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Cahier, Charles; Martin, Arthur
Mélanges d'archéologie, d'histoire et de littérature (Band 1,1): Collection de mémoires sur l'orfévrerie ... : 1 — Paris, 1849

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https://doi.org/10.11588/diglit.33560#0130
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MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

franchissent de la tutelle de l'architecte, et voient dans leurs œuvres, au lieu d'un moyen, un
but où ils concentrent toute l'énergie de leurs études et de leur talent. La sculpture et la
peinture pouvaient y gagner sous plusieurs rapports ainsi que les arts qui en dépendent; mais
l'architecture chrétienne devait y perdre, et il était inévitable qu'elle entraînât dans sa propre
décadence la grande orfèvrerie qu'elle inspire.
Voyez en effet combien les majestueuses proportions qui dominent dans les premières années
du règne de S. Louis s'amaigrissent sous le règne de ses enfants; comme les lobes arrondis du
quatorzième siècle dégénèrent en feuilles anguleuses à l'approche du quinzième, et comme la
végétation encore vigoureuse du quinzième siècle se transforme au seizième en flammes
onduleuses et vagues ! Eh bien,, des transformations tout à fait semblables s'opèrent dans la
grande orfèvrerie, ainsi qu'il est aisé de s'en rendre compte dans les rares trésors d'église
échappés aux ravages des guerres et des modes. A Aix-la-Chapelle, par exemple, après avoir
été frappé tout d'abord par la beauté des formes et la sage magnificence des châsses de Charle-
magne et de Notre-Dame, dons présumés de Frédéric I"*et de Frédéric II, on contemple encore
avec bonheur les monuments du siècle suivant, remarquables par leurs pignons élancés et
découpés à jour, leurs ogives semées de fleurs rayonnantes, leurs légers clochers octogones,
leurs galeries de roses ou de trèfles, et leurs émaux translucides qui laissent briller sous leur
eau colorée les reflets des plus fines ciselures. Le quinzième siècle se signale par un travail
encore plus délicat peut-être ; mais aussi par un dessin moins franc dans son ensemble, moins
élégant dans ses formes et moins sage dans ses caprices. L'artiste, comme le littérateur des
temps qui suivent les siècles de génie, s'efforce de cacher la stérilité des idées sous la profusion
des ornements et supplée comme il peut les fortes pensées par les recherches de la coquetterie.
Ainsi que l'architecture appelée semble prendre à tâche d'imiter dans l'ornemen-
tation des grands édifices la délicatesse de l'orfèvrerie, l'orfèvrerie de la même époque semble
prendre pour but de lutter de finesse dans le travail avec la glyptique ; et vraiment l'œil a par-
fois quelque peine à suivre les mouvements si fantasques du feuillage si délié, et à se rendre
compte dans tous leurs détails des moulures et des bas-reliefs ciselés la loupe à la main. 11 y
avait dans cet amour exagéré des choses fines une tendance fâcheuse à négliger la fermeté des
lignes et la simplicité de conception nécessaire aux grands effets. C'est aussi par là que pèchent,
à mon avis, les derniers travaux de l'orfèvrerie ogivale. Dès lors pour apprécier l'art il faut aller
l'étudier dans les salons plutôt que dans les églises ; comme plus tard, à une époque qui a en
avec la Renaissance tant d'analogie sous le rapport des idées et des mœurs, comme sous l'ar-
rière petit-fils de Louis XIV, c'est aussi dans les boudoirs plutôt qu'auprès des autels qu'il faut
aller chercher les chefs-d'œuvre. La flamme n'est certes pas éteinte, seulement elle ne s'élance
plus du même foyer et ne tend plus vers le même but. Le goût des jouissances a remplacé le
sentiment des devoirs, et l'homme dévoue avec un amour effréné à la satisfaction de tous ses
penchants terrestres les facultés qu'il ennoblissait en les consacrant à Dieu. Ce n'est pas sans
 
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