVRERIE DE LUXE ET DE L'ORFÈVRERIE RELIGIEUSE.
On conçoit d'abord qu'au moyen âge, comme à toutes les époques, la vanité humaine n'a pu
manquer de demander à l'or et aux pierres précieuses un supplément de mérite ou d'attraits;
et s'il est vrai que le goût de la simplicité diminue chez un peuple à mesure que le sentiment
du vrai beau s'efface, si le désir de plaire tend à éblouir encore plus qu'à charmer aux époques
de décadence aussi bien qu'aux époques d'enfance sociale, l'amour des riches parures dut si-
gnaler les siècles du bas-empire où eut lieu l'avénement des races modernes. Ainsi s'explique
le faste excessif des costumes byzantins et l'empire de ces modes d'Orient qui furent si long-
temja§ pour l'Europe occidentale le type de la vraie magnificence et du bon goût. A en juger
d'après le petit nombre de monuments qui nous restent des hautes époques du moyen âge, l'or-
févrerie de luxe avait pris d'assez grands développements sous les carlovingiens et dut pendant
le dixième et le onzième siècle un nouvel élan au mouvement imprimé à tous les arts par l'em-
pereur grec Basile à la fin du neuvième siècle. Il faut pourtant avouer que le caractère de cette
bijouterie consistait moins dans la beauté des formes que dans la richesse des matériaux et
quelquefois dans la délicatesse du travail. Au treizième siècle, les bijoux furent traités avec la
grandeur de style que l'on pouvait attendre d'une époque où la sculpture d'ornementation fut
peut-être la plus florissante de toutes les branches de l'art. Mais le treizième siècle fut un siècle
profondément empreint de pensées graves. L'antique simplicité reparaît alors dans les vête-
ments et indique pour le faste personnel un mépris dont la bijouterie dut se ressentir. Sur les
cent seize orfèvres que le livre de la taille comptait à Paris en 1292 *, plusieurs sans doute con-
tinuaient de fabriquer comme les orfèvres laïques dont parlait Jean deGarlande deux siècles au-
paravant, des hanaps d'or et d'argent, des agrafes, des colliers, des épingles, des boucles et des
anneaux ornés de pierres; mais on peut croire qu'un grand nombre s'occupait dès lors de l'a-
meublement des églises bien que les principaux ateliers d'orfèvrerie religieuse fussent encore
les monastères. Au contraire, à partir du quatorzième siècle, le luxe pénètre de plus en plus dans
les mœurs, l'amour du fini et la science du dessin font de continuels progrès dans les arts :
c'étaient autant d'éléments de succès pour la bijouterie qui eut son apogée à la renaissance. 11
sufïit de voir les bijoux des quatorzième et quinzième siècles ou de lire les inventaires des tré-
sors des princes pour concevoir que la verve qui s'égarait si féconde en charmantes et folles
fantaisies cherchait un nouvel idéal qu'elle devait lût ou tard rencontrer. La réapparition de
l'art antique fut pour la sève du moyen âge un nouveau principe fécondant trop en rapport
avec l'affaiblissement des vieilles mœurs et le besoin croissant de tous les genres de jouis-
i Gît and, f. c.