PSAUTIER SAXON (?). PI. XLY. 257
foules tournées vers le sommet qui occupe le milieu de la composition. Ces voiles s'étendent
entre les hommes et la cour céleste, de façon à dérober au ciel la vue des deux groupes. Cela
veut dire évidemment, avec le premier verset, K Heureux ceux dont... les péchés sont voilés. 3
Sur les pentes du faîte central bon nombre de gens sont prosternés ; et ce doivent être les
versets 5 et 6, où la confession (l'aveu des fautes) et la prière sont exprimées. Autour de la
scène s'épanche un cours d'eau où l'on n'a oublié, ni de part ni d'autre, de peindre des pois-
sons ; traduction du verset 6 : « Dans l'inondation des grandes eaux, le saint demeurera hors
de leur atteinte. " Sur une espèce de second plan, un cheval et un mulet sont rudement
menés par des palefreniers (hommes ou anges) qui représentent les versets 9 et 10 : « Gardez-
vous de devenir ce que sont le cheval et le mulet, qui n'ont point d'entendement; etc. 3
On en pourrait citer d'autres, quoique rarement d'une similitude aussi complète. Mais pour
le psaume LYI, nous avons l'ivoire et le dessin de Londres, qui sont assurément fort semblables;
quoique là il ne soit guère aisé de tout rejeter sur l'Angleterre. Le psautier de Paris n'y peut
plus être consulté, sinon pour le contraste; pareeque cette scène est de la main italienne, et
autrement conçue (à part même l'exécution).
Quant à ma cause personnelle dans cette affaire, si je voulais couvrir un peu ma retraite
par une guerre de chicane je pourrais à toute force objecter que sur l'ivoire de Charles-le-
Chauve nul des guerriers ne se permet de tourner ses armes contre l'ange ou l'enfant, comme
le fait un archer dans le psautier de Londres ; que dans le manuscrit tous les guerriers sont
chaussés de brodequins ou bottines très reconnaissables malgré la brusquerie du trait, tandis
que dans le bas-relief il en est deux seulement qui ont les pieds certainement nus; etc. Enfin,
mettant à profit une observation faite ici même par M. Ch. Lenormant*, je ne vois pas ce qui
m'empêcherait de dire que si une peinture de la Transfiguration a pu devenir une scène de
palais germanique, on dérogeait beaucoup moins à la dignité d'une représentation de psaume
en y cherchant un pour retracer l'arrêt du Ciel contre un des plus grands ennemis de
l'Église. Mais c'est déjà trop de lutte, sans doute, sur un terrain où le pied glisse furieuse-
ment. Je clos la discussion, sans oser croire que ma première opinion conserve des partisans.
Ce n'était pourtant pas trop mal, et je n'en suis honteux qu'à demi.
CHARLES CAHIER.
* Ci-dessus, p, 187; au sujet d'une miniature de Munich, que nous espérons pubiierqueique jour.
foules tournées vers le sommet qui occupe le milieu de la composition. Ces voiles s'étendent
entre les hommes et la cour céleste, de façon à dérober au ciel la vue des deux groupes. Cela
veut dire évidemment, avec le premier verset, K Heureux ceux dont... les péchés sont voilés. 3
Sur les pentes du faîte central bon nombre de gens sont prosternés ; et ce doivent être les
versets 5 et 6, où la confession (l'aveu des fautes) et la prière sont exprimées. Autour de la
scène s'épanche un cours d'eau où l'on n'a oublié, ni de part ni d'autre, de peindre des pois-
sons ; traduction du verset 6 : « Dans l'inondation des grandes eaux, le saint demeurera hors
de leur atteinte. " Sur une espèce de second plan, un cheval et un mulet sont rudement
menés par des palefreniers (hommes ou anges) qui représentent les versets 9 et 10 : « Gardez-
vous de devenir ce que sont le cheval et le mulet, qui n'ont point d'entendement; etc. 3
On en pourrait citer d'autres, quoique rarement d'une similitude aussi complète. Mais pour
le psaume LYI, nous avons l'ivoire et le dessin de Londres, qui sont assurément fort semblables;
quoique là il ne soit guère aisé de tout rejeter sur l'Angleterre. Le psautier de Paris n'y peut
plus être consulté, sinon pour le contraste; pareeque cette scène est de la main italienne, et
autrement conçue (à part même l'exécution).
Quant à ma cause personnelle dans cette affaire, si je voulais couvrir un peu ma retraite
par une guerre de chicane je pourrais à toute force objecter que sur l'ivoire de Charles-le-
Chauve nul des guerriers ne se permet de tourner ses armes contre l'ange ou l'enfant, comme
le fait un archer dans le psautier de Londres ; que dans le manuscrit tous les guerriers sont
chaussés de brodequins ou bottines très reconnaissables malgré la brusquerie du trait, tandis
que dans le bas-relief il en est deux seulement qui ont les pieds certainement nus; etc. Enfin,
mettant à profit une observation faite ici même par M. Ch. Lenormant*, je ne vois pas ce qui
m'empêcherait de dire que si une peinture de la Transfiguration a pu devenir une scène de
palais germanique, on dérogeait beaucoup moins à la dignité d'une représentation de psaume
en y cherchant un pour retracer l'arrêt du Ciel contre un des plus grands ennemis de
l'Église. Mais c'est déjà trop de lutte, sans doute, sur un terrain où le pied glisse furieuse-
ment. Je clos la discussion, sans oser croire que ma première opinion conserve des partisans.
Ce n'était pourtant pas trop mal, et je n'en suis honteux qu'à demi.
CHARLES CAHIER.
* Ci-dessus, p, 187; au sujet d'une miniature de Munich, que nous espérons pubiierqueique jour.